Steinbach
16.07.2023
Le père Jean-Paul Freudenreich a 90 ans
Le père Jean-Paul Freudenreich a célébré une messe d’action de grâce
pour son 90e anniversaire
lors de la messe dominicale à l’église Saint-Morand.
« Je fête aujourd’hui mon 90e anniversaire,
en même temps que mes 62 ans de sacerdoce », a annoncé le père
Freudenreich.
Le curé de Steinbach, aujourd’hui retraité, toujours actif, a égrené
quelques souvenirs.
« Quand je suis entré en 6e au
petit séminaire de Zillisheim, je ne parlais pas un mot de français »,
se rappelle-t-il. L’occupation nazie était passée par là.
Il a fait l’Algérie, comme tous les jeunes de sa génération, avant de
reprendre ses études de théologie.
Le père Jean-Paul a proposé un temps de méditation autour du testament
spirituel de Christian de Chergé, un des moines de Tibhirine, pris en
otage et décapité en 1996. « Un message de paix et de fraternité »,
a-t-il souligné.
Dans le chœur, où il a célébré la messe au côté du diacre Francis
Bollinger, avaient pris place ses cinq camarades « les plus vaillants »
de la classe 1933 de Steinbach, François Aubert, Pierre Buzy,
Marie-Louise Epin, François Keller et Anne-Marie Neth. Ils ont eu une
pensée pour Pierre Grill et François Reitzer, tous deux malades.
La chorale interparoissiale était à la tribune où officiait Éric
Schamberger à l’orgue. Le Grosser Gott , repris par toute
l’assistance, a mis un terme émouvant à cette messe d’anniversaire.
Testament
spirituel de Christian de Chergé
Quand un A-DIEU s'envisage...
S'il m'arrivait un jour - et ça pourrait être aujourd'hui - d'être
victime du terrorisme qui semble vouloir englober maintenant tous les
étrangers vivant en Algérie, j'aimerais que ma communauté, mon Église,
ma famille, se souviennent que ma vie était DONNÉE à Dieu et à ce pays.
Qu'ils acceptent que le Maître Unique de toute vie ne saurait être
étranger à ce départ brutal. Qu'ils prient pour moi : comment serais-je
trouvé digne d'une telle offrande ? Qu'ils sachent associer cette mort à
tant d'autres aussi violentes, laissées dans l'indifférence de
l'anonymat.
Ma vie n'a pas plus de prix qu'une autre. Elle n'en a pas moins non
plus. En tout cas, elle n'a pas l'innocence de l'enfance. J'ai
suffisamment vécu pour me savoir complice du mal qui semble, hélas,
prévaloir dans le monde et même de celui-là qui me frapperait
aveuglément. J'aimerais, le moment venu avoir ce laps de lucidité qui me
permettrait de solliciter le pardon de Dieu et celui de mes frères en
humanité, en même temps que de pardonner de tout cœur à qui m'aurait
atteint. Je ne saurais souhaiter une telle mort. Il me paraît important
de le professer. Je ne vois pas, en effet, comment je pourrais me
réjouir que ce peuple que j'aime soit indistinctement accusé de mon
meurtre. C'est trop cher payer ce qu'on appellera, peut-être, la « grâce
du martyre » que de la devoir à un Algérien, quel qu'il soit, surtout
s'il dit agir en fidélité à ce qu'il croit être l'Islam.
Je sais le mépris dont on a pu entourer les Algériens pris globalement.
Je sais aussi les caricatures de l'Islam qu'encourage un certain
islamisme. Il est trop facile de se donner bonne conscience en
identifiant cette voie religieuse avec les intégrismes de ses
extrémistes. L'Algérie et l'Islam, pour moi, c'est autre chose, c'est un
corps et une âme. Je l'ai assez proclamé, je crois, au vu et au su de ce
que j'en ai reçu, y retrouvant si souvent ce droit fil conducteur de
l'Évangile appris aux genoux de ma mère, ma toute première Église.
Précisément en Algérie, et, déjà, dans le respect des croyants
musulmans. Ma mort, évidemment, paraîtra donner raison à ceux qui m'ont
rapidement traité de naïf, ou d'idéaliste : « Qu'il dise maintenant ce
qu'il en pense ! » Mais ceux-là doivent savoir que sera enfin libérée ma
plus lancinante curiosité. Voici que je pourrai, s'il plaît à Dieu,
plonger mon regard dans celui du Père pour contempler avec Lui ses
enfants de l'Islam tels qu'Il les voit, tout illuminés de la gloire du
Christ, fruits de Sa Passion investis par le Don de l'Esprit dont la
joie secrète sera toujours d'établir la communion et de rétablir la
ressemblance en jouant avec les différences.
Cette vie perdue totalement mienne et totalement leur, je rends grâce à
Dieu qui semble l'avoir voulue tout entière pour cette JOIE-là, envers
et malgré tout. Dans ce MERCI où tout est dit, désormais, de ma vie, je
vous inclus bien sûr, amis d'hier et d'aujourd'hui, et vous, ô mes amis
d'ici, aux côtés de ma mère et de mon père, de mes sœurs et de mes
frères et des leurs, centuple accordé comme il était promis ! Et toi
aussi, l'ami de la dernière minute, qui n'aura pas su ce que tu faisais.
Oui, pour toi aussi je le veux ce MERCI, et cet "À-DIEU" envisagé de
toi. Et qu'il nous soit donné de nous retrouver, larrons heureux, en
paradis, s'il plaît à Dieu, notre Père à tous deux.
AMEN ! Inch'Allah ! "
Alger, 1er décembre
1993
Tibhirine, 1er janvier
1994
Christian
Homélie de
Jean-Paul
Chers camarades de
la classe 1933,
Frères et sœurs,
Un jour nous sommes nés, nous sommes venus au monde. Et chaque année
nous fêtons cet anniversaire. Voici arrivée l’année de nos 90 ans. Nous
sommes réunis pour remercier le Seigneur pour tous les bienfaits qu’il
nous a accordés au cours de ce laps de temps et pour prier, s’ils en ont
encore besoin, pour nos 12 camarades qui ont déjà rejoint la famille
céleste et pour demander leur intercession auprès de Dieu. – Dans notre
jeunesse, nous avons connu la guerre de 39/45. Puis à l’école primaire
ou au collège, nous avons appris les premiers mots de la langue
française. Certains sont entrés en apprentissage, d’autres ont poursuivi
les études. Les garçons appelés sous les drapeaux ont été envoyés en
Algérie où ils ont noué de solides amitiés et où certains ont connu des
moments difficiles voire la peur. Au retour ils se sont engagés dans la
société ; ils se sont mariés et, avec leur épouse, ont éduqué leurs
enfants avec amour et abnégation ; aujourd’hui ils sont
arrière-grands-parents. Moi, je suis resté célibataire après avoir pris
conscience que Jésus m’a appelé « viens, suis-moi ».
A tous, dans le mariage comme
dans le sacerdoce, il fallait faire des choix. Nous venons d’écouter des
paroles de Jésus qui sans doute nous dérangent :« Celui qui aime son
père ou sa mère, son fils ou sa fille plus que moi, n’est pas digne de
moi. Celui qui ne prend pas sa croix, celui qui ne veut pas risquer sa
vie à cause de moi, n’est pas digne de moi. »
Jésus adresse ces paroles à ses
apôtres qu’il a appelés à marcher à sa suite. Mais elles ont aussi une
signification, pour nous. Mal comprises elles entraînent des confusions.
Ce sont des paroles radicales que Jésus n’a pas prononcé toutes
ensemble, d’un coup. Elles nous demandent d’accorder à la fidélité en
Jésus Christ une priorité absolue. Les 4 évangiles ont été écrits à des
moments de persécution. Nombreux ont été les chrétiens qui ont dû payer
la fidélité à Jésus Christ en acceptant le sacrifice de leur vie. Mais d’une façon plus
générale et plus ordinaire, il y a dans chaque vie humaine des moments
et des circonstances où il faut savoir faire des choix et où il faut
savoir établir une hiérarchie dans nos liens affectifs.
« L’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme et ils
ne feront qu’une seule chair. » Ce sera une rupture qui peut faire mal,
mais ce sera une rupture inévitable…Et cette rupture risque encore de
devenir plus profonde, si on veut engager toute sa vie au service du
Seigneur. Mais le fait de quitter sa famille pour se marier ou pour se
donner à Dieu peut et doit garder intact notre tendresse et notre
affection pour tous nos proches. Se déclarer totalement pour Jésus
Christ doit laisser intact l’amour de nos parents et l’amour de nos
enfants.
Et puis Jésus nous parle du devoir de savoir accueillir les autres.
L‘accueil, le sens de l’hospitalité sont des exigences fondamentales du
peuple de Dieu. Il suffit de se rappeler la rencontre entre Abraham et
les trois visiteurs aux chênes de Mambré. L’attitude d’Abraham lui a
permis d’accueillir Dieu à travers les 3 visiteurs, un Dieu créateur de
vie, puisqu’il lui annonce que Sara aura un fils. Cette même leçon, nous
la retrouvons chez une femme de Sunam qui a su réserver un très bon
accueil au prophète Elisée. Cette femme se montre très généreuse envers
lui car elle a reconnu en lui un homme de Dieu. Mais elle porte en elle
une souffrance dont elle ne parle pas : elle n'a pas de fils et son mari
est âgé. Avec beaucoup de délicatesse, Élisée lui promet ce fils qu'elle
n'escomptait plus. En écoutant ce texte de la Parole de Dieu, nous
comprenons qu'accueillir l'autre c'est écouter ses confidences, partager
ses joies et ses peines, nous apprenons qu’à travers ces personnes que
nous rencontrons, c'est Dieu qui est là, c'est lui que nous accueillons
ou que nous refusons d'accueillir. L’accueil, le sens de l’hospitalité,
c’est une attitude à développer partout et toujours.
N'oublions pas : c'est à nos qualités d'amour et d'accueil que nous
serons reconnus comme disciples du Christ. Le pape François nous le
rappelle très souvent.
Tout au long de cette période d'été, période de vacances, nous aurons
l'occasion d'accueillir ou d'être accueillis en famille. Profitons-en
pour refaire nos forces, nous détendre et faire le point, pour prendre
soin de notre vie si souvent malmenée et surexcitée par des excès et des
abus.
Et que pendant ces vacances nous ayons le temps de dialoguer avec le
Seigneur et de le louer avec la création toute entière.
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