Le voile dans les religions.

Depuis une  vingtaine d'années, les femmes voilées ont fait irruption dans l'espace public. Le voile, ou " foulard ", peut être "islamique" au sens revendicatif de ce terme. Mais il n'est pas propre à la religion musulmane.


Depuis quand des femmes sont-elles obligées de cacher leurs cheveux ?

La première mention juridique connue instituant l’obligation pour une femme de se couvrir se trouve dans les tablettes assyriennes du roi Téglath-Phalasar I (1115-1077 avant J.-C.) : « Les femmes mariées (…) qui sortent dans les rues n’auront pas leurs têtes découvertes. Les filles d’hommes libres (…) seront voilées (…) La prostituée ne sera pas voilée, sa tête sera découverte. »
Ces dispositions n’avaient rien à voir avec la religion. Elles valaient pour l’Assyrie polythéiste comme pour Israël monothéiste. Elles se retrouvent ensuite presque partout dans le pourtour de la Méditerranée. En Grèce, au Ve siècle av. J.-C., comme en témoigne Hérodote, les femmes mariées étaient voilées. À Rome, la prise de voile devient le prélude au mariage et les vestales, chastes prêtresses de Vesta (la divinité du foyer domestique), rabattent sur leur tête un pan de leur robe pour attester leur consécration au culte.
Les Grecs introduisent le voile en Égypte vers le IIIe siècle av. J.-C. Les Romains initient la coutume à Carthage. Les Arabes, quant à eux, l’héritent de la Perse et font du voile un signe de distinction sociale comme l’atteste la poésie préislamique. Toujours loin d’être un signe religieux, le voile est alors un habit coutumier. Toutes les femmes et jeunes filles honorables du Proche-Orient antique le portent. On trouve également à cette époque le voile, et la claustration qui l’accompagne, dans les antahpuras indiens.

Que disent les textes fondateurs des religions ?

 Le judaïsme. Dans la Bible, la Genèse (24, 65; 29, 23-25; 38,14.19) et le Cantique des Cantiques mentionnent le voile des femmes. Ainsi, Rébecca, voyant Isaac, se couvre la tête de son voile. Et le fiancé du Cantique des Cantiques affirme : « Tes yeux sont des colombes à travers ton voile » (Ct 4, 1). La femme non voilée est en revanche comparée à la prostituée : « Découvre tes cheveux, retrousse ta robe, découvre tes cuisses » , dit le prophète Isaïe (47, 2) pour humilier Babylone, ville maudite.
La Bible ne fait pas du port du voile une prescription. La tradition rabbinique a cependant établi un code de «modestie» qui impose aux femmes mariées le port d’un couvre-chef en dehors du foyer conjugal. Aujourd’hui, certaines se contentent de se couvrir à la synagogue. D’autres mettent un foulard ( tichel ) lors qu'elles sont en compagnie. La majorité des femmes juives orthodoxes portent une perruque ( sheitel ). Dans les communautés libérales, par contre, elles choisissent parfois de s’abstenir de tout couvre-chef.

 Le christianisme. Dans la Palestine du temps de Jésus, les femmes mariées portaient le voile. Dans la première lettre aux Corinthiens, saint Paul fait de cette coutume un signe de respect religieux : « Tout homme qui prie ou prophétise la tête couverte fait un affront à son chef. Mais toute femme qui prie ou prophétise la tête nue fait affront à son chef, car c’est exactement comme si elle était rasée » (1 Co 11, 2-16). Ce texte, assez obscur, est à l’origine de l’obligation, jusqu’à une époque récente, pour les femmes de se couvrir la tête pour entrer dans une église. Tertullien, évêque de Carthage au IIIe siècle, est allé plus loin : « Une jeune fille sans voile n’est plus vierge », écrit-il.
Pour les protéger, l’Église primitive a demandé aux femmes vierges, ancêtres des religieuses, de porter le voile, signe à l’époque romaine de la femme mariée. Le christianisme a prolongé cette tradition avec la prise de voile des religieuses. Le voile est alors un symbole d’union à Dieu dans la chasteté.

 L’islam. Dans le Coran, plusieurs versets, difficiles à traduire et à interpréter, prescrivent aux femmes de porter le voile par pudeur, pour se distinguer des autres femmes et se protéger des regards indélicats. « Ô Prophète, dis à tes épouses, à tes filles et aux femmes des croyants de se couvrir de leurs voiles : c’est pour elles le meilleur moyen de se faire connaître et de ne pas être offensées… » (sourate 33, v. 59).
Le terme employé – jilbâb , au pluriel jilâbîb – désigne l’ample tunique que les femmes arabes portaient alors de façon non systématique. Un autre verset prescrit : « Dis aux croyantes de baisser leurs regards, d’être chastes, de ne montrer que l’extérieur de leurs atours, de rabattre leurs voiles ( khimâr ) sur leurs poitrines ! » (24, 31) Il est précédé d’un verset qui exhorte les hommes à la chasteté.
Le Coran ne dit rien, en revanche, des caractéristiques de ce voile qui, au temps du prophète Mohammed, comportait plusieurs variantes. Avec l’islam, la coutume millénaire du voile, jusque-là réservé aux femmes de haut rang, s’étend aux autres couches sociales, changeant de forme, d’appellation et de couleur selon les lieux.
                                                                                                                                                               MARTINE DE SAUTO


Hidjab, tchador, niqâb, burqa

Dans les années 1970, un terme jusque-là quasi inconnu de la majorité des musulmans a fait son apparition, en même temps que des mouvements islamistes qui en étaient les promoteurs : le hidjab . Dans le Coran, ce mot, qui en arabe signifie « séparation », évoque le voile qui isole Dieu des mortels (sourate 42, v. 51), les élus des damnés (7, 46) ou les croyants des incroyants (17, 45). Dans deux versets, il désigne le voile de séparation entre hommes et femmes (33, 53 ; .9, 17)


Sous l’influence de fondamentalistes qui font du voile une prescription divine et un principe de foi – Leila Babès, professeur de sociologie des religions, parle à ce propos de « supercherie » et de « mystification » (1) –, le hidjab en est venu à désigner la tenue que des musulmanes adoptent comme emblème de leur identité religieuse et parfois signe de leur engagement idéologique. Composé d’une longue mante couvrant tout le corps à l’exception du visage et des mains, et d’un ample foulard noué autour de la tête, cachant les cheveux et le cou, il se décline différemment selon les pays.
En Iran, le tchador , tenue traditionnelle, s’est généralisé avec la Révolution islamique de 1979. Les wahhabites et les salafistes – qui se réfèrent à un islam des origines – imposent le port du niqâb , qui couvre tout le corps, y compris le visage et les mains, appelé ainsi à cause des petits trous (du verbe naqaba : perforer) effectués pour permettre à la femme de voir. En Afghanistan, le niqâb devient la burqa .

En France

La première affaire de « foulard » remonte à octobre 1989, lorsque trois élèves voilées ne sont pas admises en classe dans un collège de Creil (Oise). En 2003, une commission de réflexion, présidée par Bernard Stasi, a estimé que le port ostentatoire de signes religieux était en contradiction avec les règles laïques du système scolaire français.
La loi du 15 mars 2004 dispose que « dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit » .
Sont par conséquent prohibés pour les élèves le voile islamique (quel que soit le nom qu’on lui donne), de même que la kippa juive, le turban sikh ou une croix de dimensions excessives. Les agents du service public demeurent, quant à eux, soumis à un strict devoir de neutralité.
                                                                                                                                                                                                                      M. DE S.
               
(1) Dans Le Voile démystifié (Éd. Bayard, 2004).

 

La Croix  15/16 septembre 2007                                        Site du journal de la Croix                              Martine de Sauto

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