Dans la paix idyllique de la montagne, à l'entrée du vallon du Silberthal,
s'étale Steinbach encastré entre les pentes du Wolfskopf et de l'Amselkopf. La route qui relie
le village à Cernay se rétrécit toujours plus dans le vallon pour
finir
par ne plus être qu'un chemin forestier qui s'enfonce dans la verdure des
bois. Steinbach n'est pas un lieu de
passage; au contraire la petite commune est située en dehors des grandes voles de
communication. C'est un site idéal pour ceux qui voudraient s'y
reposer, mais il n'y existe pas d'hôtel.
A l'entrée de l'agglomération se dressent les bâtiments industriels de
la Manufacture Alsacienne de caoutchouc Rollin et Cie où la majeure
partie des habitants du village gagnent leur pain. C'est ici l'unique
fabrique de caoutchouc de toute l'Alsace. Notons, en passant, que pour la
France entière, on ne compte que 300
établissements de cette branche et que ceux-ci sont tous établis dans la
région parisienne ou dans les environs
de Clermont-Ferrand. L'affaire
créée en 1851 par le grand-père des propriétaires actuels, M. Joseph Rollin.
La fabrication est complète, depuis la
première phase de la manutention du
latex .jusqu'à la présentation de la
marchandise achevée: depuis la plus
petite piécette de caoutchouc jusqu'à la lourde courroie de transmission
ou
le tapis de sol. en passant par la gamme des tuyaux d'arrosage. La
clientèle est avant tout composée des usines
textiles et mécaniques, fonderies et
mines de la région, mais les acheteurs sont également nombreux dans le
reste de la France et à l'étranger. L'usine occupe un effectif de 132
ouvriers.
En pénétrant plus avant dans le village, on remarquera le monument aux
morts dont le granit gravé rappelle un tragique chapitre de l'histoire
de la commune. Par une petite rue en impasse, on parvient à l'église
élevée sur l'emplacement d'une autre, plus ancienne et plus petite
aussi,
puisqu'elle n'avait que 20 mètres de
longueur et 9 mètres de largeur. La
custode qui se trouvait dans le sanctuaire primitif est conservée au musée
de Colmar; le patron en était saint Morand.
C'est en 1867, sous l'administration
du maire Joseph Rollin, que fut décidé de remplacer cette petite église
croulante, humide et malsaine. Six
ans plus tard, le 4 mai 1873, put être
posée la première pierre et l'année suivante, l'église nouvelle fut à nouveau
dédiée à saint Morand. Durant la première guerre mondiale, elle fut entièrement détruite; l'église d'aujourd'hui
fut inaugurée en 1935. Elle rappelle dans ses proportions celle
qui l'a précédée. Sur l'un des autels latéraux on peut voir une statue
du 16° siècle de la Mère des sept douleurs.
Halte goûtée des touristes, une auberge champêtre se trouve tout au
bout du village au pied du promontoire rocheux du Hirnelestein (480 m)
et, de l'autre côté, du Schletzenbourg
(510 m) d'où l'on découvre un magnifique panorama sur la plaine
d'Alsace. Le Hirnelestein fut pendant la guerre 1914-18 un excellent poste
d'observation pour les troupes françaises et aujourd'hui encore on retrouve l'abri creusé à l'intérieur du
roc. Grâce au Club-Vosgien de Cernay un escalier métallique conduisant
au
sommet du rocher a été remis en état récemment.
Des galeries écroulées
et des lieux-dits rappellent
une industrie minière,jadis florissante.
Des puits et galeries éboulées rappellent les anciennes mines du Silberthal.
"Le val d'argent", c'est le vallon
qui s'étend resserré entre les pentes
abruptes du Wolfskopf au nord, de
l'Amselkopf et du Herrenstubenkopf
au sud jusqu'aux flancs du Baecher-
kopf. Au fond du val encaissé coule
le petit ruisseau de l'Ertzbach, sautant de roche en roche, formant au
printemps d'imposantes cascades.
Déjà au 15e siècle on y avait découvert du cuivre et du fer; plus tard,
on
trouva d'autres minerais et aujourd'hui encore on peut ramasser
dans le Silberthal des cailloux renfermant des parcelles de métal brillant
au soleil comme de l'argent. A la veille de la grande Révolution, les mines
étaient exploitées par le duc de Valentinois, héritier des Mazarin. Au
commencement de ce siècle, en 1903, l'exploitation des mines de Steinbach
fut abandonnée; l'entrée des galeries
est aujourd'hui écroulée, les arbres et les ronces en ont pris possession.
Il existe encore une autre richesse à Steinbach: c'est la Cote 425 où le
vignoble s'étale de Cernay à Vieux-Thann. Pendant la première guerre,
cette colline, bouleversée par l'artillerie, fut le théâtre de violents combats!
C'est grâce à un travail persévérant
que le terrain a retrouvé sa fertilité! A côté de nombreuses petites
parcelles
de vignes prospère dans ce "Weingarten" le grand domaine viticole de la
station agronomique de Colmar, dont le gérant est M. Preiss. Parmi les
nombreuses marques connues de Vin d'Alsace, le Traminer de la Cote 425 est en passe de s'assurer un bon renom.
Mais d'où vient le nom de Steinbach? Selon toutes probabilités, il
vient du ruisseau qui coule du vallon,
traversant le village pour aller se jeter
dans la Thur. Calme en été jusqu'à
n'être plus qu'un lit desséché de cailloux, il sait dans la mauvaise
saison se transformer en un torrent impétueux, témoin les dévastations qu'il
peut causer en période d'inondation.
L'histoire
de la commune est liée à celle
celle de la petite ville voisine Cernay. Steinbach fut, en effet, autrefois
une annexe de Cernay, dépendant du
prieuré de St. Morand. Les Anglais, les
Armagnacs, les Suisses et les Suédois
passèrent là comme ailleurs. Un privilège accordé par le pape Clément VIII
autorisa, en 1525 la séparation de la
paroisse de Steinbach de celle de Cernay et l'établissement d'une paroisse
autonome. Le magistrat de Cernay
s'opposa, à la séparation; l'évêque de Bâle. Christophe d'Utenheim, se saisit
de l'affaire et aboutit à un compromis qui laissait l'église-mère à Cernay, En
1583 survint cependant la séparation complète.
Commune autonome depuis 1847
L'administration de la double commune Cernay-Steinbach reposait au
commencement du 17° siècle entre les mains d'un magistrat; des 12
conseillers communaux, Cernay fournissait 9
et Steinbach 3 dont un bourgmestre.
Dès la Révolution. les habitants de Steinbach réclamèrent la séparation.
L'autonomie leur fut accordée par un
arrête préfectoral du 8 octobre 1847. De ce fait Steinbach obtenait sa
propre administration. Neuf ans plus
tard, le tribunal de Belfort — alors chef-lieu d'arrondissement —
ordonnait le partage des biens communaux.
Apres confirmation de la Cour de Colmar, par acte notarié en 1863. confirmé
en 1868 par le préfet, ce n'est que le 12 mai 1869 que les limites communales
furent définies par décret impérial. Toute la procédure avait duré 22
ans.
Entre Cernay et Steinbach se trouvait le prieuré de Birlingen, dépendant
de l'abbaye de Lucelle. A l'époque de
la Révolution, le petit cloître et sa
chapelle turent confisqués, vendus en
adjudication, puis rasés. L'image de
la Vierge fut sauvée à Wittelsheim et revint plus tard à l'église paroissiale
de Cernay. De Birlingen, il ne reste plus aujourd'hui qu'une petite chapelle
rénovée en 1932 et consacrée à la Mère de Dieu.
Dans la mémoire de nombreux habitants de Steinbach, le souvenir est
resté vivace de la nuit du 30 au 31
décembre 1914. Le village étant devenu
un champ de bataille, c'est sous la mitraille que les habitante durent
s'enfuir. Maison par maison, le village fut conquis de haute lutte par les
soldats du Quinze-Deux, les Diables
Rouges. Acharnés, les Allemands s'accrochèrent à chaque position et ne reculèrent que pas à pas;
700 soldats et
12 officiers tombèrent du côté français. Durant quatre longues années, le
village complètement détruit fut en première ligne.
Le 6 novembre 1921, Steinbach reçut la croix de guerre, ajoutée
maintenant à ses armoiries composées d'un
sapin, d'une serpette de vigneron et d'une grappe de raisins.
La dernière guerre apporta aussi ses deuils et ses misères. En janvier
1945,
lorsque s'approchait la libération, de Cernay, les troupes marocaines descendirent
de la WaldkapeIle pour tourner et encercler Cernay par le plateau d'Uffholtz. La préparation d'artillerie
fit des victimes parmi la population civile et causa beaucoup de
dommages. Mais comme pour le première guerre, les habitants, après la
tempête, se remirent courageusement au travail pour reconstruire
leurs foyers.
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