En plein carême, la période de confinement décrétée par les
pouvoirs publics pour « lutter contre un ennemi invisible »,
ainsi que l’a qualifié Emmanuel Macron le 16 mars 2020,
nous offre un temps de retraite et de… prière - un mot qui peut
laisser perplexe. Combien de fois ai-je entendu, même chez des
pratiquants, « Je voudrais bien prier, mais personne ne m’a
jamais appris à le faire » ?
Une réalité mystérieuse qui nous précède
La première dimension est l’Esprit saint qui prie en nous. La
prière est une réalité mystérieuse qui nous précède. Que nous le
voulions ou non, elle vit dans nos profondeurs, surtout pour
nous, baptisés, dont la possibilité d’une vie de pleine
communion avec la sainte trinité a été restaurée. L’Esprit prie
en nous, il est notre relation avec le Père. Ce mystère est le
fond de notre personne, puisque c’est de cette source que nous
tenons la vie, l’être et le mouvement. Si cette relation
cessait, notre existence se dissiperait comme de la buée, selon
une image biblique. Nous ne tenons pas notre vie de nous-mêmes,
nous ne sommes pas des êtres clos et autosuffisants !
Si cette relation profonde est le fond de notre être,
nous avons toutefois à nous y éveiller, à y entrer
consciemment. C’est pour cela qu’est précieux ce que Benoît XVI
appelait « l’art de la prière ». Un art qui ne va pas de soi et
doit être entretenu et renouvelé. D’autant que, au long de notre
existence, notre prière se transforme en fonction de conditions
extérieures et intérieures. Notre itinéraire spirituel n’est pas
une réalité linéaire. Il peut d’ailleurs connaître des avancées
et de grands reculs.
Une union mystérieuse avec Dieu dans l’acte de foi
S’il existe des formes variées de prière, son mystère est un.
Il s’agit d’une union mystérieuse avec Dieu dans l’acte de foi.
La foi est une des dimensions essentielles de la prière. La foi
n’est pas la croyance, ce n’est pas la méthode Coué qui
consisterait à s’autoconvaincre de la véracité des articles du
Credo. La foi est, comme la charité et l’espérance, une vertu
surnaturelle, c’est-à-dire un acte qui dépend de notre volonté
et qui nous donne de participer à Dieu, de le toucher.
La foi est une vertu surnaturelle qui
permet de s’élancer pour accéder au Ciel évoqué dans le Notre
Père.
La vertu de foi nous a été donnée de façon permanente
lors notre baptême. Dès lors, à chaque fois que nous
posons un acte de foi du fond du cœur (en disant par exemple :
« Seigneur je sais que tu es là » ou « Mon Dieu et
mon Tout »), un échange mystérieux se produit, qui vient
nous transformer pour rendre conforme à ce que nous sommes.
L’Évangile donne l’exemple de l’hémorroïsse (Matthieu 9,
20-22) : souffrant de pertes de sang que personne n’a pu guérir,
elle s’approche de Jésus compressé par la foule et touche avec
foi son manteau. Alors une force sort de lui et Jésus se
retourne pour savoir qui l’a vraiment touché. Isaac le Syrien,
un ascète du VIIe siècle, disait que la foi est
l’aile de la prière et que sans elle la prière revient sur nous.
Cela signifie que cette vertu surnaturelle est ce qui permet de
s’élancer au-delà de notre petit moi replié sur nous-même pour
accéder au Ciel évoqué dans le Notre Père.
Une des formes de prière la plus simple illustre bien
cet acte de foi : c’est ce que l’on appelle « oraisons
jaculatoires », de brèves formules lancées vers Dieu comme des
traits. Elles peuvent être tirées des psaumes, des Écritures, ou
empruntées à un saint – dans son histoire, l’Église
reconnaissait ou attribuait des vertus particulières à
certaines. Chacun peut trouver celle qui le touche. Par
exemple : « Jésus qui vivait en Marie, venez et vivez en moi »
(Monsieur Olier), « Jésus, j’ai confiance en toi » (sainte
Faustine), « Dieu, viens à mon aide ! » (Psaume 70), etc. Lancer
ces brefs cris vers Dieu permet de rester uni à lui, de se
souvenir de sa présence, de revenir vers lui pour vivre et agir
en sa présence alors que notre esprit était dispersé. Mais ces
élans ne peuvent suffire. Ils sont là pour maintenir une
conscience qui s’approfondit dans des temps de prière prolongés.