NOTRE-DAME de BIRLINGEN. – STEINBACH

 Au bord de la route qui mène de Cernay à Steinbach tout près de l’Erzbach, entourée de prés, de champs s’élève une chapelle, sortie des ruines de la guerre et rappelle un lieu de pèlerinage en l’honneur de la Vierge Marie.
Durant des centaines d’années les habitants de toute la région sont venus honorer Notre-Dame et implorer sa protection pour eux-mêmes et leurs biens. Cette pieuse tradition doit ressurgir pour que les croyants, fidèles à l’exemple des leurs aïeux y retrouvent une nouvelle chapelle, but de pèlerinage auprès de la Vierge.
Pour la première fois, nous trouvons le nom de Birlingen dans un document du Comte Théobald de Ferrette en l’an 1295, en faveur du Couvent « Gottestal » (Val Dieu) où est mentionné une « Cour  von Burtlingen » (curtio) en 1435. Dans un autre document de l’abbaye de Murbach on peut lire « Curia in Burlingen » qui était étroitement uni avec le Lützeler Hof de Cernay et jouissait de nombreux privilèges entre autre celui de l’exonération de l’impôt dû à la ville de Cernay.

A la fin du 14° siècle, l’Abbaye de Lucelle au Sundgau possédait déjà des biens à Birlingen. Ainsi en 1355 on apprenait que Lucelle avait remis au Chapitre de Belfort une certaine quantité de vin, en provenance de Birlingen et recevait le droit de patronage (Patronsrecht) de la Commune de Pfaffans.
Le vignoble, alentour de Birlingen, était sans doute assez important. Une vieille tradition en témoigne puisque le prieuré Saint Morand près d’Altkirch a implanté des vignes à Steinbach. Cette paroisse avait comme patron Saint Morand, avec son bâton de pèlerin, le livre et une grappe de raisins comme emblème. Les vignerons de Steinbach n’ont pas hésité à placer sous la protection de ce Saint Apôtre du Sundgau, leurs vignes plantées sur les coteaux à droite et à gauche de ce vallon.

Quelques moines habitaient une « grangia » qui devint une dépendance de Lucelle. Dans la région de Cernay elle possédait pas mal de ressources en argent, céréales, volailles en provenance de : Uffholtz – Wattwiller - Aspach le Haut et Bas, les 2 Burnhaupt, Wittelsheim, Reiningue, Leimbach, Roderen, Michelbach près Thann, Berrwiller , Soultz. Un intendant gérait tous les biens de ce Prieuré. A Birlingen, on connaissait seulement quelques prieurs et prévôts, comme Morand STRAUSS, membre de la Confrérie de la Vierge de Cernay en 1600 – et Diebolt KAUFFMANN en 1615.
De Birlingen on ne connaît pas grand-chose. Des habitations s’étaient établies autour du Couvent, surtout des vignerons, mais qui disparaissaient bien vite durant les nombreuses guerres avant 1618.

Au 18° siècle, ainsi rapporte Schoepflin dans l’Alsace illustrée, se trouvaient deux maisons à l'endroit nommé « Pré de Birlingen ». Au 16°  siècle fut mentionnée l’existence d’un puits près de « Beurlingen » d’où partait une conduite qui alimentait en eau le Lützelerhof » de Cernay. A Birlingen, fut bientôt construit un réservoir d’eau.

Bien des légendes circulaient sur les origines de  Birlingen. Ainsi on racontait qu’une « Gnadenbild » ( image sainte) a été trouvée à l’endroit où a été érigée la chapelle, plus tard, et portée dans une église proche. Le lendemain matin l’image s’était retrouvée au même endroit. Cela s’était renouvelé deux fois. Les témoins y reconnurent un signe et construisirent un sanctuaire.
Une autre tradition relate que l’image sainte de la Vierge se serait trouvée dans une chapelle en plein champs près de Wittelsheim et a trouvé refuge, durant la Guerre à la chapelle de Birlingen. Une fois la paix rétablie, les gens de Wittelsheim recherchèrent la statue et la portèrent solennellement dans leur village. Mais trois fois de suite, la même statue se retrouvait dans la chapelle de Birlingen.

D’après une autre tradition les habitants de Wittelsheim auraient recherché la  « Gnadenbild » pour empêcher qu’elle soit déshonorée et trois fois se retrouvait à nouveau dans la chapelle.

On pense que la Tradition du pèlerinage tire son origine de cette légende.

En 1606, en la fête de l’Exaltation de la Croix, l’évêque de Bâle ( l’Alsace du Sud à cette époque faisait partie de l’Évêché de Bâle, ) Mgr von Chrysopolis Franz vint à Birlingen pour la bénédiction du sanctuaire rénové. Le sanctuaire avait été desservi par un chapelain attitré. Au 17 et 18° siècle de nombreux mariages se célébraient en cette chapelle. La plupart des époux étaient originaires de Cernay, de Thann et Steinbach.

Durant une longue période les habitants de Wittelsheim venaient  en procession à la chapelle de Birlingen pour les Rogations. On ignore pour quelles raisons ! Mais le pèlerinage de N.D. de Birlingen était bien connu dans la région. Les gens de Wittelsheim étaient fidèles à ces dévotions jusqu’à la Révolution de 1789.

A la fête de l’Exaltation de la Croix, les fidèles de Vieux-Thann venaient également en pèlerinage. On y célébrait une messe avec prédication. Les fidèles de Cernay ont été rendus attentifs par le clergé de la fête de la Dédicace de N.D. de Birlingen, le 14 septembre. En la fête de l’Assomption, les Cernéens venaient en procession à Birlingen où avait lieu une célébration.

En 1669 on mentionnait un grand pèlerinage. Le curé de S. Amarin, Johann, Michael STIPPICH, anciennement curé d’Uffholtz connaissait bien les lieux. Il  avait organisé  un pèlerinage de pénitence ( Bussfahrt) à Birlingen en la fête de Ste Marie Madeleine.

Tous les habitants de la vallée y participaient, les autorités en tête. C’est ainsi qu’on allait priant et chantant auprès de la Vierge pour faire pénitence et implorer la protection de la Mère de Dieu.

En 1791, lorsque la révolution combattait l’Église, la chapelle de Birlingen, avec ce qui existait encore du prieuré a été confisquée. Plusieurs familles en devinrent propriétaires, dont le fabricant de papier OEHL de Cernay. La statue (Gnadenbild) a été sauvée par la famille SCHNEBELEN de Cernay qui l’avait longtemps cachée sous le foin dans une grange. Ainsi elle a échappé à la colère des révolutionnaires. La tradition légendaire, certes, voulait que les gens de Wittelsheim en ont empêché la destruction et l’avaient exposée dans leur église.

Mais la famille Schnebelen s’est gardée le droit de l’orner et de l’habiller avec des ornements précieux les jours de fête et suivant l’année liturgique.

Un membre de la famille Jean-Bapt. AUGUSTIN a fait don de la statue à la paroisse de Cernay. Elle a été posée sur un autel dans la chapelle « Thiriet-Disch », ainsi appelée en souvenir d’un certain Thiriet de Remiremont dont sa femme, née Disch, originaire de Cernay voulait faire ériger un mausolée en marbre. Mais la demande avait été rejetée. La somme d’argent a alors été donnée pour l’érection d’un autel en stuc dans la chapelle de Birlingen.

On note ici que la croix sculptée dans un bois de bouleau – nommé le « Grand bon Dieu » rénovée avant la révolution a été transférée de Cernay dans la chapelle de Birlingen. Cela a été à l’origine d’un pèlerinage en l’honneur de la Croix pour tous ceux qui voulaient gagner une indulgence accordée par le Pape. En 1791, à la vente de la chapelle de Birlingen, 3 cernéens scièrent la croix en 3 parties et les cachèrent sous des décombres.

En 1818, lorsque la tempête révolutionnaire était calmée, ils la sortirent de la cachette - rénovée elle est portée dans la chapelle Thiriet-Disch – jusqu’en 1822. Puis elle a été remisée dans un grenier et oubliée. En 1838, le curé Ulmer l’a remise au Dr HENCHEL du Lüztelhof qui l’a fait élever dans une chapelle de l’Ochsenfeld.

La statue de N.D. de Birlingen est restée sur un autel latéral des l’église de Cernay jusqu’à la démolition de celle-ci en 1892. Après la reconstruction une place lui a été réservée dans une sacristie. Grâce à la générosité de la famille INGOLD, elle a enfin eut une place d’honneur dans l’église en la fête de la Nativité de la Vierge, en 1907.

Revenons à la Chapelle de Birlingen qui était devenue en 1791 bien national. Jusqu’en mai de cette année le curé de Steinbach y célébrait la messe. Le fabricant de papier OEHL la fit démolir en 1803. Le matériau a servi à construire des habitations qui plus tard servaient à loger les gendarmes de Cernay. C’est seulement après 1870 que ces logements trouvèrent un propriétaire privé. Les restes de Birling passèrent en différentes mains – ainsi le banquier colmarien MANHEIMER et 2 citoyens de Steinbach.

Sur les fondations du sanctuaire en ruines les familles Schnebelen-Augustin ont laissé construire une petite chapelle qui n’existait que jusqu’en 1826 où elle fut remplacée par une Croix.

En souvenir de ce pèlerinage la famille VALLEE de Cernay érigeait une « petite maison » à la Vierge.

En 1894 un possesseur des ruines de Birling Dominique DEIBER de Steinbach céda un morceau de terre, près du pont du ruisseau et y fit construire une chapelle plus grande dédiée à N.D. du Rosaire. Le 24 mars de cette année elle fut inaugurée et bénie. Elle cadre fort bien dans ce coin de campagne.

Vingt ans après, éclatait la guerre. La région de Steinbach a beaucoup souffert. Dès le 9 et 10 août 1914 la bataille faisait rage près de Cernay. Le combat le plus sanglant s’est déroulé les jours de Noël. Les obus tombaient sur Cernay et Steinbach. Sur la cote 425 près de Steinbach, les ruines s’amoncelaient. Des centaines de victimes  (militaires) furent ensevelies sous les décombres autour du village.

La chapelle de Birlingen fut également  fortement endommagée, se trouvant sur la route Steinbach-Cernay, tout près du front. La partie supérieure fut totalement détruite. Le sanctuaire s’élevait comme une ruine accusatrice. Les réfugiés, loin de Cernay et Steinbach, s’étaient certainement souvenu de ce cher sanctuaire où ils venaient prier la Vierge. La statue qui se trouvait dans l’église de Cernay a été sauvée par le sergent-major  ENGSTLER (un soldat allemand) qui l’avait portée à Strasbourg où elle est restée jusqu’en 1920.

Après l’armistice, lorsque les Cernéens revinrent dans leur ville en ruines, la statue revint aussi au pays et a trouvé sa place d’abord dans l’église provisoire. Et lorsqu’en 1925, l’église a été magnifiquement reconstruite, elle a été placée dans une niche artistiquement sculptée, à gauche dans la nef transversale.

En dessous on pouvait lire un Ex Voto de la famille INGOLD de Cernay, étroitement liée à l’histoire du pèlerinage.

La chapelle, en ruines, de Birlingen fut reconstruite par la Coopération de reconstruction en 1930. Les travaux furent exécutés par l’entreprise SCHLACHTER d’Altkirch. Une statue gothique de la Vierge a été l’œuvre de la firme BERGER-RUDLOFF de Colmar. Les travaux de peinture ont été confiés au peintre DICKELE de Mulhouse ( Firma Vve CLAIR) et réalisés avec beaucoup de goût.

Sur le mur du fond de la chapelle est représentée une scène qui rappelle aux visiteurs les combats sanglants de la Cote 425 et de la région de Steinbach. Ainsi la chapelle est devenue un monument rappelant le sacrifice des victimes de la guerre. Sur le côté extérieur ouest, a été scellée une pierre sortie  des ruines et qui portait cette inscription en latin «  Sous le Pontificat de Léon XIII qui a propagé la prière du Rosaire, lorsque Adolphe FRITZEN fut évêque de Strasbourg et Charles KIEFFER curé de Steinbach, la famille Dominique DEIBER a érigé cette chapelle en l’honneur de N.D. Reine du Rosaire en l’an de grâce 1894 ».

La bénédiction du nouveau sanctuaire eut lieu le lundi de Pentecôte, le 15 mai 1932, après les Vêpres. Toute la paroisse de Steinbach s’est rendue sur le lieu en procession. C’est M le Curé de Cernay, le doyen TSCHIRHART qui présidait la bénédiction. La foule recueillie suivait attentivement la cérémonie. La population était heureuse de cette belle réalisation.

M le curé GRIESHABER de Steinbach célébrait de nouveau pour la première fois la messe le 9 juin à l’occasion d’un mariage.

Ainsi la petite chapelle au bord de la route invite de nouveau le passant, le travailleur et le promeneur à une courte prière à la Vierge. De temps en temps la messe est de nouveau célébrée. De même la première procession des rogations fait halte dans cette chapelle et le Saint Sacrifice y est célébré.

Prière à N.D. de Birlingen.

"O Notre-Dame de Birlingen, vierge glorieuse, mère de Dieu, je me prosterne à tes pieds pour louer ta  bonté, te remercier pour toutes les grâces obtenues pour moi et tous ceux, qui en toute confiance se sont mis sous ta miséricordieuse protection. Obtiens-nous, je t’en supplie, ton puissant secours dans tous nos besoins, en particulier, implore pour nous auprès de ton Fils le pardon de nos péchés, préserve nous de l’enfer, éloigne de nous la foudre, la grêle, la tempête. Tu ne peux repousser notre prière confiante, ni refuser à celui ou celle  qui te prie avec humilité. Tant de fois nous avons ressenti ton intercession, ô glorieuse Vierge Marie. Bien souvent tu nous as manifesté tes tendresses dans cette sainte demeure, exaucé nos demandes. Tu n’as pas abandonné ceux qui venaient humblement te prier, malgré nos péchés. Si nous n’avions pas péché, nous n’aurions pas eu le Sauveur, et sans Sauveur pas de Mère de Dieu. Souviens-toi, ô glorieuse Vierge Marie, ouvre-nous tout grand tes bras et réconcilie-nous avec ton Fils. Viens à notre secours afin que nous puissions lui être agréables, ô Vierge  toute pure et tout aimable. Ne nous méprise pas et libère-nous de nos misères et de nos faiblesses, afin que sous ta protection nous arrivions aux joies de la Vie éternelle.  Amen !"

La voilà rénovée notre chapelle de Birlingen. Ce qu’elle a été pour nos aïeux dans les bons et les mauvais jours, qu’elle le soit aussi pour nous, un sanctuaire aimé, un havre de paix où nous pourrons nous arrêter et confier à la Mère de Dieu tout ce qui nous est cher.

Située au milieu des prés et des champs, près du vignoble, au bord de la route elle invite celui qui passe à faire une halte pour saluer la Mère du ciel.

La population de Cernay et Steinbach qui durant des centaines d’années ne formait qu’une seule paroisse sera heureuse de venir honorer la Vierge dans ce sanctuaire.

D’ailleurs Cernay possède la statue de N.D. de Birlingen découverte en 1295. Les Cernéens se feront un devoir de la sauvegarder. Avec joie et enthousiasme se recommanderont-ils à Elle. Steinbach possède la chapelle sur sa terre. Sortie des ruines elle fera refleurir, chez les habitants du village, une vie nouvelle. Elle sera pour eux source de grâces.

En même temps elle est un monument qui invitera le passant à une prière pour tous ceux qui ont laissé leur vie sur ce coin de terre durant la grande guerre.

Cette chapelle devra aussi rappeler que nous sommes tous frères dans le Christ, de nous aimer les uns les autres de cet amour qui ne connaît pas de frontières et d’être des artisans de paix.
Que N.D. de Birlingen, reine de la Paix nous entoure de sa bienveillance, protége nos villes et nos villages. Qu’elle continue à être vénérée, comme le faisait nos aïeux, eux qui l’honoraient, sous le vocable : «  Marie, secours des chrétiens ! »

 En 1994, la chapelle fut entièrement restaurée sous l’impulsion du Curé Jean-Paul FREUDENREICH, du Conseil de Fabrique présidé par Mr Gilbert ZIMMERMANN. Madame Marthe LUTTENAUER a fait don d’une statuette en bronze qui est placée dans la niche au-dessus de la porte d’entrée. L’inauguration de la chapelle rénovée eut lieu le 11 septembre 1994. Le curé Jean-Paul FREUDENREICH a présidé la célébration en présence de M Pierre TRITSCH, maire de Cernay, des membres du Conseil de Fabrique de Steinbach et de fidèles admirateurs de Marie.

Actuellement, aux fêtes mariales qui tombent en été ainsi que tous les jeudis du mois des mai, mois de Marie, une eucharistie y est célébrée.
      
P.S. Actuellement la chapelle se trouve  au milieu des habitations, le village s'étant considérablement agrandi.