L’Eglise face au sida
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Que dit l’Église ? « Je suis spirituellement proche de ceux qui souffrent de cette terrible maladie comme de leurs familles » , déclarait Benoît XVI en novembre 2007, exhortant « toutes les personnes de bonne volonté à multiplier les efforts pour arrêter la diffusion du virus HIV, à combattre les préjugés et à prendre soin des malades, spécialement quand ils sont enfants. » C’est d’abord en termes de compassion pour les malades et leurs proches que l’Église catholique parle du sida. En cohérence avec son action : « Plus du quart des malades du sida dans le monde sont soignés par des institutions de l’Église catholique » , selon le prêtre américain Robert Vitillo, responsable depuis 1987 de la lutte contre le sida au sein de Caritas Internationalis. Qu’il s’agisse de campagnes d’information et prévention, de mise à disposition d’antirétroviraux, de soin des malades, de lutte contre la stigmatisation, de prise en charge des orphelins, ou encore d’accompagnement spirituel… toutes ces activités sont coordonnées par une Commission spéciale pour la lutte contre le sida, instituée par le Saint-Siège. Que propose-t-elle ? Parallèlement à ces actions, l’Église s’oppose à l’utilisation du condom, recommandée par la communauté médicale pour freiner la pandémie. Elle estime en effet que « la chasteté est l’unique manière sûre et vertueuse pour mettre fin à cette plaie tragique qu’est le sida », comme l’avait dit Jean-Paul II à Kampala (Ouganda) en 1993. « C’est la seule voie sans faille » , a redit Benoît XVI en juin 2005 devant les évêques d’Afrique du Sud et de Namibie. En refusant de voir dans le préservatif l’unique moyen de prévention contre le sida, ainsi que Benoît XVI l’a confirmé en prélude à son récent voyage à Yaoundé, le Vatican heurte de front l’idéologie de certains programmes internationaux, notamment ceux d’Onusida. Cependant, de nombreux théologiens, notamment l’Américain James F. Keenan, ont développé une approche graduelle de la prévention du sida, dite «ABC»: d’abord l’abstinence (pour les personnes célibataires) et la fidélité (pour les personnes mariées), certes, mais aussi le préservatif quand ces deux premières conditions ne peuvent être remplies. Cette stratégie de diminution des risques est considérée comme une réponse provisoirement tolérée pour sauver les vies des plus vulnérables: on parle alors d’une «éthique de la vulnérabilité» . Le quotidien du Saint-Siège L’Osservatore Romano y a consacré sa une le dimanche 22 mars dernier. Pourquoi l’Église proscrit-elle officiellement le préservatif ? Selon la doctrine catholique, toute relation sexuelle doit s’inscrire dans le mariage, c’est-à-dire une relation stable, fidèle et hétérosexuelle, ouverte à la procréation. En ce sens, tout moyen de contraception est proscrit. Certes, précisait l’encyclique Humanæ vitæ de Paul VI (1968), « l’Église n’estime nullement illicite l’usage des moyens thérapeutiques vraiment nécessaires pour soigner des maladies de l’organisme, même si l’on prévoit qu’il en résultera un empêchement à la procréation, pourvu que cet empêchement ne soit pas, pour quelque motif que ce soit, directement voulu.» Mais ce texte est antérieur au sida. La plupart des dispensaires tenus par des instances catholiques distribuent des préservatifs, notamment en Afrique et en Asie. En réalité, il existe un large éventail d’options pastorales, des plus souples aux plus rigoristes. En Afrique du Sud, Mgr Kevin Dowling (membre du comité directeur de Pax Christi International) a toujours préconisé le bon sens, sans que le Saint-Siège le contredise. En France, le cardinal Jean-Marie Lustiger a affirmé dès la fin des années 1980 qu’ «entre deux maux, mieux vaut choisir le moindre » . De même, le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, rappelle que «le respect du cinquième commandement (Tu ne tueras point) passant avant le respect du sixième (Tu ne commettras pas l’adultère) , la priorité est à la défense de la vie » . De fait, la plupart des dispensaires tenus par des instances catholiques distribuent des préservatifs, notamment en Afrique et en Asie. Le Vatican pourrait-il admettre le recours au préservatif contre le sida ? L’Église est consciente que son action auprès des malades du sida est largement discréditée du fait de son refus du préservatif, mal compris par l’opinion publique. En novembre 2006, à la demande de Benoît XVI, le Conseil pontifical pour la pastorale de la santé avait remis à la Congrégation pour la doctrine de la foi un document sur l’usage du préservatif dans la lutte contre le sida, au plan sanitaire et moral. Certains pensaient alors que l’Église allait assouplir son point de vue, notamment pour les couples sérodiscordants (quand un des époux est contaminé par le VIH). La fidélité dans le mariage, en effet, ne garantit pas de ne pas être infecté – l’un des conjoints étant souvent contaminé par l’autre auquel il est resté fidèle. «En cas de découverte de la contamination d’un des époux, la cohésion du couple est compromise et le maintien de la vie commune menacé, écrit le jésuite Patrick Verspieren (1), responsable du département d’éthique biomédicale du Centre Sèvres à Paris. Il serait paradoxal de formuler des réserves morales à l’emploi des préservatifs, lorsque les époux y sont prêts, sous prétexte que de tels moyens feraient obstacle à une pleine donation mutuelle des époux dans les rapports conjugaux. Ce serait même faire peu cas de la fidélité conjugale. » CLAIRE LESEGRETAIN (1) Dans la revue Études (février 2007). |
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Réaction des évêques camerounais devant la "désinformation " des médias occidentaux. |
Site du journal de la Croix La Croix du 28/29.3.2009