Marcel Callo est le
second d'une famille de neuf enfants. Ses parents, d'origine rurale,
s'installent dans la capitale bretonne après avoir trouvé un travail
dans une usine de produits chimiques. Ils ont soin d'élever leurs
enfants dans la tradition de l'Église.
Marcel
se révèle malicieux, taquin, très affectueux et sait reconnaître ses
torts. Déjà se manifeste son talent de meneur de jeu.
A 12 ans, il
entre en apprentissage et prend à cœur son rôle d'aîné après le
départ de son frère au séminaire. Il adhère à la croisade
eucharistique, mouvement dont le but est d'apprendre aux enfants et
adolescents à faire de leur vie une prière ininterrompue, en plaçant
l'Eucharistie au cœur de toute initiative, dans un but apostolique,
selon la devise des croisés: "Prie, communie, sacrifie-toi, sois
apôtre". Puis il entre chez les scouts où il prend plaisir à
observer la loi et à participer aux activités.
Par
ailleurs, ses débuts dans l'imprimerie où il travaille comme
typographe s'avèrent difficiles, l'ambiance y est pesante. Son
dynamisme se heurte à des préoccupations beaucoup plus malsaines des
ouvriers plus âgés qui se targuent d'initier les plus jeunes. Sur
les conseils de sa mère, Marcel se tourne vers la Vierge, secours
des adolescents; cela lui vaut le surnom de "Jésus-Christ".
Malgré tous
ces obstacles, le jeune homme devient rapidement un ouvrier
compétent et honnête, apprécié de son contremaître et des jeunes
apprentis qu'il protège. Son caractère entier n'aime cependant guère
les contradictions et les résistances mais il en est conscient et
s'efforce, toute sa vie durant, de gommer ses travers.
Il quitte le
scoutisme, un peu à contrecœur, pour entrer à la JOC (Jeunesse
Ouvrière Chrétienne) où il tient à privilégier la vie spirituelle
comme source de toute action, dans un monde ouvrier très
déchristianisé. Devenu président de la section, il se dépense sans
mesure pour assumer les responsabilités pratiques et surtout morales
que cela implique.
L'armistice
de 1940 amène un grand tournant: les activités des associations sont
officiellement interdites et les sections doivent agir dans la
clandestinité; on parle alors de "JOC des catacombes".
En 1943,
Marcel perd sa sœur dans un bombardement et se voit réquisitionné
pour le STO (Service du Travail Obligatoire): malgré son déchirement
(il vient de se fiancer), il accepte de partir, d'une part pour
éviter des représailles sur sa famille, d'autre part dans une
perspective missionnaire: là-bas également l'apostolat est urgent.
Envoyé à
Zella-Melhis, il surmonte une période de détresse et de
découragement et organise peu à peu clandestinement la vie
chrétienne du groupe. Ses activités le trahissent et il est arrêté
le 19 avril 1944 parce que "trop catholique". Transféré à la prison
de Gotha avec les principaux dirigeants jocistes de Thuringe, il est
finalement envoyé successivement aux camps de concentration de
Flossenburg et de Mauthausen où il partage les effroyables
souffrances de tous les déportés et pâtit avec eux de l'affolement
des nazis devant l'alliance alliée. Souffrant terriblement de
l'estomac, il meurt d'épuisement le 19 mars 1945, assisté par un
camarade bouleversé devant son attitude digne et pleine d'espérance.
Le
rayonnement posthume de ce jeune breton ayant rejoint le Christ à 24
ans est immense, notamment chez les catholiques allemands qui
l'associent d'emblée à Edith Stein ou Maximilien Kolbe. Il est
béatifié le 4 octobre 1987 par le pape Jean-Paul II lors du synode
sur les laïcs.
"Marcel
Callo, que j'ai la joie de déclarer Bienheureux, au milieu de sa
famille, de son diocèse de Rennes et de nombreux représentants de la
JOC et du scoutisme, n'est pas arrivé tout seul à la perfection
évangélique. Une famille modeste, profondément chrétienne, l'a
porté. Le scoutisme, puis la JOC ont pris le relais. Nourri par la
prière, les sacrements et une action apostolique réfléchie selon la
pédagogie de ces mouvements, il a construit l'Église avec ses
frères, les jeunes travailleurs chrétiens. C'est en Église que l'on
devient chrétien, et c'est avec l'Église que l'on construit une
humanité nouvelle.
Marcel n'est
pas arrivé tout de suite à la perfection évangélique. Plein de
talents et de bonne volonté, il a aussi connu de longs combats
contre l'esprit du monde, contre lui-même, contre le poids des
choses et des gens. Mais, pleinement ouvert à la grâce, il s'est
laissé progressivement conduire par le Seigneur, jusqu'au martyre.
"L'épreuve a
mûri son amour personnel pour le Christ. De sa prison il écrit à son
frère, récemment ordonné prêtre: "Heureusement, il est un Ami qui ne
me quitte pas un instant et qui sait me soutenir et me consoler.
Durant les heures pénibles et accablantes, avec Lui on supporte
tout. Combien je remercie le Christ de m'avoir tracé le chemin que
je suis en ce moment".
"Oui, Marcel
a rencontré la Croix. En France d'abord. Puis -arraché à l'affection
de sa famille et d'une fiancée aimée tendrement et chastement- en
Allemagne, où il réclame la JOC avec quelques amis dont plusieurs
sont également morts en témoins du Seigneur Jésus. Pourchassé par la
Gestapo, Marcel est allé jusqu'au bout. Comme le Seigneur, il a aimé
les siens jusqu'à l'extrême et sa vie entière est devenue
Eucharistie.
"Parvenue
dans la joie éternelle de Dieu, il témoigne que la foi chrétienne ne
sépare pas la terre du ciel. Le ciel se prépare sur la terre dans la
justice et l'amour. Quand on aime on est déjà "bienheureux". Le
colonel Tibodo, qui avait vu mourir des milliers de prisonniers,
l'assistait à l'aube du 19 mars 1945; il témoigne avec insistance et
émotion: Marcel avait le regard d'un saint.
"Le message
vivant délivré par le jociste Marcel Callo nous concerne tous.
"Aux jeunes
travailleurs chrétiens, il montre le rayonnement extraordinaire de
ceux qui se laissent habiter par le Christ, et se donnent à la
libération intégrale de leurs frères.
"Aux
chrétiens du diocèse de Rennes, et dans le sillage des évêques
fondateurs Amand et Melaine, du Bienheureux Yves Maheuc, du
Bienheureux Julien Maunoir, de Saint Louis-Marie Grignion de
Montfort, de la Bienheureuse Jeanne Jugan, Marcel Callo rappelle la
fécondité spirituelle de la Bretagne quand elle sait vivre dans la
foi de ses frères.
"A nous
tous, laïcs, religieux, prêtres ou évêques, il relance l'appel
universel à la sainteté; une sainteté et une jeunesse spirituelle
dont notre vieux monde occidental a tant besoin pour continuer
d'annoncer l' Évangile "à temps et à contretemps"!"
Jean-Paul
II, 4 octobre 1987.
D'après
1600 Jeunes Saints, Jeunes Témoins - Éditions de Chiré -
François Marie Algoud