L’ordination des prêtres

Ce week-end, de nombreux prêtres seront ordonnés dans les diocèses de France et du monde. Retour sur un rituel qui trouve son origine aux tout premiers temps de l’Église.


Pourquoi parle-t-on d’« ordination » ?

Dans l’Antiquité romaine, on appelait « ordre » ( ordo , en latin) chacun des corps constitués, en particulier ceux qui gouvernent : l’ ordinatio désignait donc l’intégration dans un de ces ordres. Le christianisme a repris cette appellation pour traduire le grec taxeis : il parlera ainsi de l’ordre des évêques (ordo episcoporum) , des prêtres (ordo presbyterorum) ou des diacres (ordo diaconorum) – mais aussi, aux origines du moins, de l’ordre des vierges, des veuves, des époux… L’Église parlera ainsi d’ordination pour désigner le rite liturgique d’intégration à cet ordre. Le mot est aujourd’hui réservé à l’acte sacramentel qui intègre dans l’ordre épiscopal, presbytéral ou diaconal. L’ordination « va au-delà d’une simple élection, désignation, délégation ou institution par la communauté, car elle confère un don du Saint-Esprit permettant d’exercer un “pouvoir sacré” qui ne peut venir que du Christ lui-même, par son Église » , rappelle le Catéchisme de l’Église catholique (n. 1538).

Tous les baptisés ne sont-ils pas prêtres ?

Comme l’a rappelé Vatican II, « le Christ Seigneur (…) fit du nouveau peuple “un royaume de prêtres pour Dieu son Père” (…) . Les baptisés sont consacrés pour être une maison spirituelle et un sacerdoce saint » (constitution dogmatique Lumen gentium n. 10). Mais le Concile distingue aussitôt «le sacerdoce commun des fidèles » et « le sacerdoce ministériel ou hiérarchique » , tout en précisant que « l’un comme l’autre participe à sa façon de l’unique sacerdoce du Christ » . « Alors que le sacerdoce commun des fidèles se réalise dans le déploiement de la grâce baptismale, vie de foi, d’espérance et de charité, vie selon l’Esprit, le sacerdoce ministériel est au service du sacerdoce commun, il est relatif au déploiement de la grâce baptismale de tous les chrétiens » , peut alors dire le Catéchisme de l’Église catholique (n. 1547). « Il est un des moyens par lesquels le Christ ne cesse de construire et de conduire son Église. C’est pour cela qu’il est transmis par un sacrement propre, le sacrement de l’ordre. »

Depuis quand l’Église ordonne-t-elle des prêtres ?

Dès les premières communautés chrétiennes, l’imposition des mains a été pratiquée par les Apôtres comme rite de transmission de l’Esprit Saint, en vue d’un service d’Église. Au fil de leurs pérégrinations, les Apôtres imposent ainsi les mains aux «épiscopes» («surveillants», qui donnera «évêque») et «presbytres» («anciens», qui donnera «prêtre»), à qui ils confient les communautés qu’ils viennent de créer. Au début, tout n’est pas très clair sur la répartition des tâches entre épiscope, presbytres et diacres. À la fin du Ier siècle, les Apôtres se sédentarisent et se confondent avec les évêques, qui apparaissent dès lors comme leurs successeurs. Dès le début du IIe siècle, Ignace d’Antioche (vers 110) peut décrire une Église locale organisée autour de l’évêque, entouré des prêtres et des diacres. À l’origine, en effet, l’évêque seul préside l’Eucharistie, prêche, baptise et réconcilie les pénitents, assisté des prêtres. Petit à petit, en particulier dans les villes, la multiplication du nombre de chrétiens a conduit à déléguer à des prêtres la responsabilité d’églises. La Tradition apostolique d’Hippolyte de Rome (IIIe siècle) contient la plus ancienne description du rituel d’ordination : le centre en est toujours l’imposition des mains et la prière consécratoire qui la suit.

Comment se déroule l’ordination ?

Comme aux premiers siècles chrétiens, le rite essentiel de l’ordination est l’imposition des mains par l’évêque sur la tête de l’ordinand et la prière consécratoire qui demande à Dieu l’effusion de l’Esprit Saint et des dons appropriés au ministère pour lequel le candidat est ordonné. En 1947, Pie XII a remis en lumière l’aspect central de ce geste.
D’autres rites annexes sont importants (lire ci-contre) . Ainsi la « vêture » (remise de l’étole et de la chasuble), l’onction des mains avec le Saint-Chrême (huile parfumée, utilisée aussi à la confirmation, qui consacre les mains et toute la personne du prêtre pour la sanctification du peuple chrétien à travers, notamment, la célébration des sacrements), la remise de la patène et du calice à celui qui est désormais ordonné pour présider la messe.
Autre moment important : la promesse d’obéissance. « Les prêtres ne peuvent exercer leur ministère qu’en dépendance de l’évêque et en communion avec lui , rappelle le Catéchisme de l’Église catholique (n. 1567). La promesse d’obéissance qu’ils font à l’évêque au moment de l’ordination et le baiser de paix de l’évêque à la fin de la liturgie de l’ordination signifient que l’évêque les considère comme ses collaborateurs, ses fils, ses frères et ses amis, et qu’en retour ils lui doivent amour et obéissance.» C’est pour rappeler ce lien avec l’évêque que la plupart des ordinations ont lieu autour du 29 juin, fête des Apôtres Pierre et Paul.
                                                                                                                                                                                      NICOLAS SENÈZE

 


Les conditions pour être ordonné


Ø
Selon le Code de droit canonique (1983), « seul un homme baptisé reçoit validement l’ordination sacrée » (canon 1024). Le canon 1033 demande en outre que le candidat ait reçu le sacrement de la confirmation. Par ailleurs, « le presbytérat ne sera confié qu’à ceux qui ont vingt-cinq ans accomplis et qui jouissent d’une maturité suffisante, en observant en outre un intervalle d’au moins six mois entre le diaconat et le presbytérat » (c. 1 031).
Il est par ailleurs demandé au futur prêtre de remettre à l’évêque ou à son supérieur religieux « une déclaration écrite et signée de sa propre main, par laquelle il atteste qu’il recevra l’ordre sacré spontanément et librement et qu’il se consacrera pour toujours au ministère ecclésiastique» (c. 1036). Enfin, au moment d’être admis au diaconat, il devra aussi avoir « selon le rite prescrit, publiquement devant Dieu et devant l’Église, assumé l’obligation du célibat » (c. 1037).
 
La formation nécessaire


Ø
La formation des futurs prêtres diffère parfois selon les séminaires (ou dans le cas de religieux se préparant au ministère ordonné).
Ainsi, avant le séminaire proprement dit, certains diocèses proposent une année de formation spirituelle appelée « propédeutique ». Les études du séminaire elles-mêmes se découpent en deux périodes : un premier cycle de deux ans permet au candidat de vérifier son projet, tout en recevant une première formation ; un second cycle de quatre ans a pour objectif la préparation immédiate au ministère. Entre les deux cycles, certains séminaristes font un temps de stage, soit qu’ils soient trop jeunes ou qu’ils en sentent le besoin pour vérifier leur projet : ce stage consiste en des études profanes, une expérience de coopération à l’étranger ou d’immersion dans la vie professionnelle, et peut durer un an ou plus.
C’est généralement à la fin de la troisième année du second cycle que les futurs prêtres reçoivent l’ordination diaconale. Dans certains séminaires, la dernière année peut avoir ensuite un régime différent des études classiques («année diaconale»). Elle est parfois consacrée à un long stage en paroisse (« stage diaconal »). C’est à la fin de la quatrième année du second cycle – donc au terme d’une période totale de formation d’au moins six ans – qu’a lieu l’ordination presbytérale.

  Site du journal de la Croix                                                       La Croix du 23juin 2007