Les rites religieux face à la mort

La naissance des rites funéraires est très ancienne. Dès la préhistoire, l’homme enterre ses morts, signant par là son humanité. Le christianisme, le judaïsme et l’islam, qui comportent des croyances en la résurrection, ont développé leurs propres rites de funérailles

Que prescrit la tradition juive ?

La Torah n’indiquant pas de rites funéraires particuliers, ceux-ci ont progressivement été codifiés par les rabbins. Ils ont pour but de permettre à la douleur de s’exprimer, et aux personnes endeuillées de reconnaître la souveraineté absolue de Dieu. Le défunt est allongé à même le sol, les pieds vers la porte de sortie. Il est lavé, purifié, parfumé selon un rituel précis par des membres de la Hévra kaddisha (Sainte confrérie). Il est ensuite vêtu de lin blanc – un vêtement identique pour tous. Dès lors, des veilleurs se succèdent auprès du défunt pour réciter des psaumes. Jusqu’à l’enterrement, les personnes en deuil (père, mère, fils, filles, frère, sœur, conjoint) entrent dans la période dite « de désolation » et sont dispensées d’accomplir les commandements.
L’enterrement a lieu le plus vite possible, dans un cimetière juif ou dans une section réservée aux juifs si possible. Au cimetière (étymologiquement : le lieu où l’on dort), le cortège avance au rythme de psaumes. Le rabbin dit quelques mots à la mémoire de la personne disparue. Lorsque le corps ou le cercueil est déposé, idéalement à même la terre, à au moins 1,25 m de profondeur, les pieds vers Jérusalem, il est recouvert de dalles. Des versets bibliques comme «Tu es poussière et tu retourneras poussière » (Gn 3) sont alors récités. À tour de rôle, les endeuillés jettent un peu de terre dans la tombe, puis récitent la « hashkava », prière demandant à Dieu d’assurer au disparu un destin favorable dans l’autre monde, avant de s’écarter de la tombe pour le «kaddish», prière de louange et chant d’espoir messianique. Il est alors procédé à la « Qéri’a », « déchirure » de la chemise de la personne en deuil, pour rappeler le caractère irréversible de la mort. Le repas de deuil, frugal, est obligatoire : la mort ne doit pas triompher de la vie.

Comment les musulmans accompagnent-ils leurs morts ?

Le Coran donne peu de détails en matière de rites funéraires. La seule indication ferme concerne l’inhumation. Selon les prescriptions de la Sunna, le défunt est lavé, purifié et parfumé selon un rituel précis par des personnes pieuses, du même sexe, puis enveloppé d’un linceul blanc. Ces gestes sont accompagnés de prières rituelles, dont ce verset coranique : « C’est à Dieu que nous appartenons, c’est à lui que nous faisons retour. » Le corps est présenté couché sur le dos, les bras le long du corps, la tête tournée vers La Mecque. Prêt à rejoindre Dieu, il ne peut plus être touché. Il est veillé par sa famille, avant d’être enterré si possible dans les 24 heures qui suivent le décès. Au cimetière, l’imam guide la « prière de la mort », que les fidèles récitent debout. Le corps est ensuite descendu dans la tombe, si possible à même la terre, et placé sur le côté droit, tourné vers La Mecque. Il est recouvert de dalles, puis de terre ou de sable.

Quels sont les rites chrétiens ?

Aucune prescription particulière n’est donnée à propos de la toilette funéraire dans le christianisme.

Le rituel catholique
conjugue prière pour le repos de l’âme du défunt, témoignage d’espérance pour les vivants, consolation et compassion pour ceux qui restent. La fermeture du cercueil est accompagnée d’un cérémonial d’adieu au cours de laquelle des extraits des Évangiles sont lus, par exemple Matthieu (25, 34-40) « Venez les bénis de mon Père… » . Après le « Notre Père », le prêtre prononce une ultime prière confiant le défunt à Dieu. La seconde partie du rituel se déroule à l’église. Placé près du cercueil, le cierge pascal signifie que le Christ ressuscité est l’espérance des morts et des vivants. La lecture de textes bibliques rappelle le mystère pascal, la mort et la résurrection du Christ Sauveur. La célébration de l’Eucharistie (qui, en l’absence de prêtre, est reportée à un autre jour) précède le rite du dernier adieu: encensement du corps, pour signifier qu’il a été le temple de l’Esprit Saint, suivi de l’aspersion avec l’eau bénite qui rappelle le baptême. Au cimetière, lieu d’une attente fraternelle de la résurrection, une prière lors de la mise en terre rappelle la mise au tombeau de Jésus et redit la foi en la résurrection.
Chez les protestants,
partant de la conviction que le salut est offert gratuitement aux défunts par Dieu, le rituel est destiné aux vivants. Au moment de la levée du corps et de la mise en bière, la liturgie, très courte, consiste essentiellement en la lecture d’un psaume qui parle de la tendresse de Dieu, suivie d’une prière d’intercession. La tradition protestante veut que le service funèbre – appelé « service d’action de grâces » – soit célébré après l’inhumation. Ce n’est pas pour le mort que la communauté
s’assemble et prie, mais pour la famille dans la peine. Le mort, lui, est entre les mains de Dieu. Aujourd’hui, de nombreuses familles demandent pourtant une célébration au temple en présence de la dépouille. Elle est alors d’une grande sobriété, sans rituel autour du corps. Lors de l’inhumation, le pasteur adresse aux proches une parole d’espérance et bénit l’assemblée.
Dans le rituel orthodoxe,
au moment de la mise en bière, le prêtre encense le corps ainsi que les personnes présentes, puis bénit le défunt. À l’église, le cercueil est posé de façon à ce que la tête regarde vers le Christ, pour montrer que le défunt est déjà devant la gloire de Dieu. On place dessus l’évangéliaire et l’icône de la résurrection du Christ. La cérémonie est centrée sur la proclamation de l’Évangile de la résurrection. Une dernière prière évoquant la résurrection est dite au moment de la mise au tombeau.
                                                                                                                                                                                                       
       MARTINE DE SAUTO

 

Temps du deuil et gestes du souvenir

> Pour les juifs, la durée du deuil varie selon le degré de parenté :
jusqu’à une année pour les parents. Pendant les sept premiers jours, les endeuillés ne quittent pas le domicile. Ensemble, ils se souviennent et prient. Une veilleuse brûle en permanence, symbolisant l’immortalité de l’âme. Chaque année, à la date hébraïque du décès, ils se rendent sur la tombe pour prier et allument chez eux une veilleuse. Le nom du défunt est rappelé à la synagogue avec un texte appelé hashkava (mise au repos).
Les juifs ont coutume de déposer sur les tombes trois cailloux correspondant aux patriarches Abraham, Isaac et Jacob. Ils expriment ainsi leur foi en Dieu et leur soumission à sa volonté. Dans le judaïsme, il n’y a ni culte ni fête des morts, hormis le jour de commémoration mis en place en 1951 pour les millions de morts de la Shoah.

> Dès les premiers temps du christianisme, les vivants ont prié pour les morts. Dans l’Église catholique, une messe de huitaine, de trentaine, ou d’anniversaire après le décès, permet de faire mémoire du défunt – mais aussi de Jésus-Christ, mort et ressuscité – et de solliciter la miséricorde de Dieu à son égard. Le 2 novembre, la commémoration de tous les fidèles défunts, au lendemain de la Toussaint où l’Église fête tous ceux qui partagent le bonheur de Dieu, illustre cette vision d’espérance.
> Dans la tradition protestante, le culte du souvenir célébré à l’intention du défunt est en revanche inconnu : les morts sont dans les mains de Dieu. Certains pasteurs organisent néanmoins aux alentours de la Toussaint un « office pour les familles en deuil », au cours duquel ils prononcent les noms des défunts de l’année.

> Chez les orthodoxes, l’intercession de l’Église pour les défunts est constante car la tradition orientale énonce que l’âme peut progresser vers la lumière divine, même après la mort.
> Ni le Coran ni la Sunna ne précisent la durée du temps du deuil.
Durant les premiers jours, prières et récitations coraniques se succèdent.
Après le 40e jour, quand l’âme du disparu a fait ses adieux définitifs, les proches se rendent au cimetière. Une sorte de protocole de la « visite pieuse » (ziyâra) a été établie : le fidèle se place face à la tombe du défunt, lui adresse les salutations de l’islam ( « as-salam alaykum » ) comme s’il s’agissait d’un vivant, et lui parle. Pour éviter tout risque d’idolâtrie, il est interdit de bâtir sur une tombe ou d’édifier une mosquée à proximité.
                                                                                                                                                                                                                                        M. DE S.

 

  Site du journal de la Croix                                                               La Croix du 27.10.2007