Paris 5 janvier.
Steinbach! Cernay! Deux noms de victoires remportées chez nous, en terre
alsacienne, en terre sacrée...
Maîtres de Thann, les Français vainqueurs à Cernay poursuivent leur
avantage sur la route de Mulhouse où la défense allemande est acharnée.
C'est le communiqué allemand qu'il faut lire pour connaître l'étendue des
succès remportés par nos chers soldats. Le voici:
Amsterdam 4 janvier.
Une dépêche de Berlin du 4 janvier transmet le communiqué officiel
suivant.
"Sur le théâtre occidental de la guerre, le duel d'artillerie est moins
violent.
L'ennemi a déployé une grande activité en Haute Alsace près de Thann.
Après un vif bombardement des hauteurs de Cernay, les Français, ont
réussi dans la soirée à s'emparer de nos tranchées sur les hauteurs, et
un peu plus tard de Steinbach que nous avons défendu avec opiniâtreté.
Nous avons repris les hauteurs de Cernay pendant la nuit par un assaut à
la baïonnette.
Le combat pour la possession de Steinbach continue.
La situation sur le théâtre oriental est sans changement."
A noter que les communiqués français et allemands sont d'accord pour
mentionner la prise de Steinbach, la prise et la reprise de Cernay.
Le communiqué français de cette nuit ajoute l'information de la victoire
finale des Français à Cernay; demain, si le communiqué allemand est
encore sincère, il la contiendra.
Lutte
acharnée.
Le plan allemand en Alsace consistait naturellement en
une offensive sur Belfort. Ce plan est pour le moment ruiné, puisque la
ligne de défense de Belfort est maintenant poussée au cœur de la Haute
Alsace.
L'ordre du kaiser de reprendre Thann à tout prix est de moins en moins
obéi. Thann, capitale provisoire de l'Alsace française, est à présent
couverte par les positions française de Steinbach et Cernay.
Les engagements qui ont eu lieu ces dernières semaines sur le reste du
front, de Cernay à la frontière suisse, se sont tous déroulés en notre
faveur. A Aspach, au sud de Cernay, à 12 kilomètres à vol d'oiseau de
Mulhouse, comme à Altkirch, nos troupes ont marqué une légère avance,
reculant toujours vers l'est la première ligne de défense de
Belfort, qui attend avec calme depuis 5 mois l'arrivée sous ses murs des
armées ennemies.
Turin 5 janvier.
D'après les informations parvenues de Bâle à la "Stampa", les Allemands
attendent avec une vive préoccupation des résultats de la nouvelle
offensive française en Alsace
On croit que si les Français parviennent à dominer définitivement
Cernay, la situation des Allemands dans toute la Haute Alsace serait
très difficile.
Des escadrilles d'avions français volent presque tous les jours sur
Mulhouse, Colmar et sur la forteresse de Neuf-Brisach.
Ils ont lancé des bombes sur les gazomètres et sur les salines de
Dieuze, en faisant beaucoup de dommages. (Stampa)
Paris, 5 janvier.
On donne de nouveaux détails sur la bataille de Steinbach, qui s'est
terminée hier, par la prise de la petite cité alsacienne:
" Le 29 décembre, dans la nuit, un fort contingent français avait réussi
à traverser la Thur, en amont de Thann. Le 30, à l'aube, un violent duel
d'artillerie s'engageait entre nos batteries et les pièces allemandes en
position sur les hauteurs de Wattwiller; l'ennemi tirait habilement et
l'épaisseur de la forêt rendait presque impossible le repérage par
avions de ses pièces.
Cette lourde tâche allait échoir à nos patrouilles. Pénétrant dans les
lignes allemandes, nos éclaireurs risquaient de tomber à chaque pas dans
une embuscade; ils battaient les sapinières. L'audace de nos chasseurs
nous permettait bientôt de découvrir l'emplacement des principales
batteries adverses, avant la fin du jour, les trois quarts des 77
prussiens étaient démontés, le reste se taisait et battait en retraite.
Extrait d'un journal.
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Au matin du 31, notre infanterie occupait la plupart des
crêtes dominant Steinbach; ce village, avant-poste de Cernay, était
l'enjeu du combat que nos troupes livraient sans trêve depuis 48 heures.
Le parlementaire envoyé par notre état-major, rentrait une heure plus
tard dans nos lignes avec la réponse allemande, à savoir que le
commandant en chef des forces adverses ne se considérait nullement comme
cerné, que la route de Sennheim restait libre pour la retraite toujours
possible et qu'en tout cas, les troupes de l'empereur se font tuer mais
ne se rendent pas. Un otage qui avait réussi à s'enfuir de Steinbach
affirmait que la veille, trente soldats du landsturm, dont l'attitude
semblait peu résolue, avaient été fusillés séance tenante sur la place
du village. Les batteries échappées de nos coups avaient rallié, pendant
la nuit, le hameau. Nul doute qu'il nous fallut conquérir celui-ci
maison par maison.
A midi nous
dévalons en colonnes éparses vers le village: les 77 ouvrent le feu,
mais le terrain n'est point pour favoriser le tir de l'adversaire. Nos
tirailleurs parviennent à moins de 300 mètres des premières bâtisses. Là
sont établis les avant-postes prussiens, une mitrailleuse placée dans le
clocher de l'église arrose la lisière des sapinières d'où il nous faudra
nous déboucher, il nous faut à tout prix enlever ce point d'appui.
Une petite ferme est là, à laquelle conduit un chemin
creux, mais la section ennemie qui en a la défense eut soin de mettre en
avant une rangée de civils, parmi les lesquels on distingue une femme
aux cheveux épars sur les épaules et les mains liées derrière le dos.
Cette nouvelle infamie a enflammé le courage de nos soldats; une
compagnie s'élance en avant à la baïonnette; le chemin de la ferme est
balayé par le feu de l'ennemi mais n'arrête les nôtres. Malgré nos
pertes, en un clin d'œil, la section adverse est cernée, la porte de la
maison est enfoncée et, à une heure, nous sommes maîtres de la ferme.
Un bon tireur.
Le hasard veut que notre nouveau point d'appui soit relié au centre de
Steinbach par une série de hangars; nous grimpons sur l'un d'eux une
mitrailleuse qui domine une tranchée ennemie à l'entrée de la rue
principale. Comme un fait exprès, des trous donnant sur les lignes
allemandes sont percés dans le mur des granges et destinés à donner de
l'air aux fourrages. Ces ouvertures sont pour nous des meurtrières
parfaites.
Un de nos meilleurs tireurs est parvenu à l'extrémité des hangars.
Dissimulé avec soin, il épaule dans la direction de la place du village.
Quelques canons sont rangés là qui tirent toujours vers les pentes le
long desquelles nos renforts et nos munitions de réserve arrivent. Notre
homme, posément, à 200 mètres, ajuste les servants prussiens, les abat
l'un après l'autre. Cet exploit qui prive la batterie ennemie de son
personnel permet à notre ligne principale de faire à nouveau un bond en
avant. Les fantassins allemands veulent prendre la place des artificiers
tombés, mais ignorant le maniement des pièces, ils perdent un temps
précieux.
A la fin de l'après-midi, une de nos colonnes parvient à se glisser sur
la droite ennemie le long du ruisseau de Steinbach; nous prenons ainsi
le village à revers.
A 5 heures, une contre-attaque désespérée de l'ennemi, au nord du
hameau, échoue piteusement; les cavaliers qui contre-attaquaient à pied
sont rejetés dans le lit du torrent où les plus atteints se noient.
Corps à corps furieux.
Le combat se poursuit farouche jusqu'au soir, toute ruelle devient
une embuscade, toute maisonnette se transforme en citadelle, la
possession d'un mur, d'une porte devient l'objet de corps à corps
furieux. L'exaspération dans les deux camps va croissant, la nuit
n'arrête pas la bataille.
A la faveur de l'ombre un des volontaires se dévoue et va mettre le feu
à une grande remise derrière laquelle s'abritent une force allemande.
Notre homme réussit sa mission et, à la lueur du foyer, nous voyons
bientôt s'enfuir les troupes ennemies.
Une de nos mitrailleuses ouvre le feu sur les fuyards et non sans
profit. Une heure plus tard, l'adversaire qui veut nous rendre la
pareille réussit à jeter des grenades incendiaires sur une de nos
granges, mais les Prussiens ont mal calculé: le vent d'ouest souffle et
rabat les flammes vers les Allemands obligeant ceux-ci à évacuer
leur première ligne de tranchées. L'incendie qui gagne atteint la
réserve des munitions qui saute avec un bruit effroyable.
Le canon n'a pas cessé de tonner sur les crêtes, les flammes projettent
de grandes ombres sinistres sur les pentes d'en face, la fusillade
crépite de toutes parts.
Le combat est tel qu'il est impossible de se rendre compte de ce qui se
passe quelques mètres plus loin; le champ de bataille se trouve limité
pour chaque soldat à une maison, à une cour, parfois à une chambre.
Article de journal sans source connue.

02.03.1916 - Steinbach: Officiers français de la 1° compagnie du
152° R.I. Le régiment réoccupe le village qu'il a conquis, au prix de
lourdes pertes, en décembre 1914. Au centre, le capitaine P.Boucher,
l'un des seuls officiers à avoir échappé à l'anéantissement du 15.2 le
22 décembre à l'H.W.K Il porte comme les autres la vareuse modèle 1913
en drap gris de fer bleuté. L'officier de droite porte sur le devant un
étui à masque à gaz.
  Source inconnue.
La prise de Steinbach. Nos progrès en Alsace du 25 décembre 1914 au
5 janvier 1915
Le fait le plus saillant de ces mémorables journées fut certainement la
prise de Steinbach par nos chasseurs: il y eu là de terribles combats.
Nos soldats avançaient avec un entrain magnifique dans la plus joyeuse
(mot illisible).... . Maison par maison, rue par rue ils conquirent une
partie du village; cependant les Allemands (mot illisible)... de ces
progrès soutenus organisèrent une très belle contrattaque et et
refoulèrent nos troupes hors du village. Sans attendre le jour, nos
vaillants chasseurs ripostèrent vigoureusement et avant l'aube ils
occupent tout Steinbach et dominent à nouveau l'ennemi. L'échec allemand
fut complet et important.
Source inconnue
Steinbach: scène de vie dans les ruines.
Les cloches se mettent à sonner à toute volée, le
dimanche 13 décembre 1914 en fin de matinée, à l'église de Steinbach. A
cet instant se déclenche un brusque bombardement de l'artillerie
française contre le village et la hauteur un peu au sud, la Cote 425.
Vers 14 heures, les 2° et 3° compagnies de 5° B.C.P. placées sous les
ordres du capitaine Willigens débouchent vers la chapelle Saint Antoine,
puis bousculent dans le village le poste de garde de la 5° compagnie
wurtembergeois L.I. 119 commandé par le sous-lieutenant Fach. De son
côté, la 1° compagnie du 5° B.C.P, appuyée par la section de
mitrailleuses et 3 sections du 213° R.I. placées sous le commandement du
commandant Colardelle, s'emparent vers 18 heures de la Cote 425 tenue
par la section du sous-lieutenant Schneider de la 5° compagnie du L.I.R
119, après un long combat dû à l'engagement de réserves allemandes du
même régiment.
La menace sur Cernay devient extrêmement pressante et le commandement
allemand fait converger en hâte d'excellentes troupes actives en
renfort, à savoir deux régiments rhénans de la division Fuchs qui
viennent juste de débarquer à Mulhouse. Dès le lendemain 14, après une
sérieuse préparation d'artillerie, les II° et III° bataillons du I.R 161
s'élancent vers le village, avec le soutien d'environ un bataillon du
L.I.R 119. Vers 16heures, Steinbach est reconquis par le lieutenant
Meyer avec la 8° compagnie du I.R. 161 Mais pour reprendre la cote 425
il va falloir engager en plus le II° Bataillon du I.R. 25. Le 15
décembre en fin d'après-midi, les Français lâchent pied après une
sérieuse résistance. Le 5° B.C.P à lui seul a perdu en trois jours plus
de 400 hommes, soit le tiers de son effectif.
De part et d'autre vont s'intensifier les
bombardements. Le commandement français veut reprendre Steinbach qui
reste encore habité par des civils, réfugiés dans leurs caves, pris dans
la tourmente qui détruit peu à peu leurs biens, et qui voient les
troupes aller et venir. Ceux qui n'ont pas fui les premiers combats
seront évacués de 30 décembre.
Tandis que les Allemands organisent la défense du village, les Français
accumulent des troupes fraîches et des canons. La bataille se déclenche
le 25 décembre. Les Français ont aligné 3 bataillons et demi auxquels
les Allemands opposent près de 5 bataillons. Par vagues successives, le
II° bataillon du 152° R.I. attaque le village de front, sans succès. Les
assauts des pantalons rouges garance viennent mourir sur les barbelés
intacts, sous le feu des mitrailleuses. Le 26, l'effort se porte sur la
Cote 425, petite colline qui va couter beaucoup de sang. Elle ne sera
prise que le 3 janvier 1915 pour être reperdue le 4. Le 30 décembre, le
capitaine Marchand prend pied avec la 7° compagnie du 152° R.I. dans les
premières maisons de Steinbach. Il va falloir conquérir le village
maison par maison. Ce n'est qu'après d'énormes efforts que le I°
bataillon du commandant Castella parvient à se rendre maître de tout le
village le 3 janvier 1915. En une dizaine de jours de bataille dans des
conditions météorologiques exécrables, le régiment I.R 161 aura perdu
près de 700 hommes hors combat, et les 152° R.I. près de 600 hommes.
L'objectif du général Guerrier, commandant la 66° D.I, de conquérir
Cernay par Steinbach-Cote 425 ne sera pas atteint, malgré de lourdes
pertes. Le village Steinbach restera français jusqu'à la fin de la
guerre, et la proximité de la Cote 425 toujours disputée lui vaudra de
fréquents bombardements.
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