Signe de reconnaissance entre les chrétiens, cette
profession de foi s’est élaborée peu à peu, répondant aux questions
de doctrine fondamentales.
Pourquoi un Credo ?
Pour les chrétiens, le Credo est un signe de reconnaissance.
Un « mot de passe », écrit Rufin d’Aquilée (vers 345-410). Le
Credo est d’ailleurs aussi « symbole » : ce mot, qui vient du grec –
syn-ballein , mettre ensemble, réunir –, désignait à
l’origine un objet (poterie, anneau ou tablette) composé de deux
parties adaptables et servant de signe de reconnaissance. «
Chaque homme ne détient la foi que comme un “symbole”, comme une
pièce incomplète et brisée, qui ne saurait trouver son unité et son
intégralité qu’en s’unissant aux autres, expliquait le
théologien Joseph Ratzinger. Pour réaliser le “symballein”,
l’union, avec Dieu, il faut nécessairement passer par le “symballein”,
l’union, avec les autres hommes. La foi demande l’unité, elle
appelle les frères dans la foi, elle est essentiellement orientée
vers l’Église. » Le Credo a donc à la fois une fonction
confessante (un témoignage de foi) et une fonction doctrinale
(l’expression abrégée de la foi). Au cours de l’histoire vont se
succéder plusieurs formulations de type soit confessant, en lien
avec les pratiques baptismales, soit doctrinal, pour définir la foi
orthodoxe face aux doctrines hérétiques.
Comment s’est-il formé ?
À l’origine, la prédication des premiers chrétiens reposait sur une
prédication relativement simple, le kérygme (du grec kêrugma
, «proclamation à voix haute») confessant que Jésus, Messie et Fils
de Dieu, est ressuscité. Au fil des siècles, pour répondre aux
questions des néophytes, cette formule s’est enrichie et a évolué
vers des formules trinitaires, intégrant des explications sur Dieu
le Père et sur le Saint-Esprit. À l’époque, ce type de brève
formulation de la foi, encore très liée aux pratiques baptismales,
pouvait varier sensiblement selon les Églises locales. Ainsi, à
Rome, la tradition évolue peu à peu. « Crois-tu en Dieu, le Père
tout-puissant? Crois-tu en Jésus-Christ le Fils de Dieu? Crois-tu au
Saint-Esprit?» , demande-t-on successivement au catéchumène,
conformément à la consigne évangélique de baptiser « au nom du
Père, du Fils et du Saint-Esprit » (Mt 28, 19). Aux IIe et IIIe
siècles, ce dialogue reçoit des ajouts qui permettent au nouveau
baptisé de préciser ce que le Christ représente pour le chrétien.
On arrive ainsi au texte exposé par Hippolyte de Rome dans sa
Tradition apostolique (lire ci-dessous) qui, au IVe siècle, perd
sa forme de questions/réponses. Du fait de la place de l’Église de
Rome, cette profession de foi se répand rapidement en
Occident, avec de légères modifications : au VIIe siècle, le Père
est confessé « créateur du Ciel et de la terre », tandis
qu’est rappelée « la descente aux enfers » du Christ, la
communion des saints et la vie éternelle. Au début du VIIIe siècle,
saint Césaire d’Arles peut ainsi citer un Credo très semblable à
celui que Charlemagne imposera à son empire un siècle plus tard et
d’où provient directement le Symbole des Apôtres. Celui-ci tient son
nom d’une légende, apparue au Ve siècle, selon laquelle chacun des
douze articles du Credo aurait été composé par un Apôtre différent.
Pourquoi deux symboles de la foi ?
En 1439, les représentants romains au concile de Florence
découvrent avec étonnement que le Symbole des Apôtres est totalement
inconnu des Grecs. L’Orient chrétien a en effet dans sa tradition un
autre texte: le Symbole de Nicée-Constantinople.
Celui-ci est issu des controverses doctrinales qui ont secoué la
chrétienté aux IVe et Ve siècles, autour de deux questions
principales: comment le Christ, Fils de Dieu, est-il lui-même Dieu,
et comment distinguer le Père et le Fils sans nier l’humanité ni la
divinité de ce dernier ?
La première étape de la formation de ce Credo se situe en 325, au
concile de Nicée : il s’agit alors de répondre à l’hérésie arienne
affirmant que le Fils est une créature du Père auquel il est
subordonné. Dans son travail, le premier concile œcuménique se fonde
sur un texte produit par Eusèbe de Césarée (probablement la
profession de foi baptismale en usage dans l’Église de Jérusalem),
qu’il va retravailler en précisant notamment que Fils et Père sont
« consubstantiels » (lire ci-dessous) . En 381, le concile
de Constantinople va à nouveau préciser ce texte en rappelant la
pleine divinité du Christ et sa complète humanité, ainsi que la
divinité et l’égalité du Saint-Esprit avec les deux autres personnes
de la Trinité. Afin de ne pas l’alourdir par de trop nombreuses
précisions, les conciles suivants (Éphèse en 431, Chalcédoine en
451) se refuseront à modifier le texte élaboré à Nicée et à
Constantinople. Après Chalcédoine, le Symbole de
Nicée-Constantinople est dès lors reçu comme règle de la foi commune
et supplante toutes les autres formules existant en Orient.
En Occident, jusqu’au concile Vatican II, le Credo de
Nicée-Constantinople sera réservé aux grandes fêtes liturgiques,
tandis que le Symbole des Apôtres était plus communément utilisé.
Aujourd’hui, ces deux formes de la profession de foi, auxquelles
s’ajoute la formulation baptismale sous forme dialoguée (utilisée
notamment lors de la veillée pascale et des baptêmes) peuvent être
indifféremment utilisées.
NICOLAS SENÈZE