Le Carême

Le Carême qui s’est ouvert avec le mercredi des Cendres est un temps privilégié de pèlerinage intérieur et de conversion pour se préparer à la joie de Pâques. Le jeûne, la prière et le partage sont les moyens concrets proposés par l’Église pour accéder à une plus grande disponibilité et se mettre à l’écoute du Christ
 

Que signifie le mot Carême ?
Le mot Carême est une contraction du mot latin quadragesima qui signifie quarantième. Quarante est, dans la Bible, un chiffre symbolique qui désigne un temps d’attente, de maturation, de dépouillement, de solitude, qui prépare à la rencontre de Dieu, un temps de préparation à de nouveaux commencements. Les quarante jours de Carême sont à l’image des quarante ans que le peuple hébreu, libéré par Dieu de l’esclavage en Égypte a passés au désert avant d’entrer en Terre promise (livre de l’Exode), à l’image surtout des quarante jours que Jésus a vécu dans le désert, entre son baptême et le début de sa vie publique (Matthieu 4, 1-11).
Ces quarante jours sont un temps de conversion pour se préparer à la fête de Pâques, cœur de la foi chrétienne, qui célèbre la résurrection du Christ. C’est en cela que le Carême se distingue de tout autre temps de jeûne et de purification vécu dans d’autres confessions religieuses ou dans les pratiques des sagesses orientales. Le jeûne, la prière, le partage sont les moyens concrets proposés par le Christ, et l’Église à sa suite, pour convertir son rapport à soi-même, à Dieu et aux autres.

Quelle est l’origine et l’histoire du Carême dans l’Église ?

La pratique du Carême a subi beaucoup de fluctuations. Dans l’Église primitive, le Carême est le temps ultime de préparation au baptême des catéchumènes célébré la nuit de Pâques. Une lettre de saint Irénée au pape Victor, à la fin du IIe siècle, indique que le jeûne durait alors d’un jour avant Pâques à toute la Semaine sainte. Au IVe siècle, le Carême est devenu un temps liturgique spécifique, orienté vers la fête de la Résurrection, et empreint d’austérité (la couleur liturgique devient le violet, et les acclamations joyeuses sont supprimées dans les célébrations).
Le jeûne, qui a pour but de donner soif et faim de Dieu et de sa parole, est alors porté à quarante jours. On en trouve trace dans un canon du concile de Nicée en 325. Le calcul de ces quarante jours va varier dans le temps avant d’être harmonisé. Au départ, le jeûne consistait à ne prendre qu’un repas quotidien composé de pain, de légumes, et d’eau, et à s’abstenir de toute nourriture les Vendredi et Samedi saints.
Peu à peu, il va perdre de sa rigueur. Aujourd’hui, l’Église catholique ne prescrit plus le jeûne que le mercredi des Cendres et le Vendredi saint. Elle invite néanmoins les fidèles à réduire leur consommation dans le domaine de leur choix (alcool, tabac, télévision…) et à partager, notamment sous forme de don. Chaque année, le Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD) anime une campagne de Carême au profit de la solidarité internationale

Comment protestants et orthodoxes vivent-ils le Carême ?

La Réforme s’est opposée au jeûne obligatoire du Carême. Les protestants n’ont en revanche en rien contesté l’importance du Carême pour la spiritualité. Les Églises de la Réforme marquent ce temps de Carême par l’organisation d’actions de solidarité.
Dans l’orthodoxie, il existe plusieurs carêmes: le grand Carême, le Carême de Noël du 15 novembre au 24 décembre, la période de jeûne avant la fête des saints Pierre et Paul, le jeûne de la Dormition du 1 er au 14 août.
Le grand Carême, également appelé Sainte quarantaine, prépare la fête de Pâques. Pendant ce grand Carême, les orthodoxes s’abstiennent de tout produit animal, de graisse et de vin, tous les jours sauf le samedi et le dimanche. Il n’y a pas de célébration de la Divine Liturgie les jours de jeûne, du lundi au vendredi.
En effet, pour l’orthodoxie, la célébration de l’Eucharistie est incompatible avec le jeûne, car elle célèbre la joie de la résurrection du Christ et anticipe la joie éternelle du Royaume de Dieu. Cependant les mercredis et vendredis soir de Carême il y a un office de communion qu’on appelle «liturgie des présanctifiés». On communie avec le Corps et le Sang du Christ consacrés à la liturgie eucharistique du dimanche précédant et gardés sur l’autel.
Dans le rite catholique romain, la liturgie des présanctifiés n’a lieu que le Vendredi saint (on communie aux espèces consacrées la veille ).

Le concile Vatican II a remis en valeur le catéchuménat des adultes des premiers siècles.
Le grand Carême orthodoxe est précédé d’une entrée en Carême qui se déroule sur cinq dimanches consécutifs, chacun d’entre eux étant consacré, avec un évangile particulier, à un aspect fondamental du repentir. Le 1er dimanche de Carême, les orthodoxes fêtent le triomphe de l’orthodoxie contre la répression iconoclaste. Les 3e ,4e et 5e dimanches sont dédiés à la commémoraison de grands maîtres spirituels: saint Grégoire Palamas, saint Jean Climaque et sainte Marie l’Égyptienne.

En quoi le Carême est-il un temps important pour les catéchumènes ?

Le concile Vatican II a remis en valeur dans l’Eglise catholique le catéchuménat des adultes des premiers siècles. Durant le Carême, les catéchumènes franchissent les toutes dernières étapes de leur chemin vers le baptême qu’ils reçoivent lors de la Vigile pascale (lire La Croix du 10-11 février). Le rite de l’appel décisif et de l’inscription du nom est célébré le 1er dimanche de Carême. Le rituel prévoit ensuite trois « scrutins », célébrés les 3e ,4e ,5e dimanches de Carême. Il s’agit de scruter les cœurs de ceux qui s’avancent vers le Dieu vivant qui seul sonde et connaît les cœurs (Psaume 138). Au cours de ces étapes, les catéchumènes reçoivent le «Notre Père» et le « Je crois en Dieu ».
                                                                                                                                                MARTINE DE SAUTO

Le déroulement du Carême

  
Ø Le Carême commence le mercredi des Cendres et s’achève le soir du Samedi saint, veille de Pâques.

  
Ø Du mercredi des Cendres à la nuit de Pâques, quarante jours
préparent à accueillir la joie de la résurrection du Seigneur. Pour atteindre ce nombre symbolique de 40, il faut enlever les cinq dimanches du Carême ainsi que le dimanche des Rameaux, qui ne sont pas des jours de jeûne, et au cours desquels les catholiques célèbrent la résurrection.

  
Ø Le mercredi des Cendres est marqué par le rite de l’imposition des cendres. Le prêtre dépose un peu de cendres sur le front de chaque fidèle, en signe de la fragilité de l’homme et de l’espérance en la miséricorde de Dieu. Tout en le marquant, le prêtre dit au fidèle : « Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle. » Les cendres utilisées proviennent des rameaux bénis au dimanche des Rameaux de l’année précédente. Les textes liturgiques sont les mêmes pour les trois années A, B et C : Joël 2, 12-18, 2 Co 5, 20-6, 2, Mt 6, 1-18. Le texte de Joël invite à la conversion. L’Évangile appelle à la prière, à l’aumône et au jeûne, non pour être bien vu des hommes, mais sous le regard de Dieu, par amour pour lui.

Ø Pour chacun des cinq dimanches de Carême avant les Rameaux , la première lecture rappelle une étape de l’histoire biblique : les origines, l’histoire du peuple hébreu, Moïse, les prophètes.
L’Évangile suit saint Mathieu pour l’année A, saint Marc pour l’année B et saint Luc pour l’année C (2007). Les évangiles du 1er et du 2e dimanche sont toujours la tentation de Jésus au désert (Mt 4, 1-11) et sa transfiguration (Mt 17, 1-9). Les évangiles des 3e ,4e et 5e dimanches sont différents selon les années. L’année A, ce sont les évangiles de l’initiation chrétienne : la Samaritaine (Jn 4,5-42), l’aveugle né (Jn 9, 1-41), la résurrection de Lazare (Jn 11, 1-45). Les années B et C proposent d’autres textes. Mais il est toujours possible de s’en tenir aux textes de l’année A. Quand il y a des catéchumènes, ceux-ci sont obligatoires. Le quatrième dimanche de Carême, qui suit le jeudi de la mi-carême, est appelé « dimanche de laetare » (dimanche de la joie). Mais ce n’est pas encore la joie de Pâques.

Ø La Semaine sainte, dernière semaine de Carême, commence avec le dimanche des Rameaux.
La liturgie du Triduum pascal invite à prendre le chemin du Christ, à entrer avec lui dans le combat de la mort pour la vie, celle du Ressuscité. Elle commence par la messe du soir du Jeudi saint, en mémoire de la Cène au cours de laquelle Jésus institua l’Eucharistie. Le Vendredi saint célèbre la Passion et la mort du Christ sur la croix. Le Samedi saint est un jour de silence et d’attente. Le Samedi saint au soir et le dimanche de Pâques, les chrétiens célèbrent la résurrection du Christ.
                                                                                                                    
La Croix  24/202.2007

     


Le Carême : un temps joyeux à vivre en famille
 

 Le Carême est un temps pour remettre du sens dans nos vies, un sens éclairé par la foi en un Dieu qui nous aime et veut notre bonheur. Faire des efforts pour faire des efforts n’a aucun intérêt. Cependant, soyons honnêtes, toute acquisition, tout apprentissage, tout progrès demande qu’on se donne de la peine. C’est vrai dans le domaine humain comme dans le domaine spirituel. C’est vrai surtout dans un monde gavé de tout, stressé, bruyant. Des efforts importants sont demandés aux chrétiens quand ils sont invités pendant quarante jours à stopper leur course, à s’arrêter, à se priver du superflu, à donner du temps à Dieu et aux autres. Mais tout cela est dynamisant pour la vie intérieure et finalement rend heureux.

Le Carême n’est pas forcément triste. Ainsi, plutôt que de s’abrutir par habitude devant telle série télévisée, on décide de faire un jeu de société ensemble ou d’aller chacun son tour faire une visite à un voisin isolé, porter lumière en quelque sorte…

Même le jeûne alimentaire peut être une expérience irremplaçable. Je parle bien sûr d’un jeûne raisonnable qui consiste par exemple à se priver de choses superflues. Ce qui est  intéressant dans cette privation, c’est la réflexion morale qu’elle suscite: en mangeant, je ne dois pas me tailler dans le monde la part du lion. Car concrètement, c’est bien de cela qu’il s’agit. Et cette réflexion ouvre sur les question de justice, de partage, de développement. On peut aussi penser au commerce équitable.

Le rôle des parents est essentiel pour aider leurs enfants à découvrir le sens du Carême. Les enfants, même tout petits, savent reconnaître l’authenticité de leurs proches. Il faut qu’ils puissent percevoir que leurs parents sont plus heureux, que la vie est plus légère quand ils se débarrassent d’un certain nombre de choses superflues, quand ils prennent du temps pour prier, se recentrer sur l’essentiel. Alors ils ne rechigneront pas à entrer dans le mouvement avec eux, surtout si les parents leur proposent des petites choses simples et drôles. Par exemple si on supprime la télévision pendant 40 jours, on peut prendre du temps pour préparer un spectacle à donner le jour de Pâques, inviter des amis ou peindre des œufs à offrir… Même les adolescents peuvent être intéressés par les propositions de leurs parents. Parfois même, ils sont fiers, lorsque leurs copains musulmans leur parlent du Ramadan, de raconter ce qui se fait chez eux.                            

Le Carême est un temps favorable pour mieux s’entendre en famille. Sur un temps long, il est  possible de détendre les incompréhensions en donnant plus de place à la gratuité, à l’indulgence et même au pardon; l’apaisement des rapports les plus quotidiens mène sur un chemin de joie.

                                                                     Vive le Carême!  Vive le Carême!  Vive le Carême!


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