Qu’est-ce qu’une paroisse ?
La paroisse est l'Eglise présente en un lieu. A ce titre, elle a
pour mission d'incarner localement les trois grandes missions de
l'Eglise: l'annonce de l'Evangile, la louange de Dieu, le service des
hommes, et tout particulièrement des plus pauvres. "La paroisse est
l'Eglise pour tout et pour tous', résume le théologien Alphonse Borras.
La paroisse a la charge d'offrir ce que l'Église juge essentiel à la
naissance à la foi chrétienne, ainsi qu'à la croissance dans la vie
chrétienne: prédication de la Parole de Dieu, célébration dominicale,
initiation à la foi ( catéchèse), accès aux principaux sacrements
(baptême, eucharistie, mariage, sacrement de la réconciliation et
sacrement des malades), célébration des funérailles, engagement
caritatif. Au 31 décembre 2006, on recensait en France 15.740 paroisses,
dont 6.628 ayant un curé résident membre du clergé diocésain. On compte
un peu plus de 300 paroisses confiées à des équipes de laïcs ( chiffres
de la Conférence des évêques de France)
Pourquoi est-elle liée à un territoire ?
Le territoire géographique est l’un des traits distinctifs de la
paroisse, même si elle ne s’y réduit pas. À la différence de nombreux
mouvements et associations d’Église, la paroisse ne repose ni sur des
affinités spirituelles ou théologiques particulières, ni sur une
composition socioculturelle unifiée. Le fait que la paroisse soit reliée
à un espace géographique a plusieurs avantages aux yeux de l’Église.
Cette territorialité est en général considérée comme le moins mauvais
moyen d’assurer une part de mixité et de diversité (sociale,
professionnelle, générationnelle…) dans l’Église. La paroisse peut ainsi
être dite « catholique » au sens plein du terme : elle est un corps
marqué par la pluralité et la diversité qui est tendu vers l’unité.
L’inscription géographique de la paroisse rappelle aussi que la
communauté paroissiale est au service de tous ceux qui habitent sur son
territoire, catholiques et non catholiques. La vie paroissiale ne peut
se réduire au simple service des plus pratiquants.
Quelles sont ses origines ?
Les origines de l’institution paroissiale remontent au IVe siècle,
époque où le christianisme a commencé à se diffuser dans l’Empire
romain. Durant les trois premiers siècles, les chrétiens étaient
principalement implantés dans les villes : le rassemblement des fidèles
et la vie chrétienne pouvaient de ce fait avoir lieu en un seul lieu,
autour
de l’évêque. À partir du IVe siècle, la croissance de la communauté n’a
plus permis cette unité personnelle et géographique.
Au fil du Moyen Âge, et tout particulièrement à partir des XIIe et XIIIe siècles, le modèle paroissial s’est diffusé,
d’abord aux environs des villes, puis dans les campagnes, sur le modèle
de l’Église diocésaine. Au XVIe siècle, le concile de Trente (1545) a
systématisé la division du diocèse en paroisses. L’institution
paroissiale a été un outil de première importance dans l’organisation de
la Contre-réforme : c’est autour d’elle que la relance de la
prédication, le renouveau de la liturgie et de la catéchèse, ainsi que
la nouvelle « cure des âmes » se sont structurés, dans un souci
d’encadrement des fidèles. En 1917, le code de droit canonique imposera
à proprement parler le quadrillage systématique du diocèse en paroisses.
Pourquoi parle-t-on de la « fin de la civilisation paroissiale » ?
L’Histoire rappelle que la paroisse est née en régime de chrétienté, qui
se caractérise par la coïncidence des différents espaces de vie (social,
culturel, politique et religieux). Jusqu’à la Révolution française, le
champ ecclésial et le champ social ont été largement superposables.
L’entrée dans la modernité, par différentes vagues – Révolution
française, industrialisation, exode rural, urbanisation –, a
progressivement entraîné un délitement du maillage paroissial. Les
sociologues parlent de « fin de la civilisation paroissiale » en
Occident pour caractériser la crise du modèle paroissial qui s’est
accentuée dans les années 1950, à la faveur de l’exode rural, puis dans
les années 1960-1970, sous l’effet de la deuxième vague de
sécularisation.
Quels sont les défis de la vie paroissiale ?
La paroisse a déjà connu plusieurs mues. La plus récente vient de
s’achever dans de nombreux diocèses, en France mais également dans de
nombreux pays occidentaux. Sous l’impulsion des évêques, un profond
remodelage du tissu paroissial a été entrepris, imposé par des réalités
internes (baisse du nombre de prêtres, vieillissement du clergé, chute
de la pratique) et externes (croissance urbaine, mobilité accélérée,
nouveaux modes de vie…). Engagé de manières différentes selon les
diocèses, ce redécoupage a globalement conduit à une diminution du
nombre de paroisses et à la constitution de « communautés de communautés
», qui regroupent parfois plusieurs dizaines de clochers. Cette réforme
a généralement été menée dans le souci d’une meilleure articulation de
la diversité des communautés chrétiennes (paroisses, mais aussi
monastères, communautés religieuses, mouvements et associations
d’Église, groupes de prières et caritatifs…) avec la réalité du tissu
social contemporain.
Les transformations de la vie paroissiale ne sont vraisemblablement pas
achevées. La diminution du nombre de prêtres imposera certainement
encore des changements dans les prochaines décennies. Aujourd’hui, de
nombreux défis doivent être relevés : inventer de nouvelles formes de
présence pour une société qui se sécularise, répondre à la demande de «
services » religieux (baptêmes, mariages…) sans s’y réduire et en
évitant une dérive gestionnaire, vivre la diversité de l’Église alors
que le goût des regroupements par affinités électives est plus fort que
jamais, devenir des lieux de convivialité tout en résistant à la
tentation communautaire, ancrer le service des plus pauvres dans la vie
paroissiale…
ÉLODIE MAUROT
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Coresponsabilité des prêtres et des laïcs
> Décrivant la paroisse, le théologien Alphonse Borras aime en
parler comme de « l’Église pour tout et pour tous »,
ajoutant « par tous » .
« Théologiquement parlant, les fidèles
qui la composent “sont l’Église” et contribuent, à ce titre, à sa
mission en ce lieu », souligne-t-il, mettant en évidence
l’importance de la coresponsabilité des prêtres et des laïcs.
En s’éloignant du modèle de la paroisse élaborée par le concile de
Trente et dominée par la figure hiérarchique du prêtre, prêtres et laïcs
ont commencé, à la suite de Vatican II, à mettre en œuvre une autre
forme de vie paroissiale, plus communautaire.
Le conseil pastoral témoigne dans les faits de cette volonté de
promouvoir le dialogue et la concertation entre prêtres et laïcs, tout
en respectant la particularité du curé qui manifeste le lien de la
communauté locale avec l’Église universelle.
Le conseil pastoral, sorte de « paroisse en miniature », a vocation à
représenter la diversité de la paroisse : ministres ordonnés (prêtres,
diacres), ministres laïcs (bénévoles ou rémunérés), personnes
consacrées, fidèles… Dans la concertation, il a la tâche de discerner
les orientations à prendre, les choix à faire pour que la communauté
paroissiale s’épanouisse et réponde à sa vocation d’être l’Église en un
lieu déterminé.
Le code de droit canonique précise que la voix du conseil pastoral est
consultative.
Mais de nombreux théologiens soulignent que le droit se situe, sur ce
point, en retrait au regard d’une conception de l’Église issue de
Vatican II, où l’ensemble des baptisés vivent du don de l’Esprit Saint.
« C’est à l’Église dans son ensemble, pasteurs y compris, de
discerner ce que l’Esprit dit à l’Église en ce lieu, souligne
Alphonse Borras (1). Négliger l’existence du conseil pastoral ou,
pire encore, la refuser idéologiquement parce qu’il ne donnerait que des
conseils (!), c’est se priver d’un moyen de réactiver sur le terrain une
dimension quelque peu négligée dans l’Église latine et que le dialogue
œcuménique nous presse d’honorer : la synodalité. »
É. M.
(1) Dans Paroisses et ministères. Métamorphoses du paysage paroissial
et avenir de la mission, sous la direction de Gilles Routhier et
Alphonse Borras (Médiaspaul, 2001). |