Quels événements marquent les débuts ?
Le christianisme s’apparente d’abord à un mouvement de renouveau du
judaïsme, nourri d’attente messianique. Une poignée de disciples de
Jésus proclament leur expérience pascale, recueillent ses paroles et
partagent le pain en mémoire du crucifié qui leur est apparu ressuscité.
Née en Judée, enracinée dans la foi et la culture juives, l’Église se
développe très vite dans la culture gréco-romaine. De petites
communautés de croyants – juifs ou non – se forment. Dès la fin du Ier
siècle, son centre de gravité n’est plus Jérusalem, mais Antioche,
Éphèse, Alexandrie et Rome. Les Évangiles ont alors trouvé leur forme
définitive et les lettres de Paul circulent.
Au milieu du siècle suivant, le christianisme a rompu le cordon
ombilical le reliant au judaïsme. La communauté a fixé ses rites, s’est
structurée et dotée d’une hiérarchie. Confrontée aux controverses
trinitaires mettant en cause la divinité du Christ, elle commence, avec
les Pères de l’Église, à formuler des dogmes et élaborer une théologie,
quitte à marginaliser certains courants. Quand les persécutions prennent
fin, l’ascétisme remplace le martyre comme idéal de sainteté ; il donne
naissance au monachisme qui, apparu au IVe siècle dans le désert
d’Égypte, se répand en Occident. Pendant les premiers siècles, les
cités, siège de l’évêque, ont été les lieux de rassemblement des
communautés. Avec l’évangélisation des campagnes, celles-ci se
structurent en paroisses. L’adhésion de l’empereur Constantin (274337)
à la foi chrétienne marque un tournant. Protecteur de l’Église, il donne
l’impulsion décisive qui, en 380, sous Théodose, va faire du
christianisme la religion officielle de l’Empire romain et impose un
rapport nouveau entre Église et pouvoir politique.
Quelles évolutions au Moyen Âge ?
La première moitié de cette période longue de dix siècles correspond à
un temps de consolidation et d’expansion. Le monachisme bénédictin y
occupe une place de premier plan : au fil des siècles, les monastères
s’impliquent dans l’Église, la société féodale, l’ordre seigneurial.
L’œuvre missionnaire se poursuit. À la fin du Moyen Âge, la découverte
de l’Amérique lui ouvrira un nouvel horizon. Le christianisme aura alors
connu sa première grande rupture. En 395, les aléas de l’histoire ont en
effet laissé face à face l’empire d’Orient, avec pour capitale
Constantinople la grecque, et l’empire d’Occident, avec Rome la latine.
Les différences entre chrétiens d’Orient et d’Occident, politiques et
culturelles, puis théologiques et liturgiques, vont se focaliser en 1054
sur deux questions (autorité du pape et nature du Saint-Esprit) et
aboutir à un schisme. Ce dernier aurait pu être dépassé s’il n’y avait
eu les croisades, avec leur cortège de massacres, envenimant pour des
siècles les relations entre les « deux poumons» chrétiens, mais avec
juifs et musulmans. Cette rupture n’empêche pas la chrétienté d’être, au
XIIIe siècle, à son apogée. C’est le temps des cathédrales, des sommes
théologiques – dont celle de Thomas d’Aquin – et des premières
universités. Des hérésies surgissent, contrées par la répression mais
aussi par la naissance des ordres mendiants, principalement les
franciscains, fondés par François d’Assise (1181-1226) et les
dominicains de Dominique de Guzman (1170-1221), qui, attentifs aux
pauvres et rompus à la prédication, opèrent une révolution évangélique.
La voie mystique, développée dans les Églises d’Orient, prend aussi son
essor en Occident.
Quelles questions apportèrent les temps modernes ?
Au début du XVIe siècle, Luther (1483-1546) dénonce l’immoralité des
prêtres, l’autoritarisme de Rome, le système des indulgences qui laisse
croire aux fidèles qu’ils peuvent acheter leur place au Paradis, mais
aussi il propose une nouvelle manière de parler de Dieu comme salut et
miséricorde. Excommunié en 1521, il est la figure emblématique de la
Réforme qui, en un quart de siècle, s’étend en Europe. En Angleterre, le
roi Henri VIII donne naissance à l’Église anglicane, à mi-chemin entre
catholicisme et protestantisme. Le renouveau catholique se fera avec la
Contre-réforme: éclosion de nouveaux ordres religieux – notamment la
Compagnie de Jésus, fondée par Ignace de Loyola – et mise à jour des
anciens, travail du concile de Trente (1545-1563) pour réagir aux points
de controverse avec les protestants (rôle de Dieu et de l’homme dans le
salut, rapport entre Écriture et Tradition, sacrements, caractère
hiérarchique de l’Église). Une lutte fratricide a opposé protestants et
catholiques, doublée d’une compétition sur le terrain de
l’évangélisation.
Comment le christianisme vit-il les bouleversements des deux derniers
siècles ?
Trois papes successifs illustrent le difficile dialogue entre le monde
moderne et l’Église catholique. Pie IX promulgue le Syllabus ,
une liste des «80 erreurs contemporaines » ; Léon XIII, à
l’inverse, s’attaque à la question sociale avec l’encyclique Rerum
novarum (15 mai 1891) ; Pie X condamne « le modernisme » et fait
entrer la théologie dans une ère de glaciation.
Au XXe siècle, le concile Vatican II (1962-1965) réalise une nouvelle
mise à jour. Externe : c’est le changement du rapport de l’Église au
monde. Interne: c’est la réforme de l’Église, l’apport essentiel se
cristallisant dans sa définition comme « peuple de Dieu ». Durant la
même période, l’exégèse historico-critique modifie la lecture des textes
sacrés; de nouvelles figures de sainteté vont être reconnues pour leur
humilité ou leur voie d’enfance spirituelle; la mission évolue, mettant
l’accent sur l’inculturation de la foi et le partenariat Nord-Sud.
Enfin, le pentecôtisme, né aux États-Unis au début du XXe siècle, va
jouer un rôle considérable de renouvellement spirituel, dans le monde
protestant comme dans le monde catholique.
MARTINE DE SAUTO
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À la recherche de rapprochements entre croyants
> L’œcuménisme
Depuis les déchirures du XIe siècle avec l’Orient et du XVIe au sein de
l’Occident, des initiatives ont voulu remédier à la séparation des
confessions chrétiennes. Au X Xe siècle, la conférence missionnaire
protestante d’Édimbourg (1910) marque le coup d’envoi de l’œcuménisme
contemporain ; des délégués de ce qui ne s’appelle pas encore le «
tiers-monde » y déplorent que les missionnaires se préoccupent plus de
leurs querelles de chapelles que de l’annonce de l’Évangile. Le Conseil
international des missions naît en 1921. Le second défi viendra avec la
Première Guerre mondiale qui voit s’affronter des chrétiens de toutes
confessions. Ce contre-témoignage suscite les conférences de Stockholm
sur « le christianisme pratique » (1925) et de Lausanne sur «
la foi et la constitution de l’Église » (1927). Dernier défi : les
idéologies et les régimes totalitaires entraînent, en 1948, la création
du Conseil œcuménique des Églises (COE) qui permet de passer d’un élan
porté par des individus à un mouvement porté par des Églises comme
telles. Depuis, l’œcuménisme s’est imposé comme l’une des dominantes du
christianisme contemporain. Les Églises travaillent à apurer les
contentieux et les théologiens à éliminer les points d’achoppement.
L’Église catholique, qui n’est pas membre du COE mais participe à ses
travaux, s’est investie dans des dialogues bilatéraux fructueux,
notamment avec les anglicans, les luthériens, les orthodoxes et les
Églises non chalcédoniennes. Son engagement irréversible pour l’unité
est scellé par l’encyclique Ut unum sint de Jean-Paul II (1995).
> Le dialogue interreligieux
Le COE, d’une part, et Vatican II pour les catholiques, d’autre part,
ont été déterminants pour le dialogue judéo-chrétien. Le passage
consacré aux juifs dans la déclaration conciliaire Nostra ætate
sur les religions non chrétiennes tire un trait sur des siècles de
persécution et de mépris. Jean-Paul II a beaucoup fait pour approfondir
ce dialogue qui, selon l’organigramme romain, est du ressort de
l’œcuménisme. Un passage du même document rend témoignage à la foi des
musulmans. Jean-Paul II n’a cessé de creuser le sillon du dialogue
islamo-chrétien au cours de ses voyages apostoliques dans le monde. Avec
la rencontre d’Assise, organisée en 1986 à son initiative, a pris forme
un dialogue interreligieux multilatéral qui ne porte pas sur la foi,
mais vise un témoignage commun sur le refus de la guerre, le respect des
droits de l’homme, la préservation écologique de la planète.
M. DE S. |