C'est la question que
m'ont posée, à diverses reprises, ceux qui aiment nos amis à quatre
pattes et que l'on appelle, à tort, inférieurs, car, souvent, ils nous
donnent des leçons de fidélité et d'affection, dont bon nombre d'hommes
ne sont pas capables.
Honnêtement je ne puis répondre à cette question d'une façon certaine,
car elle est l'objet de débats passionnés, de la part de ceux qui aiment
ou n'aiment pas les animaux. Leurs arguments fourbis par les uns et par
les autres ne sont pas convaincants. Cela est certain !
Par ailleurs, rien dans la Révélation de l'Ancien ou du Nouveau Testament
ne nous permet de porter un jugement adéquat sur ce problème qui reste
entier, en dépit de recherches dont il a été l'objet durant des siècles.
Tout l'Ancien Testament, en effet est orienté vers le Sauveur qui vient :
le Christ Jésus. Tout le Nouveau Testament nous parle de Lui et de
l'Église qu' Il a fondée sur Pierre et ses successeurs. Le problème
animal n'est donc pas l'objet de leur enseignement, ni dans l'un ni dans
l'autre. Il ne concerne que l'homme : le Seigneur vient le sauver du
péché et de la mort éternelle par son Sacrifice, offert à Dieu, son Père
sur la Croix la Vendredi-Saint.
Il nous faut donc chercher ailleurs afin de comprendre, d'une manière
différente, le chien que vous aimez et qui vous aime. C'est ce que j'ai
tenté de faire avec les chiens dont je m'occupe et singulièrement avec
mon couple de Bergers Allemands qui vivent avec moi depuis plus de neuf
ans.
L'Église a toujours pensé que les animaux avaient une âme, différente,
certes, de la nôtre, mais une âme quand même.
Animus = principe de vie afférent au corps, - Anima = principe de vie
supérieure qui doit normalement conduire à la participation à la Grâce
de Dieu, si elle est acceptée par l'homme qui reste libre de la refuser,
puis à la contemplation de la Trinité, dans l'éternité, après la mort.
Dans la Genèse (le premier livre de la Bible), si on lit le texte se
rapportant à la création, sans l'extrapoler, on voit que Dieu crée toute
chose par plusieurs actes d'Amour successifs l'un s'appliquant à la
matière, l'autre à la vie végétative sous diverses formes, l'autre
encore "à la vie animale également en divers modèles".
Pour l'homme, Dieu fait mieux et plus : il le crée "à son image et
ressemblance vivantes". Mais nous trouvons, de fait, chez les animaux
tout une graduation de vie qui évolue vers un plus grand
perfectionnement et une plus grande complexité physiologique, pour
aboutir à l'homme qui est tiré du "népheph" de la terre, comme les
animaux, et qui après le péché d'orgueil et la condamnation par Dieu, y
retournera par la mort naturelle.
Il y a une certaine approche que nous allons retrouver dans les
explications fournies par Saint Thomas d'Aquin dans sa Somme
Théologique.
Saint Thomas enseigne que l'homme possède trois facultés inférieures et
trois facultés supérieures. Les facultés inférieures sont : la mémoire,
l'imagination et la sensibilité. Les facultés supérieures sont :
l'intelligence, la volonté et l'amour (images, en nous, de la Trinité
des Personnes divines).
Les animaux évolués, ceux que nous considérons comme tels, parce que nous
en sommes plus près pour diverses raisons, (pas toujours
désintéressées), possèdent certainement les trois facultés inférieures :
mémoire, imagination, sensibilité. Point n'est besoin de démonstration
pour nous en convaincre. Il n'y a qu'à regarder vivre mon chien ou mon
chat, par exemple, ou tout autre animal familier qui leur ressemble.
Les animaux sont comme des enfants à qui l'on donne des habitudes et
qu'ils gardent toute leur vie, car un chien est un enfant à vie. D'où
nécessité d'y penser avant de prendre un chien chez soi. L'avantage par
rapport aux enfants, c'est qu'ils restent enfants leur vie durant, et
sont comme eux, sans arrière pensée à notre égard. Leur dépendance comme
leur fidélité sont de tous les instants, et ils en ont conscience.
L'enfant s'émancipe. L'animal pas du tout. Il faut donc le savoir quand
on adopte un chien, car il vous faudra l'assumer totalement et durant
toute sa vie : nourriture, soins, etc...
Le chien possède-t-il les trois facultés supérieures ? celles enseignées
par Saint Thomas d'Aquin. : intelligence volonté, amour.
L'intelligence : elle existe chez le chien, mais elle n'est pas
spéculative : si vous conduisez votre chien à l'école, il n'y apprendra
rien. Il ne peut pas, en effet, progresser dans aucune science. Il ne
peut pas comprendre ce que vous enseignez aux enfants. Il a par contre
un sens que l'homme a peut-être possédé et qu'il a perdu. Le chien sent
et devine à distance ce que nous ne pouvons que supputer. Est-ce là une
partie de l'intelligence ? Cela est possible, mais reste à démontrer.
L'on dit souvent d'un chien qu'il ne lui manque que la parole. C'est vrai
! Mais ce langage des chiens que nous ne saisissons pas toujours, eux en
comprennent le nôtre. J'ai constaté que si je parle de mon chien devant
lui, suivant ce que je dis, il vient vers moi ou s'en va (s'il s'agit de
soins à lui donner par exemple et qu'il n'aime pas). Je suis certain
qu'un chien que l'on va exécuter le sens très fort et en a une certaine
conscience : il souffre moralement. Regardez ses yeux : ils vous
parlent.
J'ai vu cette désolation dans les yeux d'une bergère allemande arrivée
au dernier stade d'un cancer ouvert et qui pourrissait vivante. Je l'ai
soignée comme mon enfant. Je l'ai fait endormir, puis exécuter parce que
les médicaments n'arrivaient plus à lui ôter la douleur et qu'elle ne
pouvait pas guérir. Je lui ai pris la tête dans mes mains et je lui ai
parlé jusqu'au bout. Elle me regardait confiante, puis son âme s'est
envolée vers Dieu, son Créateur.
Je pose alors la question : pourquoi Dieu détruirait-il sa création ?
Pourquoi l'anéantirait-il après l'avoir faite si belle ? Ce n'est pas
parce que je ne puis justifier l'existence de l'âme de mon chien qu'elle
n'existe pas.
Saint Paul a écrit que "toute la création gémit dans les douleurs de
l'enfantement". Pourquoi gémir si ce n'est pour donner la vie ? Certes
Dieu seul peut combler le cœur de l'homme. Y a-t-il un inconvénient d'y
joindre mon chien ? Dieu en a fait le compagnon de ma vie, mais l'a
aussi créé pour sa Gloire.
Dieu peut-il porter atteinte à cette gloire et me priver de l'amour de
mon chien et lui du mien ? L'homme seul a la possibilité de la lui
refuser. Le psalmiste nous dit que "tout être créé la chante sans fausse
note et sans interruption", pourquoi pas éternellement ?
Je ne sais si certains théologiens partageront mon point de vue, mais
aucun à ma connaissance et jusqu'à ce jour, n'a pu expliquer ce
problème. A ceux qui auraient quelque idée là dessus de la faire
connaître.
J'en profite pour ajouter, à l'adresse de certains détracteurs qui
prétendent que, si l'on s'occupe des animaux, il n'y a plus de place,
dans son cœur pour les hommes et la misère humaine. Je crois pouvoir
dire que ceux qui n'aiment pas les animaux, moins que d'autres encore
n'aiment leurs semblables. Ils ne s'aiment qu'eux-mêmes. L'amour, en
effet, n'a pas de frontière. Il n'a pas non plus de limite.
Dans sa première épître, Saint Jean écrit que : "Dieu, c'est l'Amour". Et
nous savons que Dieu est éternel et Infini. C'est pourquoi l'amour de
l'homme doit être la vivante Image de celui de Dieu. Il inclut donc en
lui obligatoirement, celui de toute la Création et donc comprendre aussi
mon chien et mon chat. Si je mesurais mon amour, en effet, c'est que je
n'aimerai pas. Et ce reproche ne serait que la manifestation camouflée
de mon égoïsme.
La volonté. Mon chien est très volontaire. Il sait ce
qu'il veut et le veut bien. Il manifeste son désir de différentes
façons, soit par des aboiements à sonorités bien précises, soit par des
gestes qui sollicitent la chose qu'il veut obtenir : manger, sortir, se
faire caresser, etc...
Cette volonté n'est pas entêtement comme parfois chez l'homme. Elle reste
soumise à celle du maître et il sait qu'en insistant, il obtiendra ce
qu'il désire, car il se sait aimé de lui.
Je pense que l'homme, avant la chute originelle, était de la même manière
soumis à Dieu dont il se savait aimé et qu'il aimait aussi sans arrière
pensée, comme le chien.
Nous touchons là au mystère de la liberté et du mal. La liberté ne
consiste pas à choisir indifféremment le bien ou le mal, mais à opter
volontairement pour le Souverain Bien qui est Dieu pour l'homme.
Si l'homme a été créé libre par Dieu, le chien reste dépendant de Dieu
comme cause première et de son maître comme cause seconde. Fasse le Ciel
que cette cause seconde "colle" totalement à la Cause première, alors
nos animaux seront heureux de vivre.
Le cœur, symbole de l'amour.
Le chien aime passionnément son maître. Certains même n'aiment que lui.
Il l'aime d'une façon tout à fait désintéressée, comme ne le font pas
toujours certaines personnes. C'est un amour à l'état pur, si j'ose
dire, c'est à dire sans aucune arrière-pensée, sans intérêt, sans
parfois aucune espérance de retour.
Le chien persécuté aime son maître et se soumet à lui, en tout, même à la
mort. Le chien lèche la main qui l'a battu. Le petit enfant seul est
capable d'amour pur. Les hommes aussi, mais cela reste exceptionnel. Il
y a souvent chez lui des arrière-pensées d'intérêt ou d'orgueil qui
dénaturent chez lui l'amour véritable. Il y a chez l'homme aussi et de
plus en plus une confusion très grande entre l'amour et le plaisir ou la
passion.
Le chien possède une nature équilibrée. L'homme rarement. C'est ici les
conséquences de sa révolte contre Dieu au début du monde. Le chien qui
se rebelle contre son maître, c'est parce qu'il ne se sent plus aimé de
lui. Dans sa vie de relation, le chien défend son maître et est prêt à
se faire tuer pour le défendre ou à mourir pour le sauver (de la noyade,
par exemple).
Il y a quelques années (avril 1987), à l'orée de ma paroisse, vivait un
vieux monsieur seul avec son chien, un beau berger allemand. Ses voisins
ayant constaté son absence prolongée, après quelques jours, alertèrent
les pompiers. Ceux-ci ayant ouvert la porte de la villa, trouvèrent le
vieux monsieur couché mort étendu sur son lit. Son berger allemand était
allongé sur son corps. Personne ne put l'approcher. Il fallut abattre le
chien pour enterrer le cadavre.
Au cours de l'été 1987, des dames qui nourrissaient des chats dans le
cimetière Saint Pierre à Marseille, firent venir la fourrière municipale
pour attraper un chien qui mangeait la nourriture qu'elles apportaient
pour les chats, afin de stopper le "vol" du chien. L'intelligence du
conservateur du cimetière empêcha l'assassinat prémédité du chien, car
ce monsieur savait que ce fidèle compagnon couchait sur la tombe de son
maître, mort depuis quelques mois. Le chien l'attendait...
Ces deux exemples d'amour que les chiens ont pour leurs maîtres, un amour
qui heureusement existe aussi chez l'homme, mais pas tous, montrent bien
que le chien sait aimer. De nombreux exemples pourraient confirmer ce
constat.
La conclusion de cette étude un peu longue, nous ramène à notre point de
départ. Oui, le chien a une âme, mais différente de la nôtre par
certains côtés. Nous ne pouvons pas, avec certitude, préciser lesquels,
mais elle existe réellement.
Est-elle immortelle ? La vision béatifique pour l'homme doit combler son
cœur éternellement. L'Église l'enseigne et nous devons le croire. Mais
la présence de mon chien contemplant, avec ses seules possibilités de
connaissance, telles que les lui a données et appliquées son maître sur
la terre, troublerait-elle la mienne si je l'avais à côté de moi quand
je serai moi-même auprès du Seigneur ?
"Toute la création - Saint Paul dit toute - gémit dans les
douleurs de l'enfantement", c'est à dire : dans le désir de voir Dieu.
Mon chien fait partie de la création, est une créature sortie de Dieu.
Alors ?
Auteur inconnu
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