L’Église célèbre ce dimanche la Journée mondiale de prière pour les
vocations.
Si, en France, elles connaissent une érosion progressive, les diocèses
multiplient les initiatives pour rejoindre les jeunes.
«Plus de curés, plus de diacres : on va tous disparaître! Faut
pas s’le cacher… » Rassurez vous, cette prédiction alarmiste n’est
qu’une boutade lancée par les Deschiens, un collectif d’humoristes
réputés pour leur verve corrosive. Le P. Éric Poinsot, directeur du
Service national des vocations, s’amuse de ce sketch, baptisé
ironiquement «Catholique Park » – en référence à Jurassic Park – et
visible sur YouTube, un site d’échange vidéo sur Internet : « Ce
n’est pas la réalité, contrairement à ce qui est souvent véhiculé dans
les médias. Cette vidéo a cependant le mérite de pointer une réalité: il
y a moins de prêtres qu’avant. » « Nous ne sommes pas pour autant une
espèce en voie de disparition, comme certains le prétendent»,
relativise le prêtre. Certes, seul un petit nombre de jeunes entre
chaque année au séminaire, mais assimiler les prêtres aux « derniers des
Mohicans » serait un contre-témoignage, selon le P. Poinsot, pour qui la
mission de prêtre est avant tout un « grand bonheur », celui de
se mettre « au service du Christ qui nous fait vivre ».
Côté statistiques (lire infographie ci-contre) , les chiffres
nationaux sont loin d’accréditer la thèse d’un effondrement pur et
simple des vocations en France. «Plus qu’une chute massive, on
observe une lente érosion au fil du temps », analyse le
prêtre. À ses yeux, le fait que plus de 130 jeunes soient entrés au
séminaire l’an passé est bien le signe que le ministère presbytéral
garde un sens, que la question de suivre le Christ « se pose et
continuera à se poser ».
«
La prêtrise reste une belle aventure et n’est pas un choix de vie
moribond », martèle-t-il. Aujourd’hui, plutôt que de déplorer cette
baisse, les accompagnateurs de séminaristes préfèrent se réjouir de la
présence de ceux qui continuent à répondre à l’appel de Dieu. Pour ce
qui est de la vie consacrée, même tendance à un relatif repli du côté
des religieuses apostoliques, moniales, religieux et instituts
séculiers. « Malgré une inflexion progressive, cette vie
représente toujours une perspective motivante pour certains jeunes »,
commente le P. Poinsot.
Il y aurait actuellement un retournement de tendance dans la prise en
compte de ces chiffres au sein des services diocésains des vocations,
selon le responsable. Fatalisme et découragement céderaient peu à peu la
place à d’autres perspectives plus optimistes, comme l’élaboration de
nouvelles propositions pour aider les jeunes à discerner leur appel et
leur place dans l’Église. « Nous devons nous appuyer sur les signes
positifs que nous observons pour aller de l’avant, et nous inscrire dans
une dynamique de l’appel. »
F.-X. M.
Pour la vie consacrée, la tendance à un relatif repli du côté des
religieuses apostoliques, moniales, religieux et instituts séculiers,
est la même.
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ENTRETIEN > P. Bertrand Auville, responsable du
service des vocations du diocèse de Nanterre (1)
« Il n’y a pas de crise des vocations ! »
Vous écrivez qu’ «en aucun cas, il n’y a crise des
vocations
» : comment pouvez vous l’affirmer ?
P.BERTRAND AUVILLE: Une vocation – du latin vocare –, c’est
avant tout un appel. Parler de crise des vocations signifierait que Dieu
n’appelle plus, ce qui serait une ineptie ! La Bible est pétrie
d’exemples d’appels : ceux des prophètes, ceux des Apôtres… Or, la
Parole de Dieu ne cesse jamais d’être créatrice. Soutenir que Dieu
n’appelle plus me semble donc parfaitement inconcevable. En revanche, il
y a bien une crise de la réponse à cet appel. Pour l’entendre, il faut «
avoir les bons écouteurs » ! S’il y a trop de bruit autour, on passe à
côté. De plus, cette réponse nécessite du temps, elle implique qu’on
soit à l’affût et qu’on permette à la Parole de se dire. Dans ce monde
assourdissant et pressé, les jeunes sont sans cesse en mouvement, pris
dans le tourbillon de l’action… Difficile, dans ce contexte, d’être
réceptif.
Est-ce la seule cause à cette « crise de la réponse » ?
Je crois aussi que le contexte social est défavorable. Le ministère de
prêtre ne correspond pas aux canons modernes: ses revenus sont modestes,
son statut est peu envié… Mieux vaut avoir un poste à responsabilité
dans une entreprise ! De plus, le prêtre est une personne exposée: il
peut être angoissant de se savoir jugé, scruté. Y compris dans les
familles pratiquantes, il n’est pas rare de se moquer de son curé à la
fin d’une célébration, parce qu’on a trouvé son homélie ennuyeuse, parce
qu’on désapprouve ses propos… Pour toutes ces raisons, de nombreux
jeunes susceptibles d’entrer au séminaire n’osent pas parler de leur
projet avec leurs parents. J’en rencontre fréquemment qui témoignent de
cette difficulté. Une réalité d’ailleurs très paradoxale : ce sont
souvent ces mêmes familles qui prient pour les vocations, tout en
freinant leurs enfants ! « Des prêtres ? Oui ! Mais chez les autres…
» Il nous faut accepter que le futur prêtre soit peut-être un
proche, un tout proche, voire soi-même… N’est-il pas hypocrite de prier
pour que le Seigneur appelle, mais loin de soi ou de soi-même ?
Comment changer d’état d’esprit ?
Prier est indispensable, mais il faut aller plus loin. La vocation
découle d’un appel conjoint de Dieu et de l’Église. Dans une paroisse,
quand le groupe de 50 enfants n’a toujours pas de catéchiste à la veille
de la rentrée, on sollicite les fidèles dans l’urgence, et on trouve
presque systématiquement un volontaire. Pas de catéchiste, pas de caté !
Ne devrait-on pas en faire autant dans nos diocèses où le manque de
prêtres devient criant ? Aujourd’hui, la plupart des vocations s’opèrent
sur le mode d’un appel personnel, intérieur. Je crois que l’Église, et
en particulier les prêtres, doivent faire un travail pour oser appeler
beaucoup plus concrètement. Dans notre diocèse, nous menons par exemple
une « démarche d’interpellation » : l’évêque envoie une lettre à
quelques jeunes choisis par les curés, en les invitant à discerner un
appel possible du Christ… L’Église est un corps dont tous les membres
sont importants. Quand il vient à manquer de prêtres, de diacres, de
religieux et de laïcs consacrés, l’Église devient alors «un corps
claudiquant». Cette responsabilité concerne tous les baptisés. À nous de
savoir médiatiser et valoriser l’appel du Seigneur, d’être des témoins
de la richesse de l’Église, même si cela n’est pas toujours simple dans
un milieu laïque et sécularisé. Sommes-nous « appelants », sommes-nous
un « canal de transmission » de l’appel ?
RECUEILLI PAR FRANÇOIS-XAVIER MAIGRE
(1) Ce prêtre des Hauts-de-Seine vient de publier un vade-mecum pour la
45e Journée mondiale de prière pour les vocations, qui aura lieu dimanche.
Église des Hauts-de-Seine, n° 340, avril 2008.
Prière pour les vocations:
Dieu notre Père, tu
nous appelles
A devenir ce que nous recevons
Le Corps du Christ notre Seigneur.
Ouvre nos cœurs à
tous nos frères
Pour être témoins de ton amour,
En un monde à construire.
Donne-nous de vivre
en ton Fils
Pour être serviteurs de sa vie donnée,
Et prendre ainsi notre part de la mission.
Envoie des
consacrés en notre monde
Pour être des voix prophétiques
De l’Évangile des Béatitudes.
Appelle des prêtres
Pour servir ton peuple et le rassembler,
Afin de vivre la communion de l’Église.
Nous t’en prions
toi le Vivant
Pour les siècles des siècles.
Amen. |
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