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				La 
				véritable bataille est un moment périssable, une tornade qui 
				surgit sur un bout de terrain et emporte tout. C'est une 
				rencontre tumultueuse, un espace d'expérimentation, de 
				construction et de déconstruction, qui met en scène des hommes, 
				du matériel, des sentiments. Elle fait l'objet de scénarii, de 
				rapports, de conjectures, mais sa nature vivante, à la fois 
				anthropique et irrationnelle, lui fait écrire sa propre 
				histoire, unique et insaisissable ; sa réalité échappe aux 
				règlements, au romantisme patriotique et au confort des travaux 
				historiques.
 Une bataille est mille batailles, différentes, contradictoires, 
				personnelles, intérieures. Bien sûr, elle laisse des souvenirs, 
				des chroniques pour les plus grandes, mais peu de traces 
				visibles, manifestes. La guerre ramasse ses ruines et ses 
				cadavres, elle camoufle son œuvre ; les dépouilles, les objets 
				que le sol n'a pas enfuis sont glanés, les tranchées comblées, 
				les corps enterrés, les navires engloutis. Que reste-t-il de 
				Sadowa, de Bull Run ou du Jutland ? Pourtant, souvent, des 
				indices subsistent, des plaques, des monuments, des vestiges 
				tapis dans les sous-bois, des plis du paysage. C'est le cas de 
				la bataille de Steinbach, en Haute-Alsace ; ce petit village de 
				paysans-vignerons blotti à l'entrée du vallon du Silberthal que 
				la Grande Guerre transforma en champ de ruines, mais dont le nom 
				n'est pas resté gravé dans les mémoires à l'image des ses 
				semblables meusiens de Vaux, Douaumont ou Fleury ; des marques, 
				discrètes ou anodines par habitude, témoignent encore des 
				combats meurtriers et acharnés qui s'y sont déroulés, à la 
				charnière de 1914-1915, dans les rues, les vignes, sur les 
				coteaux environnants, la cote 425 au sud, le plateau d'UffhoItz 
				au nord : Dans le centre du village, sur la place des Diables 
				rouges, un monument aux morts, massif, taillé dans le granit, 
				marqué de lettres d'or et dont les plaques en bronze furent 
				coulées par un ancien du 152e, le sculpteur Victor Antoine ; des 
				noms de rues : de la cote 425, du 152e R.I. ; une croix de 
				guerre sous le blason au sapin et à la serpe.
 
 Dans un verger en pente, une croix gravée : "Ici le 2 janvier 
				est tombé François Boucher - Sergent au 152e R.I. ; En souvenir 
				des braves soldats tombés à Steinbach ". Sur la cote 425, une 
				stèle de béton, impressionnante empreinte dressée par un 
				sculpteur suisse, Guido Nussbaum, après la découverte 
				d'ossements mis au jour par des bulldozers lors de travaux 
				d'extension du vignoble ; une pierre tombale, enchâssée dans un 
				muret, à la mémoire d'un jeune soldat allemand, Otto Bunge, tué 
				le 14 mars 1917.
 
 Dans le Zurenthal, une petite pyramide de pierre érigée en 1915 
				à la mémoire des morts du 297e R.I.
 
 Et puis, parfois, par un effondrement révélant une sape ou un 
				abri, le passé guerrier se rappelle aux villageois pris dans la 
				routine des existences.
 
 Dans le sillage de la tornade
 Dès le déclenchement des hostilités, le souffle des combats 
				effleura Steinbach, mais rien ne le prédestinait encore à son 
				terrible destin ; il n'était qu'un village d'Alsace parmi les 
				autres, avec ses auberges, ses fontaines, ses pavés, connu pour 
				ses mines de fer et d'argent, et son vignoble qui produisait un 
				vin fameux, le "Steinbacher Rota".
 
 L'offensive du détachement d'armée Bonneau et l'entrée 
				triomphale des troupes françaises dans Mulhouse le 8 août 1914, 
				toucha par ricochet le paisible village de neuf-cents âmes. Dans 
				la marche en avant euphorique des pantalons rouges, sous un 
				soleil de plomb, le 133e R.I. atteignit Cemay (Sennheim), la 
				ville aux remparts, voisine toute proche, le 8 vers 17 heures. 
				Les 6e et 7e Cies furent placées en avant-postes à Uffholtz et 
				quelques patrouilles traversèrent Steinbach.
 
 Le lendemain, des cavaliers allemands furent repérés sur les 
				hauteurs de Wattwiller ; un poste d'observation fut installé sur 
				la cote 375 au sud de Steinbach et deux batteries du 4e régiment 
				d'artillerie y prirent position ; vers 11 heures, à Cernay, 
				alors que la population sortait des offices du dimanche, un obus 
				de 77 éclata et des crépitements de mitrailleuses se firent 
				entendre vers Ufflholtz. Le XVe Armeekorps du Général der 
				Infanterie Berthold von Deimling se rapprochait : la 39e 
				Infanterie Division (Freiherr von Watter) était chargée de 
				reprendre Cernay puis Thann ; depuis les hauteurs sud-ouest de 
				Bertschwiller, l'artillerie allemande commença à bombarder 
				Uffholtz.
 
 Le 133e se déploya en arc en avant de Cernay et des éléments du 
				1° bataillon furent envoyés à Steinbach ; à Cernay, le III° 
				bataillon occupait, au sud, la gare, et au nord la fabrique 
				Schwartz ; le reste du régiment (2e, 3e, 4e et 5e Cies.) 
				s'établit au nord-ouest de la ville en arrière du ravin de 
				Steinbach et sur la cote 425. On creusa à la hâte des tranchées 
				pour tireurs à genou. Vers 13 heures, la 61e Infanterie-Brigade 
				(von Frankenberg und Ludwigsdorf), composée des I.R. 126 et 132, 
				reçut l'ordre de s'emparer de Cernay, appuyée par la 82e Brigade 
				(I.R. 171 & 172). Les Allemands, avançant par bonds de 
				tirailleurs à travers les vignes et les champs, débordèrent 
				Uffholtz par le nord-ouest ; deux compagnies françaises, 
				assiégées dans Uffholtz, résistèrent près de deux heures.
 
 
 Dans son carnet, à la date du 9 août, l'Unteroffizier Emile 
				Boeschlin ( I.R.172) nota:« Le matin à 3 heures nous avons 
				quitté la caserne à pied (située route de Wintzenheim à Colmar) 
				en direction de Cernay. C'était dimanche. Une chaleur terrible. 
				Nous passons devant l'asile d'aliénés de Rouffach. 22 heures 
				sans manger. Les médecins et les brancards étaient déjà prêts. 
				Pas le temps de manger. Le drapeau fut déployé et cela put 
				commencer. Après les premiers coups de feu, nous étions 
				maintenant sûrs qu' 'il y aurait la guerre. Nous avons pris 
				Uffholtz d'assaut, en direction de Cernay. Le feu et le chaos. 
				Cernay était bombardée par notre artillerie ".
 
 Vers 15 heures, les troupes feldgrau atteignirent les faubourgs 
				nord de Cernay et pénétrèrent à l'ouest de la ville ; à l'est, 
				deux bataillons du I.R. 136, détachés de la 30e Division (von 
				Eben), assaillaient les Français. Le IIIe bataillon du 133e, 
				désormais attaqué de front et de flanc par un ennemi bien 
				supérieur en nombre, subissant à l'intérieur de la ville des 
				tirs de soldats habillés en civils, recula vers la fabrique Witz 
				et la cote 375.
 
 Le Feldartillerie Régiment 66 prit position sur le plateau d'UffhoItz 
				; face aux 48 pièces allemandes, les Français replièrent leurs 
				deux batteries de 75 sur Vieux-Thann ; les tirs d'artillerie en 
				écharpe obligèrent le Ier bataillon du 133e à évacuer Steinbach 
				; les Allemands déployèrent leurs Maxims dans le village et sur 
				la crête allant vers Cernay. Vers 16 heures, les soldats 
				français refluèrent vers le sud, attendant en vain un soutien du 
				23e R.I. ; vers 19h30, menacé d'enveloppement et pris en 
				enfilade par les mitrailleuses allemandes, le 133e se replia sur 
				Vieux-Thann. Dans la foulée, le 15e B.C.P. contre-attaqua sur 
				Cernay depuis la ferme du Lutzelhof dans le Nonnenbruch ; 
				subissant de lourdes pertes, le bataillon dut se replier. 
				Deimling salua l'opiniâtreté de l'adversaire lors de ces 
				combats. Craignant une nouvelle tentative ennemie durant la 
				nuit, les Allemands ne stationnèrent pas dans l'enceinte de la 
				ville ; la calme revint durant quelques jours avant que le 
				va-et-vient des uniformes ne recommença.
 
 Le général Pau, à la tête de l'Armée d'Alsace, reprit 
				l'offensive le 14 août, alors que l'essentiel des unités de la 
				7e Armée (Von Heeringen) quittait la région ; les XIVe et XVe 
				Armeekorps partaient renforcer, à gauche, l'offensive générale 
				de la 6e Armée du Prince Rupprecht de Bavière, en Lorraine. Les 
				Français avancèrent prudemment devant un adversaire qui se 
				dérobait ; ainsi le 16, ils atteignirent la ligne Cernay, 
				Schweighouse, Burnhaupt-le-Bas et le 18, au soir, une partie du 
				133e R.I. réoccupait Cernay ; les soldats cherchèrent les tombes 
				de leurs camarades enterrés dans le secteur.
 
 Au même moment, un détachement mobile, rattaché au XIVe 
				Armeekorps et constitué le 13 août sous le commandement du 
				Général de l'Infanterie Hans Gaede, traversa le Rhin ; composé 
				de 29 bataillons, 3 escadrons et demi et 16 batteries, de 
				Landwehr et d'Ersatz badois, bavarois et wurtembergeois, il 
				était chargé d'appliquer le plan Schlieffen de couverture en 
				Haute-Alsace ; le détachement hétéroclite du général Gaede tint 
				en haleine les 115 000 hommes du général Pau.
 
 Joffre pressentit le danger. Le 17 août, il demanda à Pau de se 
				mettre en relation avec le commandant de la 1° armée. Mais il 
				était trop tard !
 Sur le front lorrain les Français étaient battus à Lagarde, à 
				Cirey, à Morhange et surtout à Sarrebourg le 20 août ; de 
				nombreux éléments des I° et II° armées battaient en retraite ; 
				le G.Q.G. prescrivit un arrêt des opérations offensives en 
				Alsace et l'envoi du 7e C.A. (sauf la 41e D.I.) vers le nord ; 
				au matin du 25 août, les troupes françaises évacuaient Mulhouse, 
				ainsi que presque toute la Haute-Alsace dans la nuit ; cette 
				retraite précipitée, les abandons successifs de Mulhouse (25 
				août) puis de Guebwiller (31 août), portèrent un coup sévère à 
				l'image des "libérateurs" ; la libération de Mulhouse ne fut 
				qu'un feu de paille, une bouffée frénétique dans un été de feu. 
				La presse et les communiqués parisiens se retrouvaient dans 
				l'attente d'une grande victoire sur le front d'Alsace ; elle se 
				fit attendre !
 
 Le 7 septembre, la 55e Brigade de Landwehr du général Mathy (7e 
				Landwehr Division), forte de deux régiments, les L.I.R.40 et 
				119, reprit Cernay et Uffholtz sans grandes difficultés. Le 10, 
				le II° bataillon du L.I.R.40 attaqua Vieux-Thann et fut repoussé 
				par des éléments des 171e et  213e R.I.. Le même jour, la 
				18e Cie. du 213e R.I. effectua une reconnaissance sur l'AmseIkopf 
				et Steinbach ; la section Vessereau entra dans le village par la 
				lisière sud, y récupéra un caisson de munitions pour 
				mitrailleuse et un prisonnier, puis grimpa sur la cote 425 où 
				deux sections allemandes l'accueillirent. Du 11 au 13, la 116e 
				brigade (58e D.R.) repoussa une offensive allemande sur Thann, 
				lancée depuis le secteur de Steinbach ; le 25,le L.I.R. 119 
				tenta à nouveau d'enlever Vieux-Thann, sans succès.
 
 Dès la fin octobre, Joffre décida de reprendre l'offensive sur 
				le front d'Alsace, le gouvernement souhaitant prendre des gages 
				dans les provinces abandonnées au Reich en 1871 par le traité de 
				Francfort. En novembre, à Thann - capitale provisoire de 
				l'Alsace française - le général en chef déclara : « Notre retour 
				est définitif, vous êtes Français pour toujours » ; l'Etat-major 
				espérait, grâce à un mouvement convergeant des 57e et 66e D.I, 
				avancer vers la plaine, menacer les mines de potasse qui 
				fournissaient un engrais essentiel à l'agriculture allemande et, 
				plus loin, la zone industrielle de Mulhouse ; l'offensive 
				générale prévue pour la mi-novembre, retardée, ajournée, se 
				traduisit finalement par des opérations plus locales, souvent 
				stériles, sur Michelbach, Burnhaupt, Aspach et Ammertzwiller qui 
				devaient selon la directive de Joffre du 26 novembre, sécuriser 
				les communications entre Thann et Belfort et interrompre par le 
				canon la circulation sur la voie ferrée Colmar- Mulhouse. Début 
				novembre le général Putz, commandant le 34e Corps, avait 
				envisagé une progression dans la vallée de la Lauch, et vers 
				Cernay, ce qui, selon lui « ne paraissait pas, pour le moment, 
				présenter de difficultés insurmontables » ; Cernay, le verrou du 
				bassin potassique, était dans ligne de mire de la 66e D.I. ; 
				Steinbach n'était qu'une bourgade sur le chemin des remparts 
				cernéens. Les villageois pensaient encore pouvoir courber le dos 
				en attendant que l'orage passe.
 
 Devant Thann, les avant-postes français avaient été 
				successivement aménagés par les 133e, 285e et 213e R.I. ; ils se 
				situaient vers la Waldkapelle - la chapelle des bois - et à la 
				lisière est de Vieux-Thann. Désormais, dans les forêts 
				descendant de l'AmseIkopf à Vieux-Thann, des hommes vivaient, 
				travaillaient, disséminés en de petits campements parfois 
				difficiles à ravitailler. Le bois, abondant, assurait protection 
				et chaleur : il permettait de renforcer les parapets des 
				tranchées, d'édifier des remparts d'abatis, d'alimenter les 
				poêles, de construire toutes sortes de cabane et d'abris. Des 
				patrouilles poussaient vers le nord...
 
 Le lieutenant Maurice-Paul Ravel de la 23e Cie du 213e R.I. 
				laissa un témoignage épistolaire considérable sur ce secteur du 
				front ; ainsi, aux premiers jours de décembre, il écrivit : 
				"L'automne a dépouillé les arbres de leur feuillage. Le bois, 
				jonché de feuilles mortes ou couvert de mousses flétries est 
				aujourd'hui clair et transparent et laisse apercevoir en bas, la 
				plaine grise, semée par endroits d'eaux dormantes (les 
				inondations de la Thur), qui luisent au soleil ou au clair de 
				lune. (...) Depuis que le rideau de verdure est tombé on 
				distingue mieux l'ennemi, on découvre les villages qu'il occupe 
				; on observe ses mouvements. La nuit on voit briller ses feux ; 
				on entend sa voix et parfois ses chants. (...) Nous ne jugeons 
				pas les boches assez entreprenants pour tenter une surprise de 
				nuit dans cette région difficile, semée d'embûches, à travers 
				ces bois immenses où il est presque impossible de s'orienter la 
				nuit " ; puis redescendu à Vieux-Thann, occupant une usine 
				abandonnée dont le grenier avait été transformé en observatoire, 
				Ravel pu contempler les travaux d'un ennemi devenu "maître dans 
				l'art de la fortification ". "Toute la journée et une partie de 
				la nuit, ils manœuvrent la pelle et la pioche et remuent des 
				monceaux de terre. Comme ils redoutent une offensive de notre 
				part, ils ont construit sur le front Steinbach-Cernay-Oberaspach, 
				un vaste système de tranchées reliées entre elles par un vaste 
				réseau de fils de fer qui barre complètement la plaine. La plus 
				remarquable de leurs tranchées, la plus facile à observer, est 
				celle qui est à cheval sur la route de Thann à Cernay. Elle a 
				deux cents mètres de long et comporte plusieurs abris pour 
				mitrailleuses. Les boches travaillent continuellement à cette 
				tranchée qu' 'ils façonnent comme une œuvre d'art. Toutes les 
				fois que j'en ai l'occasion, je l'observe longuement à la 
				jumelle. A la longue on finit par observer avec le même esprit 
				et la même tranquillité d'âme qu'un astronome examine la surface 
				des planètes. On voit les boches aller et venir, monter la 
				garde, se ravitailler, manger la soupe. En un mot on pénètre 
				toute la vie de la troupe qu' 'on a en face de soi ". Alors que 
				Ravel écrivait ces lignes, empreintes de sensibilité, le temps 
				des guetteurs s'achevait ; celui des grandes manœuvres débutait. 
				Le 8 décembre, le Détachement d'Armée des Vosges (41e, 57e, 66e, 
				71e D.L, 10° D.C.) fut constitué et le général Putz en prit le 
				commandement ; le même jour, il fit part de ses plans : "c 'est 
				par les crêtes descendant du massif de Guebwiller, qu' 'avec des 
				chasseurs, je chercherai à m'emparer d'Ufflholtz et à faire 
				tomber Cernay » ; « L'occupation d'Aspach-le-Haut et des bois à 
				l'est de Michelbach est un fait accompli depuis le 1er décembre, 
				et elle va être complétée très prochainement par celle de la 
				gare d'Aspach, qui coïncidera avec celle de l'éperon qui domine 
				Cernay au sud-ouest de Steinbach ". Cela semblait alors facile, 
				évident : un éperon sans nom, un point insignifiant sur la carte 
				d'Etat-major ; qui aurait pu imaginer que ce monticule se 
				transformerait en un gigantesque tombeau ?
 
 La 66e D.I, "l'Alsacienne", commandée par le général Guerrier, 
				amorça son mouvement vers la plaine face à la Brigade Mathy ; la 
				gare d'Aspach-le-Haut fut prise le 10 décembre par le 242e R.I 
				et le détachement Pelacot du 213e R.I... Le lendemain, la 7e Cie 
				du L.I.R. 119, en reconnaissance dans le secteur de l'AmseIkopf 
				et du Hirnelestein, fut accrochée par les Français ; le 12, la 
				115e brigade du colonel Sicre (213e, 229e d'Autun, 334e R.I. de 
				Maçon) reçu en renfort le 5e bataillon de chasseurs, engagé dès 
				le lendemain pour enlever Steinbach et la cote 425 ; les 
				patrouilles allemandes signalèrent un renforcement des troupes 
				ennemies sur les hauteurs entre Wattwiller et Uffholtz.
 
 Les premiers grains
 Le dimanche 13 décembre 1914, au matin, les cloches de Steinbach 
				résonnèrent comme d'ordinaire ; à 12 heures, l'artillerie 
				française (42e batterie de 65 du 2e R.A.M.) ouvrit le feu sur 
				'l'éperon au sud-ouest de Steinbach " : la cote 425. Les 
				Allemands répliquèrent par des tirs de la batterie Boenig ; au 
				même moment, la 27e batterie de 75 du 37 R.A., en position au 
				crassier de Vieux Thann, tira sur des renforts allemands envoyés 
				d'Uffholtz vers Steinbach. L'attaque, confiée à des éléments 
				détachés des 213e R.I (lieutenant-colonel Frantz), 5e B.C.P. et 
				68e B.C.A. (du groupement alpin de la division), fut déclenchée 
				à 13 h. 30.
 
 Le détachement du commandant Colardelle (deux compagnies du 
				5CB.C.P., une du 213e R.I. et une du 68e B.C.A.) avait pour 
				mission de prendre Steinbach puis, à revers, de soutenir 
				l'assaut du détachement Debain sur les tranchées de la cote 425. 
				Vers 14 heures, les 2e et 3e Cies. du 5e B.C.P., emmenées par le 
				capitaine Willigens, gagnèrent la croupe de la chapelle Saint 
				Antoine ( Saint Morand), au nord-est du village, puis 
				déferlèrent sur Steinbach ; le capitaine Chenot fut tué en 
				arrivant vers les premières maisons. Le poste de garde de la 5e 
				Cie. du L.I.R. 119, tenu par le Leutnant Fach, submergé, résista 
				plus d'une heure à 15h15, la position était prise avec 25 
				prisonniers.
 
 Au sud, sous les ordres du commandant Debain du 213e, la 1er 
				Cie. du 5e B.C.P., la section de mitrailleuses et la compagnie 
				Jeambreau du 213e R.I assiégèrent durant quatre heures les 
				positions de la cote 425 tenues par le détachement du Leutnant 
				Schneider, de la 5e Cie. du L.I.R. 119. Vers 19 heures, malgré 
				l'arrivée de quelques renforts et alors que les Français 
				n'étaient plus qu'à une trentaine de mètres, le Leutnant 
				Schneider ordonna le repli sur l'usine de Sandozwiller et la 
				route de Steinbach, couvert par les tirs de la 4e Cie.. Les 
				Français retournèrent les tranchées prises et repoussèrent une 
				contre-attaque de deux sections de la 6e Cie. Dans le secteur de 
				la chapelle Saint-Antoine (saint Morand), sur le plateau d'Ufflholtz, 
				la Radfahrkompagnie et la 8e Cie. du L.I.R. 119, bousculées, 
				tenaient leurs lignes. Vers 23h, les 3e et 6e Cies. reçurent 
				l'ordre de reculer sur Uffholtz pour protéger le village durant 
				la nuit.
 
 Une pluie torrentielle inonda les tranchées. Robert Pelissier du 
				5e B.C.P. laissa dans ses lettres et carnets une description 
				précise de cette première bataille de Steinbach. Né en 1882, il 
				avait quitté les Etats-Unis, sa patrie d'adoption, et 
				l'université Stanford où il enseignait la littérature pour 
				rejoindre les rangs des chasseurs à pied ; durant la guerre, il 
				écrivit régulièrement à sa famille à Brooklyn ainsi qu'à sa 
				fiancée à Auburn et à ses amis et collègues : "Nous entamâmes 
				donc notre descente sur des pistes en forêt, l'esprit traversé 
				de pensées. Le canon tonnait au-dessous de nous. Nous pouvions 
				apercevoir des ballons se balançant au-dessus de la plaine et un 
				« taube » qui ne cessait de décrire des cercles au-dessus de nos 
				têtes, nous obligeant à nous mettre de temps à autre à couvert. 
				Aux environs de 15 heures, nous sortîmes brusquement des bois 
				pour pénétrer dans quelque vignoble ; le village était là, à 
				près de 600 yards, dans une cuvette.
 
 Dans l'intervalle, nous avions été repérés, et le tir débuta. 
				Nous nous dispersâmes en ligne sur la crête, ne laissant entre 
				chaque homme qu'un espace de deux mètres, et ce tout en tirant. 
				Puis nous nous levâmes tous, parcourûmes quelques mètres au pas 
				de course avant de nous allonger et de tirer à nouveau. Nous 
				avions progressé d'une bonne centaine de yards de cette manière 
				quand, à notre grande surprise, nous entendîmes nos clairons 
				sonner la charge. Nous étions encore à une bonne distance du 
				village, mais il n 'y avait rien d'autre à faire que se lever et 
				descendre dans les vignes en hurlant comme des sauvages. Au bas 
				de la pente se trouvait un ruisseau et nous nous dirigeâmes vers 
				celui-ci. Des hommes tombaient ça et là, d'aucuns s'éloignaient 
				en rampant. D'autres étaient immobiles. C'est à ce moment que 
				notre capitaine fut tué. Son ordonnance me raconta qu'il avait 
				été touché à l'estomac, était tombé d'un bloc, s'était assis, 
				avait rassemblé ses forces, avait ri puis avait perdu 
				connaissance. Il était mort peu après. Au moment où nous avions 
				atteint le ruisseau, nous y étions retranchés et avions ouvert 
				le feu sur des fenêtres et des toits nous paraissant suspects, 
				les Allemands s'étaient volatilisés ou s'étaient cachés dans les 
				caves. Le fait est qu' 'ils n 'avaient pas imaginé que nous 
				arriverions par la montagne, et ils furent pris tout à fait par 
				surprise. Nous nous sentions assez bien, parcourant le village à 
				la recherche de prisonniers, mais bien vite, c 'est nous qui 
				fûmes joués. Nous étions cinq compagnies, pas une de plus, et il 
				n 'y avait pas de possibilité d'obtenir des renforts qui 
				traverseraient cette satanée montagne. La pluie se mit à tomber, 
				et nous reçûmes l'ordre de creuser des tranchées aux abords du 
				village. Nous les creusâmes, mais toute la nuit nous entendîmes 
				également des trains ronflant dans la vallée en provenance de 
				Mulhouse et de Senheim. Leurs projecteurs ne cessèrent de zébrer 
				le ciel au-dessus de nous, nous amenant à nous aplatir dans la 
				boue à chacun de leur ratissage ".
 
 La pression française sur Cernay devenant plus forte, 
				l'Etat-major allemand décida d'engager en renfort des éléments 
				de la division volante Fuchs (Generalleutnant Georg Fuchs), 
				constituée sur l'ordre du Kronprinz et forte de deux brigades 
				d'active, débarquées à la gare Mulhouse le 12 : la 31e 
				Infanterie Brigade (I.R. von Horn Nr. 29, I.R. 69), détachée de 
				la 16e Division, et la 29e Infanterie Brigade (Oberst von 
				Strantz), détachée de la 15e Infanterie Division sur le front 
				d'Ypres ; les deux régiments rhénans de cette Brigade Von 
				Strantz, le 25e Infanterie Régiment von Lûtzow et le 161e 
				Infanterie Régiment (Oberst Wilcke), devaient jouer un rôle 
				considérable dans les combats à venir autour de Steinbach.
 
 Dans son journal, Auguste Zundel, adjoint de la ville de 
				Mulhouse, relata l'arrivée des jeunes soldats rhénans : "Grand 
				arrivage ; une division du 8" corps rhénan nous arrive de 
				Belgique ; environs 40 trains ; beaucoup déjeunes soldats, 
				parfois en piteux état ; ils viennent de  Duixmuyden (Duimude) 
				et Ypers et racontent leurs aventures ; on leur a dit qu' 'ils 
				auraient une huitaine de jours de repos, et alors ils auront 
				l'honneur de l'attaque de Belfort". Ce repos fut écourté par 
				l'envoi sur Cernay.
 
 Le 14 janvier, après une puissante préparation d'artillerie, la 
				Brigade von Strantz contre-attaqua, couverte sur la droite par 
				la 31e Brigade; le mauvais temps retarda l'opération, déclenchée 
				vers 11 heures ; les IIe et IIIe bataillons de l'I.R.161, 
				soutenus à gauche par les 3e et 6e Cies. et à droite par la 5e 
				Cie. du L.I.R. 119, attaquèrent Steinbach par un mouvement 
				enveloppant depuis la croupe Saint-Antoine. Vers 16 heures, la 
				8e Cie. du I.R.161 (Oberleutnant Meyer) était maître du village 
				; de nombreux soldats français furent fait prisonniers. Ils 
				avaient vainement attendu le soutien de la 22e Cie. du 334e R.I. 
				(capitaine Gossot), chargée d'assaillir le village par le nord, 
				mais qui avait du déloger un poste allemand installé au sommet 
				du Schletzenburg ; ce fut autour de ce promontoire que le 
				commandant Colardelle regroupa son détachement. Durant la nuit, 
				les soldats s'y retranchèrent, creusant le sol tels des ratiers, 
				brûlant leurs dernières forces.
 
 Robert Pelissier souligna la vigueur de la contre-attaque 
				allemande sur Steinbach, l'épuisement de chasseurs acculés : "Au 
				petit matin, nous étions face à 16 compagnies allemandes et à 
				une forte artillerie. Nous étions trempés jusqu' 'aux os, n 
				'avions rien mangé et n 'avions pas dormi (le temps froid et 
				pluvieux, constante des combats de Steinbach, allait éprouver 
				bien des soldats par la suite). Néanmoins, il n 'y avait rien à 
				faire sinon se bagarrer et toute la matinée, heure après heure, 
				allongés dans un bois, nous tirâmes sur les Allemands, puis sur 
				d'autres Allemands encore, qui ne cessaient d'arriver alors que 
				l'artillerie déversait ses obus sur nous et que nous n'avions 
				rien à manger. Dans l'après-midi, nous dûmes reculer afin de ne 
				pas être encerclés.
 
 Je pensai que nous retournions à notre point de départ, mais au 
				lieu de redescendre sur l'autre versant, nous tournâmes à droite 
				et à la tombée de la nuit, nous étions à nouveau au-dessus de 
				Steinbach. Nous passâmes une nuit de plus sous la pluie. Nous 
				mangeâmes quelques sardines et des biscuits. Nous apprîmes que 
				nous attaquerions le lendemain matin. Mais le lendemain matin, 
				il apparut que nous avions perdu trop d'hommes pour attaquer. 
				Dans l'après-midi, nous fûmes attaqués, mais nous nous en 
				tirâmes. Aux environs de 23 heures, notre commandant jugea qu' 
				'il était temps que nous nous retirions, alors nous nous mîmes 
				en marche en silence, un par un, et suivîmes de notre mieux un 
				sentier dans l'obscurité. Pour 6 heures, nous étions de retour, 
				en sûreté, dans la ville de Thann, mais nul n 'est besoin de 
				dire que nous étions tous éreintés. Nous n 'avions pratiquement 
				pas dormi ou mangé depuis trois jours, et nos vêtements avaient 
				parfois gelé sur nous. Nous avions perdu 525 hommes sur 1 400, 
				et cette affaire ne pouvait donc être qualifiée de succès. Tel 
				aurait été le cas si nous avions eu cinq compagnies pour nous 
				appuyer après que nous avions pris le village ".
 Les défenseurs de la cote 425 avaient repoussé les assauts 
				allemands et seul un groupe d'une vingtaine d'hommes de la 4e 
				Cie. du L.I.R.119, entraîné par le Feldwebelleutnant 
				Schwerdtfeger, avait pu se maintenir en contrebas des positions 
				jusqu'au soir. L'Etat-major mobilisa alors cinq compagnies du 
				L.I.R. 119 (les 3e, 4e, 5e, 6e, et 8e) et une compagnie du 
				I.R.25 pour reprendre l'offensive ; dans l'obscurité, les 
				fantassins allemands gravirent les pentes boueuses et glissantes 
				du vignoble en traversant des clôtures ; un groupe d'une 
				trentaine d'hommes, sous les ordres du Leutnant Honold, prit 
				pied à mi-hauteur de 425, mais les tirs nourris de l'adversaire, 
				la nuit et la fatigue empêchèrent la poursuite du mouvement. 
				Dans les abris inondés, les Allemands entamèrent leurs rations 
				de Noël et, plus tard, les cuisines de campagnes arrivèrent vers 
				la fabrique Baudry. La 7e Cie., à Cernay, fut envoyée vers 
				Uffholz pour renforcer l'aile droite du régiment et colmater la 
				brèche avec l'I.R. 25.
 
 Le retentissement des combats fût immédiat, mêlant comme souvent 
				rumeurs et réalités. Auguste Zundel consigna : "Grands combats 
				autour de Cernay ; les Français ont pris Steinbach le dimanche ; 
				les Allemands le reprennent lundi, non sans grosses pertes, ils 
				font 300 prisonniers, des chasseurs à pied, mais perdent plus de 
				2000 hommes. Le canon a tonné ces deux jours sans discontinuer. 
				La brigade du 21e a été décimée ; la Landwehr qui devait servir 
				les troupes actives faisant l'assaut a refusé de marcher, voyant 
				les premiers fauchés ; on ramène à Mulhouse des officiers les 
				mains liés ! Sans doute passerons-ils en conseil de guerre, mais 
				sont-ils responsables si leurs hommes refusent l'obéissance et 
				ne veulent se faire mitrailler ? Les survivants reviennent à 
				Mulhouse et sont relayés par l'autre brigade ; ils racontent que 
				la bataille a été plus meurtrière que celles auxquelles ils 
				avaient pris part en Belgique".
 
 Le 15 décembre, vers midi, le commandant de Pelacot remplaça le 
				commandant Debain à la tête des troupes défendant la cote 425. 
				Côté allemand, le Generalleutnant Fuchs mobilisa des moyens 
				considérables pour s'emparer de l'éperon. L'I.R. 25 releva 
				l'I.R.161. et, vers 15 heures, l'artillerie bombarda violemment 
				les tranchées de la 5e Cie. du 5e B.C.P. (capitaine Délivre), 
				rapidement assaillis par le IIe bataillon du I.R. 25. Les 
				colonnes feldgrau percèrent les lignes et des combats rapprochés 
				firent rage autour du poste de commandement de la compagnie ; 
				englués dans la boue, des soldats urinèrent sur leurs armes 
				enrayées. Malgré le secours tardif de la 24e Cie. du 334e R.L, 
				les chasseurs durent se replier en contrebas de la croupe vers 
				le Hirnelestsein. La 20e Cie. du 213°R.I. (capitaine Bergeret) 
				reçut l'ordre de contre-attaquer sur 425, mais l'obscurité et 
				l'épuisement des hommes ajournèrent l'opération.
 
 Sous une pluie diluvienne, les combattants creusèrent des 
				retranchements ; les hommes de Colardelle, harassés, ne pouvant 
				répondre aux ordres d'attaque sur Steinbach, furent ramenés sur 
				Thann vers 22 heures. Partout des bruits de pelles, de pioches 
				et de scies, des barbelés installés à la hâte. Toute la nuit, 
				dans Steinbach, sur le plateau d'Uffholtz et la cote 425, les 
				Allemands renforcèrent leurs positions ; l'Armee-Abteilung Gaede 
				tenait son premier grand succès et le Generalleutnant von 
				Falkenhayn, chef d'état-major général des armées en campagne, 
				transmis à Gaede les félicitations du Kaiser pour avoir défendu 
				le sol allemand. Les premières croix de fer de première classe (Eisernes 
				Kreuze 1.Klasse) furent distribuées à cette occasion.
 Côté français, le choc était rude : en trois jours le 5e B.C.R, 
				à lui seul, avait perdu plus de 400 hommes. Une section du 
				groupe de brancardiers divisionnaires, le G.B.D. 66, arriva le 
				16, et fut répartie entre Pastetenplatz, Thomannsplatz et 
				Waldkapelle. Une partie de la population de Steinbach s'était 
				réfugiée dans les caves, une autre avait pris précipitamment la 
				fuite. Placé entre deux feux, victimes et spectateurs, les 
				villageois sortaient de leurs sombres cachettes lors des 
				accalmies pour ensevelir les cadavres, soigner les blessés et 
				chercher quelques vivres. L'usine Rollin, une fabrique de 
				caoutchouc située à l'ouest du village, ainsi que plusieurs 
				maisons étaient éventrées.  Les Allemands, retranchés dans 
				les habitations, poursuivaient leurs travaux de fortification 
				tandis que les Français rassemblaient des troupes fraîches et de 
				l'artillerie. Des barricades, des traverses furent aménagées 
				dans les rues avec des cuves de vignerons et des tonneaux 
				remplis de gravats ; les nombreux grillages et barbelés déployés 
				couvrirent rapidement le village d'un filet d'acier.
 
 Le 17 décembre, les soldats du I.R.25 furent relevés par les 3e, 
				5e et 7e Cies du L.I.R.119. Le régiment, désormais placé sous le 
				commandement de l'Oberst Scholl et renforcé par le 
				LandsturmbataillonMannheim, occupait Cernay et les hauteurs 
				entre Uffholtz et Steinbach. La 6e Cie tenait les tranchées de 
				425, quotidiennement harcelées par les Français.
 
 Les déferlantes
 
 Le 24 décembre, le général Putz ordonna à la 66e D.I. d'attaquer 
				« sur Wattwiller, Uffholtz, Cernay et la Croisière en débordant 
				Steinbach par le nord et par le sud » ; le général Guerrier 
				exigea aussitôt la poursuite des offensives sur le front 
				Wattwiller-Sandozwiller et l'ordre n°138 de la division pour le 
				25 décembre prescrivit la prise de Cernay. En sus du 213e R.L, 
				déjà bien rodé et dont les effectifs avaient chuté à deux mille 
				hommes, on engagea dans le secteur près de trois mille huit 
				cents combattants supplémentaires du 152e R.I. (Gérardmer) et du 
				15e B.C.P.(Remiremont) de la 81e brigade (colonel Mariano Goybet). 
				Le plan d'opération prévoyait, à gauche, une progression du 15e 
				B.C.P. vers Uffholtz et à droite, l'attaque de la cote 425 par 
				le Ve bataillon du 213e R.I (capitaine Larmes) en partant de la 
				Waldkapelle ; au centre, la moitié des troupes du 152e (six 
				compagnies ; quatre du II bataillon et deux du Ier) avait pour 
				mission de déboucher au nord de Steinbach par le Schletzenburg 
				puis d'avancer vers la lisière sud-ouest d'Uffholtz ; deux 
				compagnies du Ier bataillon (commandant Castella) devaient 
				descendre par l'AmseIkopf et le Hirnelestein puis, en liaison 
				avec le 213e, déborder Steinbach par le sud. Le groupe alpin du 
				28e B.C.A. était chargé d'appuyer et de couvrir sur la gauche le 
				mouvement de la brigade ; le IIIe bataillon du 15-2 serait 
				laissé en réserve de division au Thomannsplatz. Une section du 
				G.B.D. 66 arriva en renfort, présage funeste pour les soldats ; 
				en face, 5 bataillons allemands étaient en ligne. Le siège de 
				Steinbach allait commencer.
 
 
  Le 
				25 décembre, vers 1 heure du matin, le 152e R.I quitta son 
				cantonnement à Fellering. Le capitaine Lallemant de Liocourt, 
				commandant la 10e Cie. du IIIe bataillon décrivit dans son 
				journal de route sa veillée de Noël : "Vers minuit, suis 
				réveillé. Ordre de départ. Je dis adieu à la bonne petite 
				chambre et au confort. Marche dans la nuit, dans la vallée et 
				dans le silence. On traverse Wesserling, etc....On voit des 
				gens, des femmes, des sœurs qui vont à la messe de minuit, ou en 
				sortent. On se dit : ils en ont de la chance ceux-là....Les 
				autos de l'Etat-major nous rasent tout le temps. Voilà d'autres 
				heureux du monde. Grimpés de Bitschwiller à Pasteten, au petit 
				jour. Des civils aménagent le chemin. Pièces de 155 long. A 
				Pasteten : nombreux Alpins. On continue à marcher en colonnes. 
				Arrivée à Thomannsplatz. Petit Col ; pentes assez raides partout 
				; par-dessus, de gros blocs de pierre; par-dessus de la neige. 
				Voilà notre logis. Plus loin une hutte, c'est le poste d'alpins. 
				Il passe beaucoup de mulets et on gèle. On mange debout quelque 
				chose de froid et on se dit que c'est Noël. Passage du 15 
				Chasseurs, qui est encore flambant neuf". Vers 6 heures, le 
				commandant Jacquemot, siffla une pause et du café fut préparé. 
				Les fantassins en ordre de marche descendirent les crêtes ; des 
				nuées colorées et fiévreuses traversaient les forêts recouvertes 
				de givre ; la marche dissimulait les tremblements. 
 Dans les postes de secours disséminés le long du front, à la 
				Waldkapelle et entre Pastetenplatz et Schletzenburg (15-2), dans 
				le bois d'UffhoItz et au Thomannsplatz (15e B.C.E), à la Maison 
				Rouge (213e R.I.) on prépara morphine, pansements et boissons 
				chaudes. Le IIe bataillon du 15-2, 7e Cie. en tête et 4e section 
				en pointe d'avant garde, chercha le contact et s'établit au 
				Schletzenburg à 13h., au moment où l'attaque générale était 
				lancée. Débouchant de la lisière des bois les soldats, aussitôt 
				repérés, furent accueillis par des tirs de mitrailleuse partant 
				du clocher de Steinbach ; vers 16h, les compagnies se 
				retrouvaient, à gauche, appuyées au ravin d'UffhoItz ; à droite, 
				sur le saillant nord - nord-ouest de Steinbach à environs 700 
				mètres du détachement Castella qui dès sa sortie des sapinières 
				du Hirnelestein, avait été cloué sur place par les mitrailleuses 
				de la cote 425 ; depuis les hauteurs, de Liocourt observait le 
				théâtre des opérations : "C'est comme un tableau de bataille ; 
				on voit les nuages blancs des shrapnells des deux artilleries et 
				les lueurs des coups de départ allemands. Un coup massif de la 
				gare de Cernay, puis un coup de la forêt de Nonnenbruch, puis un 
				derrière la route. Nous allons aussi à l'Oetsenheim [le rocher 
				d'Ostein], d'où on voit le ballon de Guebwiller. Les Alpins 
				m'offrent une place pour la nuit. On apprend que l'attaque ne va 
				pas toute seule. Arrivée de blessés et de prisonniers ".
 
 Le 15e B.C.P. était parvenu aux portes d'UffhoItz, occupant la 
				croupe au nord de la chapelle Saint-Antoine. En liaison par 
				patrouilles avec le 152e R.I., il put se maintenir sur ses 
				positions durant quatre jours. Les 16e et 17e Cies. du 213e R.I. 
				s'étaient élancées à découvert puis frayées tant bien que mal un 
				passage à travers les abattis qui protégeaient la tranchée 
				allemande de la cote 425 ; des tirs d'enfilade, partant de la 
				lisière sud-ouest du village, avaient contraint les fantassins à 
				s'abriter derrière les amoncellements de bois. L'appui des 
				canons de 65 de montagne, installés au Herrenfluh, s'était 
				révélé insuffisant ; à la nuit tombante, les soldats se 
				retranchèrent, réoccupant d'anciennes tranchées creusées par le 
				5e B.C.P.. La progression vers Uffholtz et Cernay, "l'affaire de 
				quelques heures", s'avéra bien plus difficile que prévue.
 
 Dans la nuit du 25 au 26, les Allemands engagèrent en renfort, à 
				Steinbach et sur la cote 425, les 3e et 4e Cies. du L.I.R.40. Le 
				26, les efforts français se concentrèrent sur 425. Aussi, la 9e 
				Cie du 68e B.C.A., en repos à Bitschwiller, monta en ligne et le 
				groupe Castella fut provisoirement placé sous les ordres 
				lieutenant-colonel Frantz. Après une préparation d'artillerie 
				plus importante, le Ve bataillon du 213e R.I. et les sections 
				Castella s'élancèrent, à environ deux cents mètres des lignes 
				allemandes ; les 17e et 19e Cies. attaquèrent de front tandis 
				que la 21e Cie., au nord, et la 20e, au sud, essayèrent de 
				prendre la première ligne allemande en enfilade. La 6e Cie. du 
				L.I.R.119, ébranlée par le bombardement, ne céda pourtant que 
				peu de terrain ; l'Hauptmann Stübler demanda des renforts sur le 
				côté gauche. Les fantassins français refluèrent, subissant les 
				tirs d'enfilade de mitrailleuses installées dans les maisons en 
				lisière du village ainsi qu'une contre-attaque sur le flanc 
				droit. Le 213e R.I. perdit 151 hommes lors de cette journée. Les 
				blessés rejoignaient l'hôpital de Thann où l'ambulance alpine 
				1/74 tentait de faire au mieux sous les ordres du médecin 
				divisionnaire Uffholtz. Côté allemand, sur les 160 hommes de la 
				6e Cie., il n'en restait que 91. Vers 2h30, l'unité fut relevée 
				par deux compagnies du I.R.161 et redescendit sur Cernay. La 
				nuit fut froide et dans leurs trous hâtivement creusés, les 
				rescapés de l'assaut, s'emmitouflèrent dans leurs capotes et 
				leurs toiles de tente tandis que des tirs continuaient à 
				résonner ; l'artillerie française bombardait tout le secteur. Le 
				ciel se lézardait d'éclairs de lumière. Il devenait évident que 
				425 ne pouvait être enlevée sans une mainmise sur Steinbach.
 Les Allemands mobilisèrent la 42e Kavallerie Brigade (Heidhorn) 
				; le Ile Ulanen Régiment prit position à Wattwiller et 
				Bertschwiller le 27, à l'aube ; le 15e Ulanen arriva le 29 au 
				soir. Le 27, le 15-2 reçut l'ordre de prendre pied dans 
				Steinbach tout en maintenant ses lignes sur le plateau d'UffhoItz. 
				Le groupe Castella devait progresser le long de la croupe entre 
				le village et la cote 425. Les 21e et 22e Cies du 213e devaient 
				monter une troisième fois à l'assaut de 425. Celui-ci fut lancé 
				à 9 heures, mais les réseaux de barbelés protégeant la tranchée 
				de la cote 425 et les tirs nourris venant du village eurent 
				raison des vagues de fantassins français. On creusa des 
				tranchées dans les vignes et en direction du village. Les 
				Allemands ripostèrent à ces préparatifs par un violent 
				bombardement de canons de 105 et 150 qui coûta la vie aux 
				capitaines Spiess et Vincens. Les Français réussirent à avancer, 
				à environ 200 mètres du village, une pièce de 65 qui tira sur 
				les premières maisons. La 4e Cie. du capitane Laroche investit 
				rapidement la villa Baudry (ancienne villa Brigitta), calcinée, 
				puis força l'entrée du village avec les 1er et 3e sections, 
				commandées par le lieutenant David et l'adjudant Jacques ; les 
				soldats se heurtèrent aux profonds réseaux de barbelés, 
				grillages, abattis et tirs des mitrailleuses, à un ennemi 
				embusqué dans les maisons, les caves, sous les toits. La 
				1°section fut arrêtée par un réseau de barbelés particulièrement 
				dense à une cinquantaine de mètres des habitations ; le 
				lieutenant Félicien David tomba. La 3e section, suivie par la 
				section du génie (aspirant Sportès), progressa par bonds jusqu'à 
				une trentaine de mètres du but.
 L'adjudant Jacques fut tué en tentant de franchir un grillage 
				vertical qui barrait le passage ; quelques hommes y parvinrent, 
				rapidement encerclés ; un seul en réchappa, le soldat Bourgeois. 
				Sous un feu violent, les Français s'organisèrent défensivement ; 
				vers midi, la 2e section, puis la 4e, entrèrent en ligne pour 
				soutenir le mouvement de la 2e Cie. et se relier à elle. Toute 
				l'après-midi, la 4e Cie. se maintint à 30-40 mètres de la 
				lisière du village, au prix de lourdes pertes ; à la nuit 
				tombée, suivant les ordres de la brigade, elle se replia 
				discrètement, homme par homme. En trois jours, le régiment avait 
				perdu 183 hommes, tués, blessés ou disparus. Face à l'afflux de 
				blessés, l'Etat-major dut renforcer les services médicaux de 
				l'hôpital de Thann et du G.B.D.66 en mobilisant l'ambulance 
				alpine 1/64. L'ambulance 2/58, appelé en urgence, s'installa 
				dans l'hôpital Jungck à Moosch. A la fatigue des combats se 
				rajoutaient les épreuves de l'hiver ; le capitaine Lallemant de 
				Liocourt nota : "On a très froid, il neige. On voit toute les 
				lumières de Mulhouse et de Bollwiller. Nous faisons des huttes 
				de branches, mais le vent les traverse. (...) La nuit nous 
				faisons un peu de feu, mais même en nous plaçant juste devant, 
				nous n 'arrivons pas à dormir. Il fait trop froid par en 
				dessous" ; côté allemand, sur la cote 425, à Steinbach, Cernay 
				et Sandozwiller, les compagnies de l'I.R.161 relevèrent celles 
				du L.I.R. 119.
 
 Le 28 décembre, une nappe de brouillard recouvrit le champ de 
				bataille. Dans l'après-midi, une compagnie du 15-2, soutenue par 
				la section
  Vérine 
				de la 4e batterie, s'empara complètement du parc de la Villa 
				Baudry. La 8e Cie du L.I.R.119 fut envoyée soutenir la compagnie 
				du I.R. 161 qui occupait le village. Elle arriva vers 17 h. et 
				resta en réserve durant près de huit heures avant de rejoindre 
				les tranchées du plateau d'Uffholtz. Une attaque de 425 par la 
				23e Cie du 213e R.I. fut annulée par le pressentiment d'un 
				nouveau revers. Maurice Ravel brossa un tableau de la situation 
				à son père dans une lettre datée du 29 : "La bataille se 
				poursuit toujours sans résultat. La tranchée allemande de la 
				cote 425 tient encore et Steinbach n 'est pas encore pris. Je 
				crois qu'il faut renoncer à enlever la tranchée aussi longtemps 
				que le village ne sera pas à nous. Jusqu'à présent, toutes les 
				troupes qui se sont avancées vers la tranchée ont été prises de 
				flanc et décimées par des mitrailleuses ennemies installées dans 
				les maisons du village. Il faut donc soit s'emparer du village 
				soit le détruire. Les troupes du 152e d'Infanterie, chargées de 
				l'attaque, sont arrêtées depuis quatre jours à 300 mètres de la 
				lisière et ne peuvent avancer pour l'instant. Elles ont été très 
				éprouvées par la fusillade et plus encore par le tir des 
				obusiers allemands. Notre artillerie bombarde le village avec 
				fureur. Il brûle en plusieurs endroits. Le clocher a été éventré 
				et c 'est fort heureux, car l'ennemi ne peut plus s'en servir 
				pour observer et pour y installer des mitrailleuses. 
				Malheureusement, les effets du bombardement sont très localisés 
				et les obus ne délogent par les boches de leurs tranchées et de 
				leurs abris et surtout sont impuissants à détruire les réseaux 
				de fil de fer et les abatis. Hier, ma compagnie devait se porter 
				à l'attaque de la tranchée. Au dernier moment, on s'est rendu 
				compte qu'on irait à un échec certain puisque toutes les autres 
				compagnies avaient échoué dans les mêmes conditions. On va 
				essayer au préalable de détruire toutes les maisons où l'on 
				croit qu'il y a des tirailleurs et les tranchées d'où les boches 
				nous canardent". 
 A Mulhouse, Emile Zundel, sensible au sort des civils réfugiés, 
				nota : "Malgré une pluie battante, la bataille continue, 
				nombreux blessés sont amenés en ville puis promptement évacués ; 
				dans la nuit la tempête fait rage, mais ne couvre pas la 
				canonnade ; Steinbach et Cernay sont en feu ; on fait évacuer 
				les habitants sur Mulhouse et Ensisheim, plusieurs ont trouvé la 
				mort, beaucoup sont blessés. Officiellement l'attaque française 
				aurait-été repoussée, mais le contraire avait eu lieu, et 
				l'attaque en vue de reprendre les positions des hauteurs aux 
				environs de Steinbach et Thann par les Allemands a échoué avec 
				de grandes pertes. Les fuyards de Cernay arrivent et sont logés 
				par la ville au Pfundhaus et à la Herberge ; beaucoup se logent 
				chez des parents et amis". Quelques jours plus tard, il précisa 
				: "Ces malheureux sont obligés de quitter leurs maisons et leurs 
				biens ; ils ne peuvent emporter que le strict nécessaire, et 
				encore, dans l'affolement, ils oublient l'essentiel pour 
				emporter du superflu. A peine leurs maisons vidées , elles sont 
				occupées par la troupe qui s'y sent à l'aise, pille et saccage ! 
				Une pauvre femme de Steinbach, perdant la tête, appelle ses 
				enfants égarés, on lui répond que ceux-ci sont sans doute morts 
				dans l'incendie ".
 
 Le 29 décembre, sous une pluie glaciale, le 15-2 gagna du 
				terrain au sud et au nord du village, malgré les salves 
				provenant de "l'ouvrage en V", une tranchée-abri aménagée entre 
				l'église et la cote 425, et de la grande tranchée du plateau d'UffhoItz. 
				Les 5e et 8e Cies. du L.I.R.119, sur le plateau, déplorèrent des 
				pertes sévères dues à l'artillerie et aux mitrailleuses 
				françaises. Une contre-attaque allemande, attendue, ne vint pas. 
				La boue, collante et rubescente, envahissait tout; on pataugeait 
				dans des flaques fangeuses. Le 30 décembre, vers midi, 
				l'artillerie française, installée au Wolfskopf, au Pastetenplatz 
				et sur les hauteurs de Leimbach déclencha un bombardement dont 
				l'intensité crût au fil des heures. La 7e Cie. du 15-2 conduite 
				par le capitaine Marchand, réussit à prendre pied dans les 
				premières maisons de Steinbach, faisant 20 prisonniers, mais se 
				retrouva bloquée dans la grand'rue par une énorme barricade et 
				un incendie. Parmi les morts du jour, on compta le sergent 
				Boutroux, le neveu du philosophe Emile Boutroux, et le caporal 
				Baudry, un jeune chartiste. Sur le plateau d'UffhoItz, les 7e, 
				8e et 9e Cies. du 68e B.C.A. vinrent occuper les tranchées de la 
				croupe Saint-Antoine. Une nouvelle tentative sur 425, menée par 
				les 18e et 23e Cies. du 213e R.I. échoua. Maurice Ravel, nota : 
				"Ma compagnie (la 23e) a été chargée de la prendre d'assaut en 
				la tournant à gauche. Nous avons échoué, malgré l'artillerie qui 
				nous a soutenus jusqu'au bout, tandis que nous subissions un 
				bombardement terrible de la part des Allemands, bombardement qui 
				nous a cloué sur place. Cette affaire nous a coûté trois morts 
				et sept blessés. Le lieutenant, mon collègue, a été tué ". Mais, 
				inexorablement, les lignes françaises se rapprochaient des 
				positions allemandes ; le ravitaillement devenait difficile ; 
				les tirs d'artillerie provoquaient des incendies un peu partout 
				; la nuit, le village rougeoyait, parcouru par des ombres 
				furtives.
 
 À l'aube du 31 décembre, Steinbach était pour près d'un huitième 
				aux mains des pantalons rouges. Les Allemands décidèrent 
				d'évacuer sur Cernay les civils encore terrés dans leurs caves ; 
				ils s'engagèrent sur les routes de l'exode, disséminés dans la 
				région de Mulhouse et le duché de Bade. La vie de réfugié, 
				incertaine et précaire, valait mieux que la mort ! Les combats 
				de rue, acharnés et meurtriers, se poursuivaient au milieu des 
				flammes, des bombardements incessants ; les tirs dérobés partant 
				des soupiraux, des toits, des murs crénelés fauchaient de 
				nombreux combattants. La progression se faisait maison par 
				maison, entre ruines, barricades et tranchées creusées à la 
				hâte. Au soir, les Français tenaient un tiers du village. Les 
				effectifs étaient sérieusement entamés ; aux morts et blessés se 
				rajoutaient les nombreuses évacuations pour gelures des pieds ; 
				les brodequins cloutés n'offraient guère plus de protection 
				après de longues heures dans une eau glaciale. La défense 
				allemande fléchissait, mais ne rompait pas ; une deuxième ligne 
				défensive avait été reformée à l'intérieur du village ; les 
				canonniers français et allemands tirèrent pour annoncer la 
				nouvelle année et la matinée du 1er janvier fut plutôt calme ; 
				courte trêve ; vers 14h30, deux batteries de 65 du 2e R.A..M et 
				une batterie de 75 du 56e R.A. engagèrent la préparation 
				d'artillerie sur Steinbach et la cote 425 ; la réplique 
				allemande, immédiate, se traduisit par une pluie d'obus de 105 ; 
				dans le village, les fantassins du 15-2, tenus en échec, ne se 
				rapprochèrent que d'une cinquantaine de mètres de l'ouvrage en 
				V, flanqué par les mitrailleuses de 425 ; deux avions aux 
				cocardes "bleue-blanc-rouge" survolèrent le secteur, offrant aux 
				Allemands l'occasion de tester leurs nouveaux obusiers arrivés 
				de Bavière (Langrohrhaubitzen).
 
 Dans la nuit du 1er au 2 janvier, les éléments du 68 B.C.A. 
				repoussèrent trois tentatives contre les positions de la croupe 
				Saint-Antoine sur le plateau d'Uffholtz. Durant la journée du 2 
				et la nuit du 2 au 3, les Français grappillèrent encore un peu 
				de terrain ; les lignes les plus avancées s'établirent de la 
				chapelle Saint Antoine jusqu'à une centaine de mètres au nord de 
				l'ouvrage en V en passant par la place de la fontaine ; le 
				sergent François Boucher fut tué lors de cette progression (son 
				frère, Paul, qui commanda la 1" Cie. du 15-2 à l'Hartmann fit 
				ériger une croix en sa mémoire). La place de l'Église n'était 
				plus qu'à 150 mètres, mais les soldats rhénans de l'I.R.161 
				faisaient payer chèrement chaque mètre gagné ; ils résistaient 
				tels des forcenés, animés par le sursaut des bêtes acculées.
 
 Sur le plateau d'Uffholtz, des silhouettes nouvelles étaient 
				apparues ; en effet, le 2 au soir, les II° et III° bataillons du 
				L.I.R.110 avaient relevé le L.I.R. 119, envoyé en repos à 
				Niedermorschwihr. Le froid, l'effroi, la boue jusqu'aux genoux, 
				les cendres fumantes, les combats nocturnes, les odeurs acres de 
				cadavres, entamaient les esprits les plus trempés ; fumées et 
				vapeurs se mêlaient au gris du ciel ; une atmosphère putride et 
				lunaire enveloppait le village ; la nuit, les vêtements mouillés 
				gelaient ; l'Etat-major français décida d'en finir !
 
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