Un personnage féminin
de l'Evangile est revenu sur le devant de la scène récemment : Marie
de Magdala ou Marie
Madeleine. Ceci -entre autres- grâce à un roman policier que beaucoup
ont pris pour un traité de
théologie.
De nombreuses questions sont posées concernant Marie Madeleine. A-t-elle
existé ? Qui était-elle
vraiment ? Que peut-on dire d'elle historiquement ? Par quels documents
la connaissons-nous ?
Quels étaient ses rapports avec Jésus ? Comment les évangiles en
parlent-ils ? Comment la
tradition chrétienne en a-t-elle transmis le souvenir ? Une grande
confusion règne à ce sujet. Jésus
était-il célibataire ou marié ? L'Eglise a-t-elle occulté des vérités
historiques ?
Nous procéderons en quatre étapes. Dans un premier temps, nous
essayerons de rejoindre Marie de
Magdala qui a suivi Jésus pendant sa vie publique. Dans un deuxième
temps nous regarderons
comment les quatre évangélistes ont parlé de Marie Madeleine. Une
troisième étape nous
permettra de mettre au jour une confusion malencontreuse qui a
complètement occulté pendant de
longs siècles le témoignage essentiel des évangélistes au sujet de Marie
de Magdala. Dans un
quatrième temps, nous nous arrêterons à deux textes du deuxième siècle
dont la diffusion massive
en 2005 a soulevé de nombreuses questions.
Le but de cette émission est clair. Elle veut réhabiliter Marie de
Magdala.
1. Première étape : le regard de l'historien nous permet de découvrir
Marie Madeleine disciple de
Jésus de Nazareth dans les années 28 à 30 de notre ère.
Grâce à un regard critique sur les Évangiles, qui sont cependant plus
tardifs, grâce aussi à des
données historiques, économiques, religieuses, sociales du premier
siècle, que nous connaissons
par ailleurs, nous pouvons nous représenter ce qu'était globalement la
vie de Marie Madeleine
notamment dans les trois années où elle faisait partie de ceux et de
celles qui suivaient Jésus.
Marie Madeleine est originaire de Galilée, la région riante du nord du
pays.
Elle vient de Magdala, une localité située sur la rive ouest du lac de
Tibériade.
D'où son surnom « Marie de Magdala », « Marie Madeleine » ou « la
Magdaléenne ».
Elle est donc originaire de la même région que Jésus, une région
éloignée de Jérusalem et ouverte
sur l'étranger. Marie habitait en Galilée, au bord du Lac de Tibériade,
là où Jésus a commencé son
action publique et où des foules nombreuses se rassemblaient sur son
passage. Elles étaient avides
d'une parole nouvelle et libératrice. Nombreux étaient ceux qui
espéraient la guérison de leurs
maladies physiques et psychiques. Parmi eux il y avait Marie Madeleine.
Elle a été guérie par
Jésus. Selon la mentalité de l'époque elle a été libérée des esprits
mauvais auteurs de la maladie.
Luc note que « sept démons étaient sortis d'elle » (Le 8,2). Cette
expulsion de démons ne signifie
aucunement que Marie Madeleine était pécheresse, mais qu'elle a été
guérie d'une maladie
importante. Elle se met alors à suivre Jésus avec son groupe. Cela
pouvait poser question aux
rabbins qui n'acceptaient pas de femmes comme disciples. Pour Jésus cela
ne posait pas de
problème. Il acceptait indifféremment hommes et femmes dans son équipe.
Cette attitude de Jésus était innovante et
révolutionnaire à une époque et dans une société où les
femmes étaient loin d'être à égalité avec les hommes. En effet .elles
étaient soumises d'abord au
père, puis au mari dont elle étaient devenues la possession. Elles
pouvaient être répudiées. Elles
ne pouvaient ni gérer les biens, ni hériter. Elles étaient marquées par
de nombreux interdits et
tabous concernant la pureté et spécialement le sang des règles. Leur
accès au Temple était limité
au parvis des femmes. Elles devaient se taire à la synagogue. Elles
étaient tenues d'observer les
interdictions de la loi. Elles n'étaient pas obligées de respecter tous
les commandements, ni
d'étudier la loi. Au 2° siècle de notre ère, Rabbi Yediyah demandera aux
Juifs de prononcer
chaque jour trois louanges. La deuxième commence ainsi : « Loué sois-tu
de ne pas m'avoir fait
femme, car la femme n'est pas tenue aux commandements... » . En se
mettant à la suite de Jésus,
Marie Madeleine et les autres femmes changeaient de monde.
Les évangiles laissent supposer que Marie Madeleine a suivi Jésus avec
les disciples, les apôtres
et d'autres femmes depuis le début de son action en Galilée jusqu'à son
exécution sur la croix à
Jérusalem. Comme eux, elle a donc été présente lors des soins et des
guérison de malades par
Jésus. Elle y voyait l'action bienfaisante de Dieu. Elle a pu entendre
les béatitudes, voir les foules
partager le pain et manger à satiété, rendre service quand cela
s'avérait nécessaire, trembler avec
les apôtres à l'annonce de la montée à Jérusalem. Avec d'autres femmes,
mais sans les disciples
masculins, sauf Jean, elle sera présente jusqu'au bout près de la croix.
Mais sa présence ne s'arrête pas là. L'accord des quatre Évangiles sur
sa place après la
résurrection permettent de supposer qu'elle était présente et active dès
le début de la découverte
de ce mystère. Malheureusement nous ne disposons pas d'autres données
historiques sur ce qu'elle
a fait ensuite. Mais beaucoup de monde dans l'Église et hors de l'Église
s'ingéniera à combler cette lacune.
La question « Jésus était-il marié » est une vraie question. La
situation normale d'un homme à
cette époque était l'état de mariage. C'était tellement normal qu'on
n'en parlait pas. Les apôtres
étaient certainement mariés. Les évangiles n'en parlent pas. On découvre
par hasard que Pierre -
le premier pape,- avait une belle mère. Donc qu'il était marié. Le
problème n'était pas là. Le
problème était la maladie de la belle mère et sa guérison.
Jésus était-il marié ? Les sources n'en parlent pas. Que la réponse soit
positive ou négative cela ne
changerait rien. Si les Évangiles n'en parlent pas, c'est que la
question leur paraissait sans
importance. Ce qui est extraordinaire - ou choquant - ce ne n'est pas
que Jésus aurait peut-être été
marié. Ce qui est extraordinaire et mystérieux, c'est que Dieu, le
maître des mondes et de
l'histoire, infiniment plus grand et plus mystérieux que tous les
univers et toute leur histoire
vienne habiter parmi nous en Jésus de Nazareth. Vu à la lumière de
l'incarnation la question du
mariage possible de Jésus est réduite à sa juste dimension.
Quant à dire qu'il s'agirait d'un mariage avec Marie Madeleine, aucune
donnée biblique ne nous
permet de l'affirmer ni de l'infirmer. Si on imagine une descendance on
peut cependant s'étonner
qu'aucun descendant de Jésus n'ait revendiqué la succession.
Quant à parler d'une descendance allant jusqu'aux rois mérovingiens et
par eux jusqu'à
aujourd'hui, il s'agit des fantasmes d'un roman policier qui peut se
lire avec un certain intérêt.
Mais à la lecture on risque d'oublier trop facilement qu'il s'agit d'un
roman policier et non pas d'un
ouvrage historique ou théologique.
2. Deuxième étape de notre réflexion: le témoignage des
évangélistes....
La rédaction finale des évangiles a eu lieu entre 35 à 65 ans après
l'exécution de Jésus. Dans les
quatre évangiles canoniques. Marie Madeleine est la femme la plus
souvent mentionnée après Marie, mère de Jésus. Marie de Magdala y figure
quatorze fois. Lorsque son nom apparaît dans le texte avec d'autres
femmes, à une exception près, elle est toujours citée en premier.
Que disent concrètement les quatre évangiles de Marie Madeleine ?
Marc qui écrit dans les années soixante, parle de Marie Madeleine à deux
reprises : dans son récit sur la mort de Jésus et dans celui sur la
résurrection.
Premier récit: Jésus vient d'expirer sur la croix.
Marc écrit :
« II y avait aussi des femmes qui regardaient à distance, entre autres
Marie de Magdala, Marie mère de Jacques le petit et de Joset, et Salomé,
qui le suivaient et le servaient lorsqu'il était en Galilée et beaucoup,
d'autres femmes qui étaient montées avec lui à Jérusalem. » (Me 15,40).
Ces femmes regardaient à distance. Était-ce parce que les crucifiés
étaient nus ?
Marie de Magdala est citée la première.
Elle faisait partie des femmes qui étaient avec Jésus dès le début en
Galilée et qui sont présentes au moment de sa mort.
Le rôle de ces femmes est signifié par deux verbes:
1. Elles suivaient Jésus comme des disciples.
2. Elles servaient Jésus. Le verbe servir «diakonein » ne désigne pas
seulement le service de table, mais l'attitude fondamentale du disciple
« qui n'est pas au-dessus du maître » et qui doit être « comme celui qui
sert ». Après la mise au tombeau de Jésus les femmes sont toujours
présentes« Marie de Magdala et Marie mère de Joset regardaient où Jésus
avait été placé. » (v.47)
D'après le deuxième récit de Marc : Le sabbat étant passé, Marie
de Magdala avec Marie, mère de Jacques et Salomé achètent des aromates
pour oindre le corps de Jésus. La pierre du tombeau est roulée. Un jeune
homme vêtu d'une robe blanche leur annonce « Jésus n'est plus ici. Allez
dire à ses disciples et à Pierre : 'II vous précède en Galilée.' »
Selon l'évangéliste :
« les femme s'enfuient... elles ne disent rien à personne, car elles
avaient peur... »
C'est par la mention de cette peur que se termine l'évangile original de
Marc... Dans la suite on y ajoutera une conclusion plus positive
inspirée des autres évangiles.
Retenons de Marc que les premières au tombeau étaient les femmes, que la
toute première était Marie Madeleine, mais que ces femmes avaient peur
de parler.
Nul ne sait ce qu'elle est devenue Marie de Magdala et si elle vivait
encore au moment de la rédaction de cet évangile dans les années
soixante.
Une dizaine d'années après Marc, Luc rédige son, évangile. Il
parle de Marie Madeleine à deux reprises d'une part dans les versets
évoquant l'entourage féminin de Jésus, d'autre part dans le récit de la
résurrection d'après lequel les apôtres n'accueillent pas l'annonce
faite par les femmes.
Premier texte de Luc :
« Jésus faisait route à travers villes et villages et annonçait la bonne
nouvelle. Les Douze étaient avec lui, ainsi que quelques femmes qui
avaient été guéries d'esprits mauvais et de maladies : Marie surnommée
la Magdaléenne, de laquelle étaient sortis sept démons, Jeanne, femme de
Chouza intendant d'Hérode, Suzanne et plusieurs autres, qui les
assistaient de leurs biens. » (Le 8,2-3).
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