Marie-Madeleine.


Dans ce texte, Luc, qui était probablement médecin, parle de la guérison de Marie Madeleine. Il ne faut pas oublier que dans l'antiquité chasser des démons, ou des esprits mauvais, signifiait « guérir d'une maladie ». Luc place Marie Madeleine en tête des femmes qui accompagnent, Jésus avec les douze apôtres. Les Douze avaient été appelés par Jésus. Mais les évangiles ne disent pas que Jésus a appelé Marie Madeleine. Cela peut s'expliquer : En effet l'institution des douze apôtres voulait évoquer celle des douze tribus d'Israël, dont les ancêtres étaient des hommes.
. D'autre part le témoignage des femmes n'était pas reçu à l'époque.
. Cependant ne pourrait-on pas regarder les guérisons physiques et psychiques comme une réhabilitation sociale et religieuse qui permet de remplir une mission ?
En tous les cas cela a conduit Marie Madeleine à suivre Jésus. S'il n'y a pas d'appel explicite, il y a réponse concrète. D'ailleurs Luc le souligne dans le texte déjà évoqué en liant directement les femmes qui accompagnent Jésus au groupe des apôtres : « Les Douze étaient avec Jésus ainsi que quelques femmes qui avaient été guéries d'esprits mauvais et de maladies ».

D'après le deuxième texte de Luc : le matin de Pâques, les femmes vont rapporter spontanément aux apôtres ce qu'elles ont vu au tombeau. « C'était Marie de Magdala, Jeanne et Marie mère de Jacques. Les autres femmes qui étaient avec elles le dirent aussi aux apôtres. Mais ces paroles leur semblèrent pur radotage, et ils ne le crurent ,pas. » (24,11).

La rédaction finale de l'évangile de Matthieu peut être datée des environs de l'an 90. Comme Marc, Matthieu mentionne Marie Madeleine en premier parmi les femmes de Galilée présentes au calvaire (Mt 27,55-56), puis il évoque son attente, assise avec l'autre Marie devant le tombeau où on avait placé le corps de Jésus. (M 28,1). Le matin de Pâques Marie Madeleine est de nouveau la première avec l'autre Marie devant le tombeau. Elles reçoivent par un ange, puis par Jésus lui-même la mission d'annoncer aux frères qu'il les précède en Galilée. La dernière fois que Matthieu parle des femmes dans son évangile, c'est pour affirmer à deux reprises qu'elles (Marie Madeleine et l'autre Marie) sont chargées de mission (Mt 28,6-10). Étonnant ? Non ?

L'évangile de Jean fut achevé vers la fin du premier siècle. Concernant Marie Madeleine c'est le plus audacieux.

Comme dans les autres évangiles, la Magdaléenne est présente près de la croix avec d'autres femmes (Jn 19,25). Mais, à la différence des autres évangiles, les récits du matin de Pâques ne parlent que d'elle : « Elle vient au tombeau alors qu'il fait encore sombre. Elle voit que la pierre a été enlevée du tombeau. Elle court et elle vient à Simon Pierre et à l'autre disciple que Jésus aimait (probablement Jean). Elle leur dit : 'Ils ont enlevé le Seigneur du tombeau et nous ne savons pas où on l'a mis' » (v. 1-2). Les deux disciples courent au tombeau, l'autre disciple arrive le premier. Il voit et il croit, (v.39). Pour Jean, Marie de Magdala est la seule et la première à découvrir le tombeau vide et à prévenir spontanément les apôtres (v. 1 - 10).

Un deuxième tableau présente Marie de nouveau près du tombeau. Elle voit deux anges qui lui demandent : « Femme, pourquoi pleures-tu ? » Pour la deuxième fois elle exprime sa question: « Ils ont enlevé mon Seigneur et je ne- sais pas où ils l'ont dépose. »

Elle se retourne, voit Jésus sans le reconnaître, qui lui demande : « Femme pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? »

Une troisième fois, le prenant pour le jardinier, elle exprime son inquiétude «, Seigneur, si c'est toi qui l'as emporté, dis-moi où tu l'as mis et j'irai le prendre ». Jésus lui dit : « Marie! »

The Appearance of Christ to Mary Magdalene. By Alexander Ivanov. 1834-1836.Elle le reconnaît et lui dit en hébreu Rabbouni ! », c'est à dire « Maître ! ». Marie veut retenir Jésus. Peut-être se jette-elle à ses pieds pour les tenir embrassés. Jésus dit littéralement « Cesse de me toucher », ce que l'on peut traduire par :
« Ne me retiens pas ! »

Pour Marie, le Jésus qu'elle a rencontré semblait être celui qu'elle a connu durant sa vie terrestre. Pourtant la suite des paroles de Jésus ouvrent sur l'avenir : « Je ne suis pas encore monté vers le Père. Mais va trouver les frères et dis-leur 'Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu.' ».
Le récit s'achève sur une deuxième annonce de Marie de Magdala aux disciples, une annonce officielle pour laquelle elle a reçu mission : « Va trouver les frères et dis-leur ! » (Jn 20,1118).
 Ainsi, d'après l'évangile de Jean, Marie de Magdala est la première messagère d'abord spontanée ensuite officielle de la résurrection de Jésus (Jn 20,18). Il s'agit là d'une annonce faite par une femme à des hommes.

Il faut voir ce que cela signifie. Environ 60 ans après la mort de Jésus, alors que la grande majorité des chefs des églises étaient des hommes, l'auteur de l'Évangile de Jean affirme clairement que la première personne qui fut chargée d'annoncer la résurrection,, non pas au tout-venant, mais aux premiers Apôtres, est une femme. Marie de Magdala.

Les prédécesseurs des papes (Pierre) et des évêques (Jean) reçoivent ainsi l'initiation au mystère fondamental de la Résurrection par une femme.

Depuis on a oublié la portée de ce texte. En revanche on affirme souvent le contraire par des théories, des paroles, des pratiques et des décisions soi-disant « éternelles ». Alors que les femmes trouvent de plus en plus leur place dans la société elles ne peuvent la trouver dans notre Église.

« Sainte Marie Madeleine, priez pour nous. »

3. Troisième étape de notre réflexion : Les confusions de la tradition chrétienne.

Autant la présence de Marie de Magdala dans les Évangiles semble simple et limpide, autant la tradition postérieure a modifié son image par des confusions, des réflexions spirituelles et théologiques, des légendes et des pèlerinages. La première confusion officielle connue remonte à Grégoire le Grand, qui était pape de 590 à 604. Pour lui. Marie Madeleine n'est autre que la pécheresse publique (anonyme) qui, lors d'un repas offert par Simon le pharisien, « tout en pleurs arrose les pieds de Jésus de ses larmes, les essuie avec ses cheveux, les couvre de baisers et les oint de parfum » (Le 7,38). Jésus dira d'elle « Ses péchés, ses nombreux péchés seront pardonnés, puisqu'elle a montré beaucoup d'amour». (Le 7,47).

D'autres verront en Marie Madeleine, Marie, sœur de Marthe et de Lazare de Béthanie chez qui Jésus aimait s'arrêter (Le 10,38-42). Mais Béthanie est près de Jérusalem et Marie Madeleine vient des bords du Lac de Tibériade.

Ainsi par de nombreuses confusions à travers les âges, l'image de Marie Madeleine va devenir « composite. » Une personne en chair et en os va être transformée en symbole. Cela on pourrait encore l'admettre. Mais il s'agit d'un symbole faussé qui exprime le contraire de la réalité historique qui en est à la base.
                                                                                                                                                

    Da Vinci Code                                                                                   page  3