Quelle est l’origine des Templiers ?
En 1095, le pape Urbain II déclenche la première croisade pour la
reconquête de Jérusalem. En 1099, les croisés prennent la Ville sainte.
En 1118, Hugues de Payns regroupe ses compagnons croisés dans la
confrérie des «Pauvres Chevaliers du Christ », qui se donne pour mission
d’assurer la sécurité des routes et la défense des pèlerins. Le roi de
Jérusalem Baudoin II leur octroie sa résidence installée dans la mosquée
Al-Aqsa, construite sur l’ancien temple de Salomon. La confrérie devient
alors l’ordre des Chevaliers du Temple. Sa règle, rédigée avec l’aide de
saint Bernard et inspirée de la Règle de saint Benoît, reçoit en 1129
l’agrément du pape.
Comme tous les moines, les Templiers font vœux de chasteté, de pauvreté
et d’obéissance. Saint Bernard rédige aussi un Éloge de la nouvelle
chevalerie , dans lequel il souligne l’originalité de l’ordre,
définit sa mission et justifie les moyens violents auxquels, à condition
que la guerre soit « juste », ces moines pourraient recourir. En
1139, le pape lui accorde des privilèges : les Templiers relèvent
directement de son autorité, peuvent avoir leurs propres prêtres et
leurs églises, et sont exonérés du paiement des dîmes. Dès lors, l’ordre
s’étend en Terre sainte et en Europe, où les commanderies templières
sont de vastes exploitations agricoles dotées d’une chapelle. Elles
expédient récoltes et bétail vers l’Orient, pour permettre à l’ordre d’y
assumer sa mission. Grâce à ce système, durant près de deux siècles, les
Templiers présents en Terre sainte – dont les effectifs se renouvellent
constamment, qui ont appris à connaître leurs ennemis et le terrain sur
lequel ils évoluent – vont représenter pour les États latins d’Orient
une force militaire et politique souvent décisive.
Comment était organisé l’ordre ?
À sa tête se trouve le maître de l’ordre, désigné à vie, résidant à
Jérusalem (voir infographie) . Il a à peu près les mêmes
fonctions qu’un abbé dans les ordres monastiques classiques. Il
s’appuie, pour les décisions importantes, sur le chapitre des chevaliers
et est assisté, sur le plan militaire, par un maréchal. Chaque province
(France, Angleterre, Poitou, Provence, Aragon, Portugal, Pouille,
Hongrie) a à sa tête un maître ou commandeur. À l’image de la société
féodale, fondée sur la distinction des trois fonctions (prière, travail,
combat), les Templiers recrutent à trois niveaux: les «chapelains»
forment le clergé des Templiers, les « sergents sans armes » ou « frères
de métier » accomplissent les tâches de la vie quotidienne. Quant aux
chevaliers, assistés d’écuyers et de frères sergents, ils sont les seuls
à remplir la fonction première de l’ordre : protéger les pèlerins et
combattre les musulmans ; leur habit – de combat ou de chœur – est
blanc, alors que celui des autres Templiers est noir ou brun. Une croix
vermeille est cousue dessus, au niveau du cœur ou sur l’épaule. Tant
qu’ils sont en Europe, ces moines chevaliers sont essentiellement des
moines qui, assistés de paysans, mettent en valeur les terres.
Pourquoi l’ordre du Temple a-t-il brutalement disparu ?
La chute de Saint-Jean-d’Acre, en 1291, marque la fin de la présence
chrétienne en Terre sainte et de la vocation des Templiers à protéger
les pèlerins. Massacrés presque jusqu’aux derniers, repliés à Chypre,
ils restent cependant nombreux en Occident. Mais l’ordre y est devenu
impopulaire. On lui reproche les avantages octroyés par le pape, les
donations qu’il reçoit et son activité financière. Si, individuellement,
les Templiers ne sont pas riches, beaucoup d’argent est en effet passé
entre les mains de l’ordre, dépositaire du trésor royal et qui assurait
les transferts d’hommes et de fonds de l’Occident vers l’Orient. Sont
également dénoncés son orgueil, son échec en Terre sainte, sa rivalité
avec les Hospitaliers (ordre avec lequel il refuse de fusionner).
À partir de 1305, de graves rumeurs vont s’ajouter à ces critiques.
L’ordre est accusé d’hérésie, d’outrage à la personne du Christ,
d’idolâtrie, de rites obscènes. Le 13 octobre 1307, Philippe le Bel,
connu pour sa piété et encouragé par ses conseillers, fait arrêter les
Templiers et saisir leurs biens. Tout sera fait dès lors pour obtenir
leurs aveux et condamner l’ordre comme corrompu, perverti, hérétique et
affilié secrètement à l’islam. Mis devant le fait accompli par le roi de
France, le pape Clément V tente à plusieurs reprises de reprendre
l’affaire en main. En vain. En 1312, lors du concile qu’il a réuni à
Vienne en Dauphiné, il dissout l’ordre sans prononcer de condamnation et
attribue ses biens en France aux Hospitaliers. Le 18 mars 1314, le
maître de l’ordre Jacques de Molay, qui avait d’abord avoué et était
condamné à la prison à vie, proteste de son innocence et de celle de
l’ordre devant trois cardinaux, proches de Philippe le Bel, délégués par
le pape. Geoffroy de Charnay, un dignitaire de l’ordre, agit de même.
Ils sont aussitôt déclarés « relaps » et condamnés à mourir sur le
bûcher. Ce n’est qu’au XVIe siècle que sera mentionnée une prétendue
malédiction jetée par Molay contre le roi et le pape, qui moururent tous
deux en 1314.
Les Templiers étaient-ils coupables ?
L’accusation d’hérésie était infondée. Mais, comme dans toute
collectivité, il existait des comportements individuels déviants et des
traditions parfois malsaines. Cependant, pour nombre d’historiens, les
motivations du roi de France sont ailleurs. Philippe le Bel est le
dernier des Capétiens; la souveraineté de l’État commence à s’affirmer.
Pour lui, une institution indépendante et internationale de 15 000
hommes est une menace. Alain Demurger, auteur de Vie et mort de
l’ordre du Temple (Seuil), rappelle que le procès des Templiers
s’inscrit dans le contexte du conflit avec le pape Boniface VIII, qui
avait affirmé la supériorité du pouvoir pontifical sur le pouvoir
temporel. En France, de nombreux Templiers sont morts en prison, de
vieillesse ou de mauvais traitements. Une centaine ont péri sur le
bûcher. Ailleurs, ils n’ont pas été inquiétés ou ont été innocentés.
MARTINE DE SAUTO
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Deux autres ordres concurrents
En 1099, après que les croisés ont repris Jérusalem aux musulmans,
ils sont très peu nombreux à rester pour assurer la sécurité et la
stabilité du royaume chrétien d’Orient. Avec d’autres ordres
religieux, les Templiers constitueront l’épine dorsale des forces
armées chrétiennes : une structure militaire permanente, composée de
guerriers motivés, bien armés, bien entraînés et disciplinés, qui
assisteront les armées et encadreront les croisés venus d’Occident.
Deux ordres vont concurrencer les Templiers : les Hospitaliers et
les Chevaliers Teutoniques.
> L’ordre des Hospitaliers
Fondé en 1113 pour protéger et soigner les pèlerins, reconnu par le
pape en 1120, il devient en 1137 un ordre guerrier rival des
Templiers. Après la chute de Saint-Jean-d’Acre en 1291, l’ordre se
replie à Chypre puis sur l’île de Rhodes, d’où il continue à
combattre les musulmans. Chassés en 1522 par les Ottomans, les
Hospitaliers trouvent refuge à Malte. L’histoire de leur ordre
s’achève en 1798, avec la prise de l’île par Bonaparte. L’ordre de
Malte actuel, reconstitué en 1830, est devenu une organisation
caritative.
> L’ordre des Chevaliers Teutoniques
Fondé par des croisés germaniques, il se mue en 1198 en ordre
guerrier. Au XIII
e siècle, il acquiert d’importants domaines en Terre sainte, en
Méditerranée, et surtout en Allemagne. Après son départ de
Palestine, il s’engage en Hongrie, puis dans les régions baltiques,
dans une guerre de conquête et de conversion des peuples païens. En
1226, l’empereur Frédéric lui accorde d’avance la pleine possession
des territoires gagnés par les armes. La Prusse devient ainsi un
État teutonique indépendant. En 1525, le grand maître sécularise les
biens de l’ordre, tandis que la majorité des chevaliers se convertit
à la Réforme. L’ordre est supprimé en Allemagne par Napoléon en
1809, mais subsiste en Autriche où il se consacre aux œuvres
charitables.
M. DE S.
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