A Steinbach, au seuil du Silberthal,
l'or des vignes s'est substitué à l'argent des mines

et l'on y trouve active et prospère la seule fabrique de caoutchouc d'Alsace.
 
                                                        
Cet article paru dans l'Alsace date de 1952
 


Dans la paix idyllique de la montagne, à l'entrée du vallon du Silberthal, s'étale Steinbach encastré entre les pentes du Wolfskopf et de l'Amselkopf. La route qui relie le village à Cernay se rétrécit toujours  plus dans le vallon pour finir par ne plus être qu'un chemin forestier qui s'enfonce dans la verdure des bois. Steinbach n'est pas un lieu de passage; au contraire la petite commune est située en dehors des grandes voles de communication. C'est un site idéal pour ceux qui voudraient s'y reposer, mais il n'y existe pas d'hôtel.

A l'entrée de l'agglomération se dressent les bâtiments industriels de la Manufacture Alsacienne de caoutchouc Rollin et Cie où la majeure partie des habitants du village gagnent leur pain. C'est ici l'unique fabrique de caoutchouc de toute l'Alsace. Notons, en passant, que pour la France entière, on ne compte que 300 établissements de cette branche et que ceux-ci sont tous établis dans la région parisienne ou dans les environs de Clermont-Ferrand. L'affaire créée en 1851 par le grand-père des propriétaires actuels, M. Joseph Rollin. La fabrication est complète, depuis la première phase de la manutention du latex .jusqu'à la présentation de la marchandise achevée: depuis la plus petite piécette de caoutchouc jusqu'à la lourde courroie de transmission ou le tapis de sol. en passant par la gamme des tuyaux d'arrosage. La clientèle est avant tout composée des usines textiles et mécaniques, fonderies et mines de la région, mais les acheteurs sont également nombreux dans le reste de la France et à l'étranger. L'usine occupe un effectif de 132 ouvriers.

En pénétrant plus avant dans le village, on remarquera le monument aux morts dont le granit gravé rappelle un tragique chapitre de l'histoire de la commune. Par une petite rue en impasse, on parvient à l'église élevée sur l'emplacement d'une autre, plus ancienne et plus petite aussi, puisqu'elle n'avait que 20 mètres de longueur et 9 mètres de largeur. La custode qui se trouvait dans le sanctuaire primitif est conservée au musée de Colmar; le patron en était saint Morand.

C'est en 1867, sous l'administration du maire Joseph Rollin, que fut décidé de remplacer cette petite église croulante, humide et malsaine. Six ans plus tard, le 4 mai 1873, put être posée la première pierre et l'année suivante, l'église nouvelle fut à nouveau dédiée à saint Morand. Durant la première guerre mondiale, elle fut entièrement détruite; l'église d'aujourd'hui fut inaugurée en 1935. Elle rappelle dans ses proportions celle qui l'a précédée. Sur l'un des autels latéraux on peut voir une statue du 16° siècle de la Mère des sept douleurs.

Halte goûtée des touristes, une auberge champêtre se trouve tout au bout du village au pied du promontoire rocheux du Hirnelestein (480 m) et, de l'autre côté, du Schletzenbourg (510 m) d'où l'on découvre un magnifique panorama sur la plaine
d'Alsace. Le Hirnelestein fut pendant la guerre 1914-18 un excellent poste d'observation pour les troupes françaises et aujourd'hui encore on retrouve l'abri creusé à l'intérieur du roc. Grâce au Club-Vosgien de Cernay un escalier métallique conduisant au
sommet du rocher a été remis en état récemment.

Des galeries écroulées et des lieux-dits rappellent une industrie minière,jadis florissante.

Des puits et galeries éboulées rappellent les anciennes mines du Silberthal.  "Le val d'argent", c'est le vallon qui s'étend resserré entre les pentes abruptes du Wolfskopf au nord, de l'Amselkopf et du Herrenstubenkopf au sud jusqu'aux flancs du Baecher-
kopf. Au fond du val encaissé coule le petit ruisseau de l'Ertzbach, sautant de roche en roche, formant au printemps d'imposantes cascades.
Déjà au 15e siècle on y avait découvert du cuivre et du fer; plus tard, on trouva d'autres minerais et aujourd'hui encore on peut ramasser dans le Silberthal des cailloux renfermant des parcelles de métal brillant au soleil comme de l'argent. A la veille de la grande Révolution, les mines étaient exploitées par le duc de Valentinois, héritier des Mazarin. Au commencement de ce siècle, en 1903, l'exploitation des mines de Steinbach fut abandonnée; l'entrée des galeries est aujourd'hui écroulée, les arbres et les ronces en ont pris possession.
Il existe encore une autre richesse à Steinbach: c'est la Cote 425 où le vignoble s'étale de Cernay à Vieux-Thann. Pendant la première guerre, cette colline, bouleversée par l'artillerie, fut le théâtre de violents combats! C'est grâce à un travail persévérant que le terrain a retrouvé sa fertilité! A côté de nombreuses petites parcelles de vignes prospère dans ce "Weingarten" le grand domaine viticole de la station agronomique de Colmar, dont le gérant est M. Preiss. Parmi les nombreuses marques connues de Vin d'Alsace, le Traminer de la Cote 425 est en passe de s'assurer un bon renom.

Mais d'où vient le nom de Steinbach? Selon toutes probabilités, il vient du ruisseau qui coule du vallon, traversant le village pour aller se jeter dans la Thur. Calme en été jusqu'à n'être plus qu'un lit desséché de cailloux, il sait dans la mauvaise saison se transformer en un torrent impétueux, témoin les dévastations qu'il peut causer en période d'inondation.

L'histoire de la commune est liée à celle celle de la petite ville voisine Cernay. Steinbach fut, en effet, autrefois une annexe de Cernay, dépendant du prieuré de St. Morand. Les Anglais, les Armagnacs, les Suisses et les Suédois passèrent là comme ailleurs. Un privilège accordé par le pape Clément VIII autorisa, en 1525 la séparation de la paroisse de Steinbach de celle de Cernay et l'établissement d'une paroisse autonome. Le magistrat de Cernay s'opposa, à la séparation; l'évêque de Bâle. Christophe d'Utenheim, se saisit de l'affaire et aboutit à un compromis qui laissait l'église-mère à Cernay, En 1583 survint cependant la séparation complète.

Commune autonome depuis 1847


L'administration de la double commune Cernay-Steinbach reposait au commencement du 17° siècle entre les mains d'un magistrat; des 12 conseillers communaux, Cernay fournissait 9 et Steinbach 3 dont un bourgmestre. Dès la Révolution. les habitants de Steinbach réclamèrent la séparation. L'autonomie leur fut accordée par un arrête préfectoral du 8 octobre 1847.  De ce fait Steinbach obtenait sa propre administration. Neuf ans plus tard, le tribunal de Belfort — alors chef-lieu d'arrondissement — ordonnait le partage des biens communaux. Apres confirmation de la Cour de Colmar, par acte notarié en 1863. confirmé en 1868 par le préfet, ce n'est que le 12 mai 1869 que les limites communales furent définies par décret impérial. Toute la procédure avait duré 22 ans.
 Entre Cernay et Steinbach se trouvait le prieuré de Birlingen, dépendant de l'abbaye de Lucelle. A l'époque de la Révolution, le petit cloître et sa chapelle turent confisqués, vendus en adjudication, puis rasés. L'image de la Vierge fut sauvée à Wittelsheim et revint plus tard à l'église paroissiale de Cernay. De Birlingen, il ne reste  plus aujourd'hui qu'une petite chapelle rénovée en 1932 et consacrée à la Mère de Dieu.
Dans la mémoire de nombreux habitants de Steinbach, le souvenir est resté vivace de la nuit du 30 au 31 décembre 1914. Le village étant devenu un champ de bataille, c'est sous la mitraille que les habitante durent s'enfuir. Maison par maison, le village fut conquis de haute lutte par les soldats du Quinze-Deux, les Diables Rouges. Acharnés, les Allemands s'accrochèrent à chaque position et ne reculèrent que pas à pas; 700 soldats et 12 officiers tombèrent du côté français. Durant quatre longues années, le village complètement détruit fut en première ligne.
Le 6 novembre 1921, Steinbach reçut la croix de guerre, ajoutée maintenant à ses armoiries composées d'un sapin, d'une serpette de vigneron et d'une grappe de raisins.
La dernière guerre apporta aussi ses deuils et ses misères. En janvier 1945, lorsque s'approchait la libération, de Cernay, les troupes marocaines descendirent de la WaldkapeIle pour  tourner et encercler Cernay par le plateau d'Uffholtz. La préparation d'artillerie fit des victimes parmi la population civile et causa beaucoup de dommages. Mais comme pour le première guerre, les habitants, après la tempête, se remirent courageusement  au travail pour reconstruire  leurs foyers.