Mon
lapin a-t-il une âme
?
" Pourquoi ai-je une âme et pas mon petit lapin ? " J'entends encore le prêtre
lancer cette provocation, au milieu d'une discussion avec de jeunes étudiants en
théologie, discussion qui s'enlisait sur le thème de l'immortalité de l'âme.
Je ne doute pas, ajoutait-il, que l'homme ait une âme. Mais que répondez-vous à
ces nombreuses personnes attachées à leur petit animal, qui se posent la
question de savoir s'il ressuscitera au jour du jugement ? La grande place prise
par les toutous et matous de tout poil est telle qu'elle s'inscrit désormais
dans une optique philosophique pour les uns, spirituelle pour d'autres. Depuis
plus de dix ans, dans une église gallicane de Paris transformée en arche de Noé,
on célèbre des messes pour animaux, durant lesquelles sont bénits chiens, chats,
oiseaux, rongeurs et tortues, ainsi qu'un nombre croissant d'urnes funéraires.
De même, certains prêtres n'hésitent pas à accueillir des bêtes lors de messes
particulièrement médiatisées. Mais les animaux ont-ils pour autant une âme,
cette petite âme qui leur accorderait une place dans un paradis ? L'Eglise
catholique est plus que réservée sur ce point. Elle rappelle que l'homme, créé à
l'image de Dieu, est le gérant des animaux dont il peut se servir pour se
nourrir, se vêtir, pour ses travaux et ses loisirs (cf. Catéchisme n.° 2417).
Elle n'apporte aucune réponse sur l'immortalité des animaux. Certains
théologiens peuvent affirmer à la rigueur que les bêtes ont une place à part
dans le dessein de Dieu et participent d'une manière particulière à l'Œuvre
rédemptrice du Christ... mais quant à leur accorder une place dans le paradis
aux côtés des hommes, cela leur semble incongru. Seul l'Allemand Eugen
Drewermann, dont on sait l'art de la controverse, s'est emparé de la question :
Il n'y a pas de Dieu, s'il n'y a pas d'immortalité, écrit-il. Car s'il existait
et s'il était indifférent et insensible (...) y compris envers les plus petits
êres, il serait aussi indifférent pour nous qui pensons et sentons en dépit de
notre petitesse. Ou bien tout revient : les méduses et les mouettes, les nuages
et l'archipel, le soleil et la mer, ou bien tout est néant. Pour lui, il
importe que l'homme reprenne conscience de l'unité fondamentale de toute vie. Un
autre théologien, Charles Wackenheim, dans un touchant témoignage confié à La
Croix à la suite de la mort de sa chienne, reconnaissait que la résurrection des
morts ne pouvait se penser autrement qu'en termes relationnels, et qu'à ce
titre, les animaux qui ont contribué à façonner notre tissu relationnel
pourraient avoir part eux aussi, à leur manière, au sort promis aux hommes. De
fait, c'est le vide laissé par la mort de nos animaux compagnons, la rupture de
cette communauté d'âme, la fin d'émotions et de sentiments partagés, qui pose le
plus de questions, davantage encore que le souci de l'immortalité de leur âme.
Pascal le reconnaissait déjà : Nos amis les chiens ne nous font de la
peine que lorsqu'ils meurent.
P. Sylvain Gasser Assomptionniste
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