La Libération de Steinbach
4 février 1945
A
partir de divers documents et des
témoignages de nombreux
Steinbachois,
Christine AGNEL, conseillère municipale,
retrace la chronologie des 2 mois et demi
qui ont précédé cette libération
Novembre
44 : Suivant l'ordre donné par Hitler, 2
mois plus tôt, de tenir à tout prix l'Alsace
et la Lorraine,les Allemands consolident
leurs positions. A STEINBACH, les tuteurs
des vignes de la Cote 425 sont coupés pour
consolider les nouvelles tranchées
construites par les Allemands sur le terrain
nivelé et défriché, entre octobre 41 et
avril 42, par des prisonniers polonais.
19
novembre : La 1ère Armée française entre en
Alsace. Les troupes foncent à toute vitesse
vers le Rhin d'une part et les Vosges
d'autre part. Le soir du même jour. La 1°
Division Blindée (commandée par le Général
Touzet du Vigier) atteint le Rhin.
21
novembre : MULHOUSE est libérée par la 1ère D.B.
(les combats durent jusqu'au 26 novembre)
Pour Cernay, STEINBACH, Uffholtz
et Wattwiller, verrou sud de la poche de
Colmar, la longue et douloureuse attente de
la libération commence. Cernay est considérée par l'état major
allemand comme un verrou stratégique de la
zone sud de la poche de Colmar. En
effet, adossés aux Vosges, Cernay,
STEINBACH, Uffholtz et Wattwiller forment un
ensemble défensif redoutable dont les points
élevés offrent à l'ennemi de solides
positions permettant de surveiller les
mouvements des troupes françaises. Les
anciens bunkers de 1914 et des champs de
mines, indétectables, renforcent ce
dispositif défensif.
23
novembre : STRASBOURG est libérée par la 2e D.B.
commandée par le Général Langlade
28
novembre : En riposte à des tirs allemands,
les premiers obus français, tirés d'Aspach,
tombent sur STEINBACH. Pendant 2 mois, des
bombardements journaliers ne cessent
d'accumuler les ruines et de semer la mort
parmi la population civile. Ce jour là. en cherchant à gagner la cave du
presbytère, Elizabeth SCHEIDLER a une
jambe sectionnée par un éclat d'obus. Elle
décédera le 30/11. Elle est la 1ère victime
civile de STEINBACH. Les villageois cherchent abri dans les
caves. Certaines familles se regroupent et
se réfugient dans la cave de la mairie-école,
du presbytère, de la villa Rollin et de la
famille Eglinger (en face de la mairie).
D'autres familles se réfugient dans les
anciennes mines du Silberthal et du
Schletzenburg ou dans les grottes des Sables
Rouges.
30 novembre : Le Generalmajor Burcky prend le
commandement de la 159e Infanterie Division,
qui fait partie de la 19e Armée Allemande,
commandée par le Général Rasp. |
Paroles de Steinbachois
Novembre 44 :
« Après la 1ère guerre
mondiale, la Cote 425 avait été laissée à
l'abandon. Une cinquantaine de prisonniers
polonais travaillaient sur la Cote 425 sous
le contrôle d'un ingénieur agronome Ils
construisaient des murets et creusaient des
fossés (dont beaucoup ont malheureusement
disparu) pour l’écoulement de l eau. Une
fois te terrain défriché, des femmes
plantaient des pieds de vignes Cela leur
procurait un revenu. ». « Les Polonais,
divisés en 2 groupes, étaient hébergés dans
2 cafés-restaurants du village et surveillés
par des sentinelles allemandes postées à
l'extérieur ».
21 novembre :
« On entendait les canons
français tonner vers Belfort et Mulhouse et
on voyait que l'armée allemande se repliait.
On ne comprenait pas pourquoi les Français
n'arrivaient pas plus vite » « Lors de leur repli, des Allemands
cantonnaient un jour ou deux dans le
village. Parmi eux, il y avait des Mongols
pro allemands qui ont vidé quelques tonneaux
de vin et ouvert quelques conserves.
Apparemment, ils n'aimaient pas le lapin,
mais pour nous c'était des conserves de
perdues. »
28
novembre : « Les gens étaient terrorisés.
Les plus âgés étaient encore traumatisés par
la guerre 14-18 » « Peu de maisons du
village possédaient une cave (maisons
Reitzer, Gasparina ...) ». « Pendant la 1ère
guerre le village avait été presque
entièrement détruit. Les habitants avaient
reconstruit leur maison avec des caves au
ras du sol, parce qu'ils n'avaient pas les
moyens de faire creuser de vraies caves et
parce qu'il n'y avait pas d'écoulement
possible.»
Peu à peu la vie s'organise dans les caves,
mines et grottes..... Les grottes des Sables Rouges hébergeaient
une vingtaine de personnes ; les caves en
contenaient souvent plus de trente. « Le soir, on se compte, avant de
s'endormir sur des sacs de pommes de terres
ou de betteraves »ou« sur des bottes de
paille ». « J'ai dormi sur 3 chaises
alignées ; d'autres personnes dormaient sur
des tables » « Nous dormions sur des planches, au dessus
de 30 cm d'eau car le fond de la cave était
inondé » « Les beaux livres, les lustres, la belle
vaisselle, l'argenterie, quelques habits
chauds, le linge étaient rangés dans la
cave. Les fenêtres de la cave et la porte
étaient obstruées par des planches et
protégées par des sacs de sable. Nous
n'avions ni électricité, ni chauffage,
simplement l'eau du puits et des chandelles.
Les beaux meubles étaient démontés dans les
pièces du haut recouverts de couvertures et
de draps. Hélas tout cela pour rien ! Tout a
été détruit !» « Au début on pensait ne rester dans les
caves qu'une quinzaine de jours, jamais 10
semaines ! » « A la lueur des lampes à carbure ou des
bougies, on joue aux cartes, on bavarde, on
se chamaille, on tricote, on coud ; des
jeunes filles confectionnent leurs costumes
d'Alsaciennes ....en prévision du jour de la
libération. On cuisine quand cela est
possible. Sinon, profitant d'une accalmie,
on rentre chez soi cuire quelque chose que
l'on mange ensuite à la cave ». Les troglodytes des Sables Rouges ne
pouvaient faire du feu que le soir car, à
plusieurs reprises les fumées avaient attiré
les tirs des français. |
Les témoignages divergent au sujet de la
position de certains canons allemands et de
leur nombre. Cela peut s'expliquer par le
fait que les Allemands déplaçaient certains
canons lorsqu'ils avaient été repérés par
les Français
• 1 canon au lieu-dit KIopfert. Le jour de
son installation, la sentinelle fut abattue
par un franc tireur. • 4 canons fixes se trouvaient rue du Vieil
Armand. Ils furent les derniers évacués. • un canon de 110 tout neuf, cadeau de Noël
de Himmler, dans un pré en haut de la rue du
152e RI. Il tira moins d'une vingtaine de fois
avant d'être détruit par un obus qui tua
plusieurs soldats allemands. • 1 canon de 150 au-dessus du parking
supérieur du plateau sportif et des petits
canons de 110 sur le parking actuel des HLM. • 1 batterie de 4 canons (ou 1 seul gros
canon ? ) sur la chemin de la Rivière,
derrière l’usine Rollin.• 3 canons de 110, mobiles, près de la ferme Ineich, rue du Seelacker.
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4 décembre
Affaiblie par des réductions
d’effectifs et par suite d’équipement
insuffisant,la 159° ID est sur la défensive.
L’artillerie est regroupée dans la zone de
Steinbach-Cernay. Une unité s’installe à Steinbach. Son PC est
la maison de la famille Waldner, l’ancienne
poste. Le Général Burcky a retiré son PC de
Thann et s’est installé à Wattwiller. Ce jour là, l'artillerie allemande,
dissimulée à différents endroits du village
tire sur la ligne de front des Alliés, qui
ripostent. Le bombardement, intense, dure
plusieurs heures et fait de nombreuses
victimes parmi les villageois et les
Allemands. La cloche de l'église sonne pour
annoncer le décès de : Martin BESSEY,
fermier, Emile GOERGLER, valet de ferme.
René KOCH, l'organiste du village, tous tués
par des éclats d'obus. Jeanne BLOSENHAUER,
grièvement blessée à la tête par des éclats
d'obus dans la cave Eglinger, décédera 9
jours plus tard.
10
décembre : THANN est libérée par les
Tirailleurs Marocains
Décembre
44 : le Reichsführer SS H.HimmIer est désigné par
Hitler pour superviser le 'Groupe d'Armée du
Rhin Supérieur' et galvaniser la résistance
allemande dans la poche de Colmar. Il se
rend à Wattwiller, siège des PC du verrou de
Cernay. C'est alors qu'apparaissent, sur les
murs de quelques maisons de STEINBACH, des
slogans de la propagande nazie, destinés
davantage à redonner courage aux Allemands
qu'à convaincre les villageois.
|
Paroles de
Steinbachois
« Au début, on n'a pas
vraiment souffert de la faim. Il restait des
vaches pour le lait. Quand le bétail était
tué par des éclats d'obus, cela fournissait
de la viande à n'en plus finir. Les récoltes
avaient été faites et stockées à la cave en
prévision des jours difficiles. Jamais les
caves n'avaient été aussi pleines de
provisions. Carottes, choux, pommes de
terre, pommes, confitures, fruits en bocaux,
lapins stérilisés, tonneaux de vin... ». «
Des oies, convoitées par les Allemands et
destinées à terminer en pâté pour l'occupant
avaient été cachées sous des planches dans
une cave». « On n'a jamais aussi bien mangé
! ». « II ne manquait que le pain qu’il
fallait aller chercher à Cernay. C'était
dangereux ; il fallait suivre la route (et
donc rester à découvert) car les prés
étaient minés, ou marcher dans les fossés
gelés qui bordaient les 2 côtés de la route
(on s'est souvent aplati dans les fossés en
entendant siffler les obus). Souvent une ou
deux personnes seulement descendaient
ravitailler toute une cave en pain. Parfois,
elles partaient avant le lever du jour pour
ne rentrer qu'à la nuit tombée, passant la
journée à Cernay. Là, il fallait faire la
queue et on avait du mal à trouver du pain
». Bien sûr, l'ambiance et les ressources
variaient de cave en cave. Pour certains, «
Au fond, pour vraiment dire la vérité,
c'était presque une période heureuse. On
était comme une famille, on s'entr'aidait on
se comprenait. On a ri peut-être plus
qu'avant ».
4 décembre
: « Le soir, 2 soldats, un enrouleur avec les
fils électriques sur le dos, étaient chargés
de contrôler la ligne téléphonique de
Steinbach à Wattwiller pour empêcher qu'elle
ne soit cisaillée » « Des officiers allemands mais aussi
Tchèques, Autrichiens ou du pays de Bade
étaient logés chez 1 habitant ». Des
relations "humaines" s'instaurent « Ils en
avaient plein le dos ! Ils savaient que
c'était fini pour eux ». « Nous avions chez
nous un officier allemand qui avait une
petite fille de mon âge et se montrait très
gentil envers moi. Après la guerre, il
m'envoya même un cadeau ».
Déc-44 : « II y avait des villageois qui
étaient pour les nazis. Ils avaient la
carte de membre et la rosette du NSDAP (
National Sozialistische Deutscher Arbeiter
Partei ). Les personnes qui avaient des
fonctions officielles comme le maire par
exemple, ou l'instituteur, étaient eux
obligés de porter cet insigne. » Le maire
M.Henri Blosenhauer, avait été désigné par
les autorités allemandes. Au-dessus de lui
il y avait l’Ortsgruppenleiter, un
Steinbachois, également nommé par les
Allemands. « Sentant le vent tourner il a
pris la fuite vers la fin de l'année 44 ».
Par contre, dans le compte rendu de l'un des
premiers conseils municipaux réunis après la
libération, « Le conseil constate que M.
Henri Blosenhauer a agi pour le mieux des
intérêts de la Commune et que malgré sa
situation difficile vis à vis des autorités
allemandes il a rendu de nombreux services
aux habitants de Steinbach ».
|
Les inscriptions encore
visibles sur les murs de Steinbach, 60 ans
après!
|
15 décembre
Le front est calme. Les
Allemands en profitent pour poser des mines
sur et devant la ligne de front et pour
renforcer plusieurs postes de verrouillage
en montagne.
25
décembre Noël calme. Sa messe de minuit a
été célébrée dans la cave du presbytère .
Janvier
45 La guerre est devenue le
quotidien des habitants de STEINBACH: tirs
d'armes semi-automatiques, bombardements et
dégâts de plus en plus
nombreux
7
janvier Le temps est exécrable. Il
commence à neiger et la plaine est bientôt
recouverte d’une couche de neige qui, par
endroit, dépasse 1 mètre. Cet hiver
rigoureux est le meilleur allié de
l’ennemi : il paralyse le fantassin, le
blindé, l’avion, même le mulet, précieux
élément des régiments de tirailleurs, et
rend difficile le suivi de la logistique.
Selon le Général Rasp, commandant la 19°
Armée allemande : « Qui gagnera cet hiver
gagnera la guerre ». L'ennemi ne croit pas à
l'imminence d'une attaque.
La stagnation de la situation, sans entamer
le moral des STEINBACH0IS, éloigne l’espoir
d'une libération rapide et proche.
15
janvier
Le Général De Lattre de Tassigny signe
l'ordre d'opération n° 109/DP3, Instruction
Personnelle et Secrète n° 7 pour les
généraux Béthouart et de Monsabert,
commandant respectivement les 1° et 2° Corps
d'Armée : « Le général commandant l'Armée
décide de déclencher sans délai et avec tous
les moyens dont il dispose, l'offensive
visant a réduire totalement le pont d'Alsace
».
17
janvier L’opération est montée au PC de
la 2° Division d'Infanterie Marocaine,
commandée par le Général Carpentier, et de
la 4° Division Marocaine de Montagne
(faisant partie du 1er Corps d'Armée),
commandée par le Général de Hesdin. Les
Commandos d’Afrique se voient confier une
tâche bien précise et difficile: faire
sauter le verrou de Cernay, STEINBACH, Uffholtz, Wattwiller. Dans la nuit du 17 au 18, Jean Jules
CHEVRIER, garde forestier à Cernay-STEINBACH
fait passer les lignes françaises à un
groupe d’une dizaine d’hommes (réfractaires
alsaciens et déserteurs allemands de la
Wehrmacht), en partant de la mine du Dunterloch (Donnerloch) pour arriver à
Bitschwiller.
20 janvier
A 7 h 55 : Les troupes françaises
déclenchent une offensive générale visant à
réduire totalement la poche de Colmar et à
prendre Cernay pour s’ouvrir le débouché au
nord de la Thur. Dans un vent glacial et des
tourbillons de neige, les hommes de la 4° DMM et de la 2° DIM s'élancent et remportent
d'importants succès (asile de St André et
voie ferrée Cernay-Mulhouse. Chaque pouce de
terrain est défendu par les Allemands, au
prix de combats acharnés. A STEINBACH, le
général de Hesdin est grièvement blessé par
l'ennemi au pied de la Cote 425 lors d'une
inspection des avant-fronts. Il est remplacé
par le général Bondis. STEINBACH continue à
subir des bombardements quotidiens.
Jean- Baptiste
WITZBERGER est tué, dans sa maison, par
éclats d’obus.
|
Paroles de
Steinbachois
25
décembre : « Les Allemands fêtent dignement
Noël : sapin, vin chaud, gâteaux, café et "
chocolat du Führer " . L'après-midi, ils
sont descendus à la cave nous apporter du
vin chaud, du café, du chocolat (des
friandises que nous ne connaissions plus) ».
« Le café était rationné et, le plus
souvent, ce que nous appelions café n'était
que de l'orge grillée dans une poêle ».« Dans notre cave, nous avions un sapin avec
des bougies (il y en avait toujours en
réserve) et des gâteaux ».
Janvier
45 : « Les 15 derniers jours, il ne
restait plus grand chose à manger. Dans les
caves dont les vitres avaient été soufflées,
les provisions avaient gelé ». « Quatre
semaines nous sommes restés dans la cave,
sans aller aux provisions, sans lait, sans
pain, sans viande, sans sortir à l'air.
Aujourd'hui, je me demande de quoi nous
avons vécu et quelle force de vivre nous
avions ! ».
17
janvier : « II restait peu d'hommes
dans le village. Les hommes jeunes et
valides étaient partis à la guerre,
incorporés dans l'armée allemande ; même de
jeunes garçons avaient été appelés avant
leur classe d'âge ». « Plusieurs familles
dont le mari ou un fils avait fui en France libre vivaient
dans l'angoisse d'être embarquées par " la
camionnette verte " et d'être déportées ». |
20 janvier au 9 février :
Bataille de la POCHE de COLMAR
Lent et pénible
grignotage de positions par les troupes
françaises, causant de très durs combats
sans résultats importants. De part et
d'autre, les pertes sont lourdes et les
combattants épuisés.
21
janvier La 4° DMM attaque. Le 1er R.T.M.
(Régiment de Tirailleurs Marocains) et le
1er R.T.A. (Régiment de
Tirailleurs Algériens) ont pour mission
d'envelopper Cernay par le Nord c'est-à-dire
par STEINBACH - Uffholtz - Wattwiller, à
partir de la Waldkapelle, sur le
Herrenstubenkopf. C'est le plus violent
assaut de la bataille de Cernay (185 morts
et 193 blessés parmi les commandos d'Afrique
pour cette seule journée). Le temps est de
plus en plus exécrable. Partout, l'ennemi a
durci sa défense. Le Reichsführer Himmler
souligne les résultats lamentables obtenus
par les tireurs d'élite allemands dans le
Haut-Rhin et les incite à plus de
combativité.
Pour les habitants de
STEINBACH, les conditions de vie sont de
plus en plus pénibles.
23 janvier
Malgré l’organisation
terriblement efficace de l'ennemi, la neige,
le froid et les pertes humaines subies, les
troupes françaises sont à distance d'assaut
du verrou sud de la poche de Colmar :
Cernay, STEINBACH, Uffholtz, Wattwiller.
25
janvier A STEINBACH, les Allemands se
replient sur une ligne allant des hauteurs
ouest du village à la bordure ouest de
Cernay. Terrée dans les caves ou les
grottes, la population a du mal à se faire
une idée précise de la situation militaire
et parfois même de ce qui se passe dans le
haut ou le bas du village.
|
Paroles de
Steinbachois
25 janvier
"Certains soldats Allemands
pleuraient en quittant Steinbach, surtout
parmi les jeunes. Ils partaient vers l'AmseIkopf
où les Allemands avaient beaucoup de
morts».
« On n'osait guère s'aventurer dehors de
crainte des obus ». Mais dans certains cas «
on continuait à
vaquer à ses
occupations, s'occuper des bêtes, chercher
du bois, et on ne rentrait s'abriter que
pour la nuit. « Monsieur Charles Jung, chef
du Corps des Pompiers de Steinbach, aidait
les uns à réparer leur
maison, les autres à
surveiller leurs biens ». « Les hommes qui
n'avaient pas été incorporés dans l’armée
allemande étaient réquisitionnés au service
des Allemands. Ils m'imposaient d'aller en
voiture a chevaux chercher des munitions, du
fourrage et de la marchandise à St André où
se trouvait un camp de formation,
d'entraînement et d'enrôlement dans les
Waffen SS».
Des jeunes
vadrouillaient aussi, mais évitaient de
s'aventurer en forêt après l'épisode
tragique du maquis de la Waldkpellle. La nuit, malgré le couvre-feu, on sortait
quelquefois pour aller prendre des nouvelles
de la famille ou des amis dans les
autres caves. Des fois, on allait à la
maison prendre quelques affaires, récupérer
du bois pour alimenter les poêles dans les
caves et vérifier s'il n'y avait pas de
pillages ».
|
29 janvier :
Mise en place d'un dispositif
pour faire sauter le verrou de Cernay par
une manœuvre en tenaille: le 1er RTA venant
de l'ouest de Vieux Thann, le 6e RTM du sud
vers le nord. L'opération démarre à 7h. Les
Marocains du 6e RTM s'emparent de l'Ochsenfeld
mais le 1er RTA est refoulé à la Cité
Baudry. Après de durs combats, l'Armée
française s'empare de la Cote 425 à
STEINBACH
30
janvier : La bifurcation de la route
Vieux-Thann-Cernay et STEINBACH-Uffholtz,
dont le 3e Bataillon du 1er RTA. a pour
mission de s'emparer, est prise sous le feu
de tirs d'armes automatiques et de tireurs
d'élite allemands.
Plusieurs blessés
français attendent les premiers soins au PC
de la compagnie, installé prés de la maison
Armbruster, sur le ban de STEINBACH. Ignorant le danger, le médecin capitaine
Pierre Mourier, du 3e Bataillon, portant le
brassard de la Croix Rouge, sort du véhicule
sanitaire, lui aussi très facilement
identifiable, et se met à soigner les
blessés. 5 minutes plus tard, il est tué
d'une balle en pleine tête par un tireur
d'élite. Il avait 32 ans. Il sera décoré de
la Croix de la Légion d'honneur à titre
posthume. Il repose à la nécropole
militaire de Sigolsheim. Le 4 févier 2005,
Cernay a baptisé le nouveau pont de la Thur
« Pont du médecin capitaine Pierre Mourier
».
2
février : COLMAR est libérée par la 5e DB
(commandée par le Général de Vernejoul ) et
les fantassins US . Le débordement au Nord
Est de Cernay s'accentue. Le front allemand
s'effondre devant la 1ère Armée Française.
3
février : Les tirs d'artillerie augmentent
sur Cernay mais cessent pratiquement sur
STEINBACH.
Certains villageois
pressentent qu'il va se passer quelque
chose, une attaque française d'envergure, à
la fois attendue et redoutée.
Nouvel obstacle : le
dégel transforme la Thur en un fleuve
tumultueux de 60 m de large et il n'y a plus
de ponts pour la traverser.
Dans la soirée et
pendant la nuit, la 159° ID allemande
décroche en hâte de Cernay,Uffholtz,
STEINBACH et Wattwiller en direction de
Bollwiller pour éviter un encerclement des
unités du 1er corps, la 4e DMM et la 2e DIM.
|
Paroles de
Steinbachois
03 février :
Tous les témoignages insistent
sur le calme qui régna ce jour là. « On se
disait : II va se passer quelque chose ». «
Les pièces d'artillerie avaient été
retirées. Du couloir, j'ai entendu un
officier allemand dire : un ordre, c'est un
ordre ». « Dans la soirée, les Allemands
vêtus de leur tenues blanches de camouflage,
sont partis en colonne, emportant leurs
blessés et leurs canons ». |
Dimanche 04 février :
Entre 3 et 4 h du matin, la
Werhrmacht fait sauter plusieurs ponts dont
2 du Steinbachruntz, sur le ban de
STEINBACH.
A 4h du matin, des
patrouilles lancées à l'Ouest de Cernay ne
trouvent plus de contact: l'ennemi fait
retraite
Vers 8h, le 6e RTM
entre à Cernay par le sud et le 1er RTA
occupe la cité Baudry puis coupe à gauche
sur STEINBACH, Uffholtz, Wattwiller.
Entre 9 et 10h, STEINBACH est libéré par le
1er RTA.
Le 1er R.T.A ne fait que
traverser STEINBACH avant de foncer sur Soultz, Guebwiller et Rouffach. Selon le
plan du Général Bondis, le 1er RTA et la 4e
demi-brigade de chasseurs, sous les ordres
du colonel Guenin, sont chargés de couvrir
le flanc gauche de la division et de boucler
la route des Crêtes à STEINBACH et Uffholtz.
|
Steinbach
est enfin libéré après 5 années de
cauchemar.
Le 19 février 1945, « le conseil
municipal de Steinbach, dans sa première
séance tenue après la libération, exprime sa
reconnaissance et celle de la population au
Général de Gaulle, chef du gouvernement
provisoire de la République Française, et à
la 1° Armée Française.
|
Récit composé à
partir de différents témoignages.
Dimanche 04
février : « Environ 2 heures avant
l'arrivée des troupes françaises, un drapeau
blanc a brièvement flotté sur le clocher de
l'église. C'était risqué car les Allemands
n'étaient pas encore tous partis ».
C'est un matin
calme. La neige commence à fondre. Des
fidèles se rendent à la cave du presbytère
où Monsieur le curé Dornstetter célèbre la
messe. Vers 10h, la nouvelle se répand : «
Les Français arrivent » Monsieur le Curé
écourte son sermon pour voir les
libérateurs. Craignant des combats et des
victimes la plupart des habitants restent
chez eux ou dans les caves et, finalement,
peu de Steinbachois assistent à l’arrivée
d'une poignée de soldats algériens,
emmitouflés. Menés par un lieutenant
alsacien, ils remontent la rue de la Loi,
passent devant le Monument aux morts puis
avancent dans la Grand' Rue en colonne
rasant les murs, fusils pointés, inquiets de
savoir s'il reste des Allemands. De fait, du
haut du village des fuyards retardataires
tirent quelques coups de feu pour protéger
leur fuite. Il n'y aura aucune victime.
Un habitant du village
indique aux soldats français le chemin à
prendre.
D'autres troupes
françaises arrivent de Vieux-Thann par la
Cote 425, accompagnées de mulets chargés de
matériel. Au Monument aux Morts, une
altercation s'élève entre pro-nazis et
pro-français. L'officier français calme les
esprits. C'est sans violence que STEINBACH
est libéré. Peu à peu, les villageois,
d'abord craintifs, sortent des maisons, des
caves et des grottes où ils se terraient et
laissent enfin éclater leur joie. Un soldat
offre une savonnette parfumée à une jeune
fille, les enfants reçoivent du chocolat les
hommes des cigarettes et des rations de
gâteaux secs. Pour certains habitants,
occupés à fouiller les restes de leurs
maisons à la recherche de quelque chose à
sauver, l'arrivée des libérateurs passera
presque inaperçue.
Le même jour, un
habitant de Steinbach, dénoncé comme
collaborateur, est arrêté et emmené à
Cernay. II est abattu le lendemain, dans un
chemin creux d'UffhoItz. Tentait-il de
s'évader, en pantoufles et sabots ou a t'il
été exécuté ? Tous les témoignages
s'accordent à reconnaître que « Ce n'était
pas un mauvais bougre ! ».
Deux jours plus tard,
d'autres troupes françaises et
nord-africaines s'installent à Steinbach.
L'école est réquisitionnée. Les
soldats partagent leurs denrées alimentaires
américaines avec les habitants : un jambon au goût
inhabituel, des pommes de terre en petits
carrés secs. Ils ne sont pas insensibles au
charme des jeunes Steinbachoises qui, vêtues
du costume traditionnel, posent avec eux sur
les photos Après quelques nuits passées chez
l'habitant, les soldats repartent, acclamés
cette fois par tous les villageois sortis
pour les saluer.
|
Pendant longtemps, les
STEINBACH0IS subiront les séquelles de ces
mois d'épreuves:
chagrin à la perte
d'êtres chers, dépressions, angoisse en
entendant des bruits qui rappellent la
guerre (sirène de l'usine Rollin , avions
volant bas), conditions de vie difficiles
dans des maisons détruites ou des
baraquements en bois (souvent montés près
des maisons en ruines).
Certaines familles sont provisoirement
relogées à l'école.
STEINBACH a été particulièrement
touché (pratiquement quotidiennement) par
l'artillerie française durant les mois de
résistance de l'armée allemande. Plusieurs
maisons ont été entièrement détruites.
Presque toutes les maisons, ainsi que
l’église et l'usine Rollin, ont été plus ou
moins endommagées.
Selon les chiffres
communiqués après la guerre par le Ministère
de la Reconstruction et de l'Urbanisme,
STEINBACH a été détruit à 41% (contre 32%
pour Uffholtz, 25,5% pour Cernay et 12,4%
pour Wattwiller)
|
Paroles
de
Steinbachois
Après la libération :
« Que des tas de
gravats, cave sans porte, plus de vitres,
plus rien à manger. Il faut vivre sans eau,
sans gaz, sans rien ».
|
STEINBACH n'échappa pas
à l'épuration. L'administration allemande
fut remplacée par un groupe de FFI plus ou
moins bien acceptés par les villageois car,
comme partout ailleurs, si certains étaient
d'authentiques résistants, d'autres étaient
'des héros de la dernière heure'. Une
habitante du village faillit être tondue.
Avec l'accord de M. Rollin, le groupe de FFI
s'occupa pendant quelques semaines de
l'administration de la commune. |
La liste des victimes civiles de STEINBACH
ne s'est pas arrêtée à la
Libération. Beaucoup de chemins, de champs,
de prés, de parcelles de forêt étaient
minés. Il y avait par exemple un champ de
mines près de l'oratoire d'Ifis.
Dans les mois qui
suivirent la Libération,
• Auguste FRIEDRICH
et son fils Charles furent déchiquetés par
une mine en allant rechercher des conserves
en contrebas de la
Waldkapelle.
• Joseph INEICH eut la
tête et un bras arrachés en marchant sur une
mine dans un pré près de Cernay.
• Louis BECHELEN fut
tué après avoir roulé sur une mine avec son
attelage à chevaux.
• Henri ZIMMERMANN
mourut en déportation.
• Oscar BILWES avait
été tué lors d'un bombardement de l'hôpital
du Hasenrain à Mulhouse en mai 1944.
• Le jeune Antoine
SCHEIDLER, 14 ans, avait été tué, au début
de la guerre, en manipulant des explosifs.
Les victimes
militaires de STEINBACH :
Antoine BENTZ, Antoine
BOLLINGER, Albert BRENNER, Oscar BRENNER.
Louis BRUN, Léon GRIBLING, Aimé KESSLER.
Alphonse KOENIG, Marcel KOLB, Henri
KUENEMANN, André LUTTENAUER, Louis
ROTHENBURGER, André WILHELM, Pierre ARNOLD,
François BECHELEN. Albert BENTZ, André BRUN,
Auguste BRUN, François BUCHBERGER, Alexandre
HEINY, Edmond LUTTENAUER, André
MULLER, Pierre WALTER et Lucien LUTTENAUER.
22 de ces 24 victimes
ont combattu et sont mortes sous l'uniforme
allemand.
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REMERCIEMENTS
Mes plus vifs
remerciements :
• à M. André WALDNER
qui a spontanément mis à ma disposition les
nombreux documents à partir desquels j'ai
tenté de reconstituer cette chronologie. • à M. Claude GRIBLING qui m'a permis
d'utiliser certaines photos tirées de son
ouvrage : « La libération de Steinbach vue
par un enfant de sept ans » • à Mesdames Marguerite ALBINI, Viviane
BLOSENHAUER, Angèle CAVALLINI, Marie FLURY,
Léonie HIGELIN, Laure MICHEL-BEH,
Marie-Lucie REITZER ainsi qu'à Messieurs
Fernand DEGEN, Robert HAAS, François MURER,
Raymond NAEGELEN, Fernand SCHWEITZER et
André WALDNER pour leurs témoignages et le
prêt de photos. II existe peu de photos de cette période :
Les Allemands interdisaient d'en prendre et
rares étaient les personnes qui possédaient
des appareils photos ; de plus, les
pellicules étaient difficiles à trouver à
l'époque.
Christine AGNEL
(Bulletin municipal 2005) |
Le dimanche 1
avril 1945, Steinbach célèbre "
la
Fête de la Libération."
Les maisons pavoisent. Des croix de Lorraine
ont été cousues sur les drapeaux. Le
Monument aux Morts est décoré d'une croix de
Lorraine et de branches de sapin.
Un
cortège s'organise avec, en tête, des jeunes
filles en costume traditionnel entourant le
maître, M.Rollin. Dans l'euphorie générale,
un petit Napoléon, monté sur un cheval
blanc, défile dans les rues. |
Défilé avec M Yvan ROLLIN
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Napoléon devant
le monument aux morts |
Le
monument aux morts en 1939,
avec le diable rouge |
Le même
en 1945 avec la croix de Lorraine ( les nazis ont ôté le diable rouge) |
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